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Par Rodolphe Parent
vendredi 31 janvier 2014
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À ce jour, l’Université ne voit pas l’utilité de réglementer le port de signes religieux sur les photos de finissants. (crédit photo : Adil Boukind)
À ce jour, l’Université ne voit pas l’utilité de réglementer le port de signes religieux sur les photos de finissants. (crédit photo : Adil Boukind)

L’UdeM s’est opposée officiellement au projet de loi de la Charte des valeurs en décembre dernier. Dans les couloirs, kippas, croix et voiles peuvent se côtoyer. Certains étudiants conservent même ces signes religieux sur leur photo de finissant. En effet, aucune université montréalaise ne possède de règlementation sur cette question.

«C’est une photo qui représente le visage, je devrais donc avoir le droit de porter le voile, explique l’étudiante en sciences économiques Marwa Zekri. Ça me gênerait de l’enlever pour la photo, c’est ma liberté de le garder. Je serais contre une quelconque politique de l’Université en ce sens.»

Pour l’instant, cette décision est remise entre les seules mains de l’étudiant. « L’UdeM ne possède aucune règlementation concernant les signes ostentatoires sur les photos de finissants», soutient le porte-parole de l’UdeM, Mathieu Filion.

Cette politique abonde dans le même sens que la position officielle de l’UdeM sur l’adoption de la Charte. Restée muette jusqu’au 2 décembre dernier, l’Université a rejeté le projet de loi lors de son Assemblée universitaire.

L’UdeM n’est pas la seule université montréalaise à ne pas posséder de règlement spécifique sur la question du port de signes ostentatoires sur les photos de finissants. L’UQAM et les universités Concordia et McGill n’ont établi aucune restriction pour les étudiants ou recommandation aux photographes à ce sujet.

Derrière l’appareil

Selon le photographe spécialiste en photo de diplomation depuis 1985, Alain Tardif, la religion n’a aucune importance dans le cadre de son travail. Il soutient respecter les étudiants, sans discrimination. «C’est très important pour les clients, car les photos sont souvent envoyées à des parents à l’extérieur de la province, rapporte M. Tardif. On essaie seulement de montrer les efforts mis dans les études.»

Le photographe Gilles Dubé, qui a travaillé pour des associations à l’UQAM, McGill et l’UdeM entre autres, partage l’avis de son confrère. «Les gens qui viennent devant nous, ils sourient et c’est tout, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, il n’y a pas de différences», précise le photographe.

Pour ces professionnels, le but d’une photo de finissant est de représenter l’institution et le programme d’études du diplômé. C’est aussi l’art d’exprimer l’accomplissement et la persévérance des étudiants, deux choses qui n’ont aucun lien avec leur confession.

L’Association des étudiants musulmans de l’UdeM (AEMUDM) appuie cette absence de règlementation et serait contre toute tentative d’interdiction des signes ostentatoires sur les photos. « L’AEMUDM s’opposerait, s’il le faut, à toute tentative d’interdiction de prise de photos des finissants avec des signes religieux », a fait savoir l’association par courriel.

L’étudiante en pharmacie W. W.* partage le même avis que l’association. « Je serais contre le fait qu’on m’oblige à enlever mon voile, assure-t-elle. C’est une pratique religieuse. J’ai fait le choix de le porter il y a trois ans, c’est entre Dieu et moi. Je ne me vois pas l’enlever. Ce n’est ni un accessoire, ni un symbole.»

Les étudiants musulmans ne sont pas les seuls à vouloir maintenir des signes religieux sur leur portrait de finissant. « Je ne pense pas que je voudrais enlever ma croix, explicite l’étudiant en sciences économiques Marc Therrien, qui est un catholique. Je pourrais comprendre qu’on la mette en dessous de ma toge s’il ne peut rien y avoir au-dessus. Mais je ne verrais pas l’utilité qu’on me l’enlève. Si ce n’est pas dangereux, c’est un peu stupide de me demander de l’ôter. »

Respecter les croyances

L’AEMUDM ne voit pas de raison de s’interroger sur le port de signes religieux lors des photos. «Il s’agirait de s’immiscer dans la définition de ce qu’il y a de plus personnel chez l’étudiant, l’expression de son identité, d’autant plus si ce dernier a le droit de fréquenter l’établissement scolaire en les portant », précise l’association dans un courriel.

Elle estime que la laïcisation de l’image de l’Université ne passe pas par l’uniformisation de l’apparence physique de ses étudiants, mais par son respect et sa neutralité envers toutes formes de croyances.

C’est également l’avis de l’étudiant en psychologie et sociologie, qui est un athée, Olivier St-Laurent. « Les gens ont le droit de croire, et ça me dérangerait que l’on demande aux autres d’enlever leurs signes », déclare-t-il.

Toutes les associations religieuses étudiantes ne se prononcent pas sur le sujet. C’est le cas de l’association des étudiants juifs montréalais Hillel Montréal, qui ne se positionne ni sur les pratiques à adopter pour les photos de finissants ni sur la Charte. Quant aux Groupes bibliques universitaires et collégiaux de l’UdeM, ils n’ont pas donné suite à nos demandes d’entrevue.

 

* Cette personne a souhaité garder son anonymat.