Étudiants tolérants ?

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Par Audrey Larochelle
mardi 29 novembre 2011
Étudiants tolérants ?

La Commission Bouchard-Taylor ou, plus officiellement, la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, fête aujourd’hui le quatrième anniversaire de sa première consultation publique à Montréal. L’occasion pour Quartier Libre de demander au sociologue Gérard Bouchard où en est l’ouverture aux autres cultures dans le monde universitaire.

 

 

Gérard Bouchard, accommodant et raisonnable. Crédit Audrey Larochelle

 

 

Quartier Libre : Dans votre rapport, y a-t-il eu des recommandations concernant les universités ?

Gérard Bouchard : Non. Il n’y a pas eu de recommandation spécifique aux universités. Nous en avons traité cependant dans plusieurs chapitres du rapport puisqu’il y avait plusieurs questions intéressantes soulevées. Par exemple, est-ce que les universités peuvent permettre à leurs étudiants musulmans de créer leur propre association étudiante en marge de leur association universitaire ? C’est une décision difficile à prendre parce que si vous refusez, les étudiants musulmans vont se sentir exclus, mais si vous acceptez, ils s’excluront eux-mêmes et ne participeront pas à la vie universitaire.

QL : Quels défis attendent les jeunes universitaires en terme d’interculturalité ?

GB : Je pense que tant que les jeunes sont à l’université, ils sont dans un environnement protégé, puisque programmé par le système scolaire. Tout fonctionne bien à l’intérieur de ce monde-là. Mais quand ces jeunes vont sortir de l’université pour accéder au monde du travail et qu’ils vont se heurter aux règles de la société, j’ai hâte de voir si l’ouverture culturelle apprise à l’école va continuer à être appliquée. Dans leur nouvelle vie et face à de nouvelles responsabilités, il y aura de la compétition. C’est inévitable à mon avis, dans l’histoire de la francophonie québécoise avec des mythes nationaux très puissants qui se sont forgés, de penser faire partie d’une minorité culturelle très fragile. C’est ancré très profondément dans notre culture, tout comme la question nationale.

QL : Vous semblez avoir une vision un peu pessimiste de la jeunesse actuelle. Pensez-vous que les jeunes vont prendre la même route que leurs parents ?

GB: Aujourd’hui, les jeunes ont plus qu’à se définir par rapport aux Canadiens anglais. La mondialisation est devenue source de l’inquiétude. C’est une situation sans précédent. Nous avions appris à nous défendre face à la menace canadienne-anglaise, cette menace nous était familière. La mondialisation, ça n’a ni queue ni tête, nous ne savons pas où ça loge, c’est partout et nulle part à la fois. Ce n’est pas tant que je suis pessimiste que je ne serais pas surpris que les jeunes retombent dans les vieilles racines et les vieux réflexes.

QL : Avec ses nombreux étudiants étrangers et de seconde génération d’immigrants, le monde universitaire a-t-il une prédisposition à faire la paix avec les mythes ancestraux du passé québécois ?

GB: Ce n’est pas un travail seulement pour les étudiants, tout le monde doit apporter sa contribution. Par exemple, les médias pourraient faire beaucoup plus qu’ils n’en font pour assurer la présence des jeunes minorités et des immigrants. Ils devraient parler de ce qu’ils peuvent apporter à une société, faire en sorte qu’on se sente plus proche d’eux. Chacun pourrait se fier à ses propres valeurs dans la continuité de sa tradition […] tout en découvrant que c’est convergeant avec ce que d’autres ont vécu. Cela pourrait nous permettre de réaliser que ces étrangers- là sont parfois comme nous, mais en fonction d’héritages et de cultures différents. Je crois que sur le terrain universitaire, il peut y avoir des rencontres semblables. On peut aspirer à une même idée de liberté avec des itinéraires différents. Il s’agit en quelque sorte de brouiller ces trajectoires et de travailler ensemble aux héritages qui en ressortent. Parce que, finalement, ça n’a pas de couleur le goût de la liberté, pas plus que le respect de l’environnement.

Rencontre dialogique organisée à l’initiative du professeur Norman Cornett

La commission Bouchard-Taylor, petit rappel

Le 8 février 2007, quelques semaines suivant la publication litigieuse d’un code de conduite pour les nouveaux immigrants par le maire d’Hérouxville, Jean Charest a annoncé la mise sur pied d’une Com mission de consultation visant essentiellement à dresser un portrait des pratiques d’accommodements de la société québécoise vis-àvis de ses membres issus d’autres cultures.