En novembre 2023, le gouvernement québécois a retiré l’obligation faite aux diplômé·e·s étranger·ère·s d’un établissement supérieur du Québec de travailler 12 mois à temps plein pour être admissible au volet diplômés du PEQ.
Le PEQ offre aux diplômé·e·s étranger·ère·s d’une université québécoise une voie plus rapide pour obtenir le Certificat de sélection du Québec (CSQ), document indispensable pour accéder à la résidence permanente.
Grâce à la suppression de ce critère de sélection, institué pour la première fois en 2020, les immigrant·e·s diplômé·e·s ont donc la possibilité de continuer à vivre au Québec sans avoir été salarié·e·s.
En retirant l’obligation de 12 mois d’emploi à temps plein, « le Ministère vise à simplifier et à accélérer la sélection permanente des étudiants étrangers diplômés », explique par voie de courriel le directeur des communications du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), Théo Boucher-Depatie.
Des réactions mitigées
L’étudiante française titulaire d’un baccalauréat en droit international et en relations internationales obtenu à l’UQAM Angélique Labbadi, a effectué une demande de CSQ par l’entremise du PEQ – volet diplômés après la levée de l’obligation. Celle qui est également détentrice d’un DESS en gestion à HEC Montréal se réjouit de ce changement, puisqu’elle est travailleuse autonome, un statut qui ne lui aurait pas permis de passer par le programme auparavant. « Quand j’étais étudiante, j’avais cette épée de Damoclès qui me pressait à envisager de faire du travail salarié après les études », confie-t-elle.
Elle s’était donné comme échéance janvier 2024 pour mettre ses projets professionnels et personnels en pause afin de trouver un emploi salarié à temps plein. « Finalement, je n’ai pas eu besoin de me stresser à trouver un job salarié, j’ai le choix de vouloir continuer où je veux », se réjouit-elle.
La seconde modification apportée au PEQ cause davantage de grogne auprès de certain·e·s étudiant·e·s qui ont fait le choix de venir s’installer au Québec. À partir du 23 novembre 2024 l’accès au volet diplômés du programme sera réservé aux étudiant·e·s ayant effectué au moins trois années d’études secondaires ou postsecondaires en français, au Québec ou à l’étranger.
En plus du volet diplômés, le PEQ propose un volet travailleurs. M. Boucher-Depatie rappelle que cette voie est ainsi plus longue, puisque les demandeurs·euses doivent avoir cumulé 24 mois de travail à temps plein en tant que salarié·e·s à un poste qualifié lié à leur domaine d’études au Québec et avoir atteint un certain niveau de français oral (échelon 7, selon l’Échelle québécoise).
Lors de l’adoption de sa nouvelle politique d’immigration, qui comprenait les modifications au PEQ, le gouvernement québécois avait également l’intention de doubler les frais de scolarité des étudiant·e·s canadien·ne·s non québécois·e·s. Ces personnes sont principalement inscrit·e·s dans les établissements postsecondaires anglophones de la province. Les administrations des universités McGill et Concordia ont depuis décidé de poursuivre le gouvernement québécois en réaction à cette mesure.
L’Université Bishop’s, située en banlieue de la ville de Sherbrooke, sera épargnée par cette mesure. Le gouvernement québécois justifie cette exception par le contexte linguistique différent en Estrie par rapport à Montréal, où le français comme langue d’usage serait plus menacé. De plus, l’immense majorité des étudiant·e·s de Bishop’s ne sont pas originaires du Québec.
L’Université McGill a également annoncé son intention de compenser la différence de frais de scolarité entre ses étudiant·e·s et celles et ceux d’établissements francophones par l’entremise de bourses pour les étudiant·e·s étranger·ère·s.
Une approche de fidélisation des francophones
La stratégie gouvernementale énoncée consiste à favoriser le maintien des étudiant·e·s francophones dans la province après leurs études, afin de contrer la baisse de l’utilisation du français. « [La stratégie] vise à inciter les étudiants étrangers à choisir un programme d’études en français, ce qui favorisera leur intégration à long terme en français à la société québécoise », explique Théo Boucher-Depatie.
Néanmoins, comme l’indique la présidente de l’Union étudiante du Québec (UÉQ), Catherine Bibeau-Lorrain, « restreindre l’accès au PEQ n’aura qu’un effet dissuasif auprès des étudiants à l’étranger, et ils seront moins enclins à vouloir venir s’installer au Québec ».
Elle précise être en faveur des mesures de francisation pendant et après les études, mais que l’approche restrictive n’est pas la bonne façon de préserver le français à Montréal. « Le gouvernement voit l’anglicisation de Montréal comme la faute des étudiants internationaux, même s’ils contribuent énormément à la société », reproche-t-elle.
Elle souhaite également que le gouvernement revienne aux modalités en vigueur avant la réforme de 2020, qui n’impliquaient ni une obligation de 12 mois de travail ni d’avoir étudié dans une université francophone. « Il y a eu une chute des inscriptions au PEQ, mais une augmentation du nombre d’étudiants étrangers, ce qui montre que les mesures n’ont servi à rien », constate-t-elle.