Honorer Cohen en français

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vendredi 24 novembre 2017
Honorer Cohen en français
Hugo Bourcier a organisé le 28 octobre dernier au Quai des Brumes un spectacle-financement avec son projet de traduction. (Photo: Courtoisie Florence Falgueyret)
Hugo Bourcier a organisé le 28 octobre dernier au Quai des Brumes un spectacle-financement avec son projet de traduction. (Photo: Courtoisie Florence Falgueyret)
Traduire des textes comme ceux de Leonard Cohen n’est pas chose facile. Sa plume ultra référencée et sa façon de jouer avec la langue rendent l’entreprise suffisamment ardue pour en décourager plusieurs. Ce travail a pourtant été entrepris par l’auteur-compositeur-interprète Hugo Bourcier pour son nouvel album Dix vieilles chansons .

Dans la foulée des hommages québécois rendus à Leonard Cohen depuis le début du mois de novembre, peu ont eu lieu dans la langue de Ducharme. Outre la microapparition de Cœur de Pirate lors du spectacle Tower of Song et les reprises de Jean Leloup et d’Ariane Moffatt en écoute au Musée d’art contemporain, on a surtout célébré Cohen dans sa langue maternelle. Ce détail a d’ailleurs été soulevé lors d’une précédente chronique. Il faut dire que les textes de Leonard Cohen sont parmi ces classiques que certains considèrent comme intouchables. Un hommage en français tardait donc à voir le jour.

Qu’à cela ne tienne, Hugo Bourcier sort cette semaine un album en plein dans l’ère du temps. Non seulement celui-ci arrive près d’un an après le décès de Cohen, mais le travail sur les textes s’est fait en parallèle au deuil de l’artiste.   Je suis véritablement tombé dans Cohen après avoir appris sa mort, explique Hugo Bourcier. C’est à ce moment-là que j’ai appris à vraiment l’apprécier ». Après s’être replongé dans les textes en les traiter en tant que littéraire – Hugo possède une maîtrise en littérature à l’UQAM – il a rapidement réalisé que le choix de proposer des traductions en musique s’imposait. « Je voyais que ça s’était peu fait et c’était peut-être plus facile à légitimer pour moi vu mon parcours de musicien », ajoute-t-il.

Plus facile à légitimer peut-être, mais à prendre avec humilité quand même pour le leader du groupe Minotaures. « Il y a un rapport de révérence aux chansons de Cohen qui sont, selon certains, ce que la musique pop a de plus proche du texte sacré, explique-t-il. Une chanson comme Hallelujah, c’est vraiment ça. » Pour lui, en proposer des reprises traduites demande donc une véritable modestie et une acceptation du fait que certaines choses vont être perdues dans la traduction, voire, quelquefois, trahies.

 

Cela dit, la démarche est louable et en vaut la peine pour peu qu’on ait l’esprit ouvert à quelques changements. Du point de vue musical, l’esthétique des chansons de Hugo Bourcier tend à s’éloigner des instrumentations parfois volontairement kitchs et démesurées de Cohen pour adopter un son plus auteur-compositeur-interprète parfait pour mettre le texte de l’avant. On sent une véritable volonté de faire en sorte que le texte veuille dire quelque chose, quitte à le changer de contexte pour le clarifier. Un exemple : sa version de Democracy est hantée par une certaine actualité au point d’être datée dans son titre. Une telle démarche a le mérite de rendre l’album pertinent et de ne pas tomber dans une simple redite de Cohen traduite mot à mot. Bien qu’étant un album de reprise, il transpire une véritable authenticité des interprétations.

 

Difficile de dire l’avenir qu’aura ce projet pour Hugo Bourcier qui, après un spectacle de lancement au Quai des Brumes plus tôt ce mois-ci, n’a pas planifié d’autres spectacles. « On verra l’ampleur que ça prendra dans les prochaines semaines, mais pour le moment, je suis content d’avoir accompli ce travail et d’avoir un peu expulsé Cohen de mon système, raconte-t-il. On fait de la musique pour que ça touche des gens, peu importe le nombre ». Dans tous les cas, une visite sur sa page Bandcamp n’est pas perdue pour quiconque a envie d’expérimenter Cohen sous de nouvelles perspectives.