La réforme du PEQ, une marchandisation de l’éducation ?

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Par Esther Thommeret
jeudi 28 novembre 2019
La réforme du PEQ, une marchandisation de l’éducation ?
Photo: Yllan Moglia.
Photo: Yllan Moglia.
Six associations étudiantes de l’UdeM réagissent aux arguments utilisés par la FAÉCUM dans sa gestion du dossier sur la réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ). Dans une lettre ouverte, des étudiants reprochent à la fédération de défendre une vision purement « utilitaire » du rôle de l’éducation.

Lettre ouverte

La pénurie de main-d’œuvre au Québec est l’un des arguments avancés par le premier ministre François Legault afin de justifier la restriction de l’accès au PEQ à certains domaines d’études. L’Association des étudiants en philosophie de l’UdeM (ADÉPUM) s’est associée à d’autres associations pour réagir à la réponse de la FAÉCUM publiée dans Le Devoir le 7 novembre dernier, ainsi que dans ses publications sur Facebook.

D’après le coordonnateur aux affaires externes de l’ADÉPUM, Grégoire René, la fédération a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un argument valable, étant donné que certains programmes, comme les sciences humaines, servent également à l’économie. « Alors que nous, on considère qu’il faut se battre contre la position du ministre, non pas parce que ça sert ou non à l’économie, mais bien parce que c’est une réforme qui n’a pas de sens à tous les niveaux », affirme-t-il. 


« On est dans une logique de marchandisation de l’éducation, qui considère que l’université doit constituer une usine à travailleurs, or, le rôle fondamental de l’université est de transmettre le patrimoine intellectuel de l’humanité. Ce qui est troublant, c’est qu’une fédération étudiante, qui représente notamment des gens en lettres, en philosophie et en sciences humaines, vient reprendre cet argumentaire
[économique] sans le démonter. »

Maxime Laprise        
Étudiant au doctorat en histoire et membre de l’Association des étudiants diplômés du Département d’histoire (AÉDDHUM).

De son côté, la FAÉCUM se justifie en affirmant s’opposer à toute marchandisation du savoir. « La recherche et l’enseignement sont au cœur de la mission universitaire et ne devraient pas être tributaires du milieu de l’emploi », affirme la secrétaire générale de la FAÉCUM, Sandrine Desforges. Selon elle, la fédération aurait repris l’argument économique sur lequel se base la Coalition avenir Québec (CAQ) afin de le « déconstruire » et de mettre ainsi fin à cette réforme « absurde ». « Une chose qui est claire pour nous est qu’il n’a jamais été question de revoir la liste, mais de l’abolir », déclare-t-elle.

Par ailleurs, les associations mettent en avant « l’incohérence » entre le discours de la fédération et son cahier de position, qui mentionne la nécessité d’une stricte indépendance de l’institution par rapport aux demandes du marché (voir lettre). « C’est en contradiction avec les positions de la FAÉCUM, on considère qu’il fallait leur faire comprendre qu’elle va contre leur mandat, qui a d’ailleurs été voté », souligne Grégoire.

Des termes controversés

Dans cette lettre publiée dans Le Devoir, certains termes utilisés par la fédération, tels qu’« immigrant idéal », semblent également déranger les associations. « La FAÉCUM n’a pas vraiment étayé sur ce qu’était un “immigrant idéal”, ce qui sous-entend qu’il existe une hiérarchie dans l’immigration, et c’est quelque chose pour lequel nous ne sommes pas d’accord », précise le membre de l’AÉDDHUM Guillaume Vallières. S’il existe des immigrants idéaux, qu’est-ce qu’un immigrant qui n’est pas idéal?»

Quant à la FAÉCUM, celle-ci affirme reprendre le terme fréquemment employé par la CAQ. « Nous avons conscience qu’il existe une pluralité de trajectoires de vie qui se valent toutes, et que le Québec se doit d’être une société inclusive », détaille Sandrine.

« À la fédération, ils disent que nous avons mal compris l’utilisation du mot richesse”, qu’ils parlaient de richesses “sociales”, alors qu’il est clair que la rhétorique utilisée tournait bien autour de la richesse “économique” », affirme Guillaume. De son côté, la FAÉCUM affirme avoir voulu réagir aux propos de la CAQ, en affirmant que la communauté étudiante internationale participe à la richesse de la société, pas uniquement à une richesse « économique », mais bien « sociale ».

« Je ne considère pas que nous ayons eu un discours limité aux arguments économiques. Au contraire, nous avons déconstruit l’argumentaire de la CAQ. »

Sandrine Desforges   
Secrétaire générale de la FAÉCUM

Les différentes associations s’attendent à ce que la FAÉCUM reconnaisse ne pas avoir défendu le « bon argumentaire » lors de ses échanges avec le gouvernement, et qu’elle modifie son discours afin de mieux les représenter. « Nous aurions aimé que notre fédération étudiante rappelle le rôle social de l’université, conclut l’étudiant au doctorat en histoire Maxime Laprise. Les étudiants en philosophie et sciences humaines ne se sentent pas défendus ni représentés. »