Le grand cinéma de la réalité virtuelle

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mardi 7 juin 2016
Le grand cinéma de la réalité virtuelle
Image de Back to the Future II. Photo : Zemekis 20th Century Fox 1989.
Image de Back to the Future II. Photo : Zemekis 20th Century Fox 1989.
C’est devenu une habitude. À chaque festival, à chaque évènement organisé autour du cinéma, une place est laissée à la réalité virtuelle. Cette technologie à la mode permet de simuler un environnement immersif avec lequel l’utilisateur, un casque sur la tête, peut interagir (ou non). Mais avant de savoir s’il agit de l’avenir du septième d’art, revenons aux évidences : la réalité virtuelle est-elle seulement du cinéma ?

Le cinéma est un art qui n’en finit pas de mourir. Comme le notait le professeur au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM et coauteur de l’ouvrage La Fin du Cinéma, André Gaudreault, de nombreux critiques à travers son histoire ont annoncé la mort du cinéma. Tantôt victime de l’arrivée de la télévision, puis d’Internet, parfois assassiné par quelque nouvelle technologie, du son au numérique en passant par la couleur. Alors si certains, comme Steven Spielberg, voient dans la réalité virtuelle un nouveau serial killer en puissance, rassurerons-nous : le cinéma a connu pire.

Certes, l’apparition de chacune de ces nouvelles technologies a entraîné une révolution brutale du cinéma. Pourtant, l’infime moelle du septième art est restée inchangée. De Griffith à JJ Abrams, le film répond aux mêmes critères que ceux auxquels il a toujours répondu : un récit composé d’un montage de plans diffusé sur un écran. Dès lors, il est évident que la réalité virtuelle ne sera jamais du cinéma, par définition.

Le mauvais dictionnaire

Quant à la peur d’un « grand remplacement » du centenaire cinéma par ce nouveau média, elle semble liée à une incapacité à faire entrer un nouveau médium sur l’étroite scène des arts fictionnels et créatifs. Rue de Turenne, à Paris, une salle d’un nouveau genre a ouvert. Il s’agit d’une simple pièce blanche, pouvant accueillir une quinzaine de personnes sur autant de sièges amovibles. Chaque participant porte un casque de réalité virtuelle pour vivre, ou voir, une fiction d’un genre nouveau.

Le problème, c’est que les propriétaires de cette salle ont eu l’étrange idée de la nommer « PickupVRCinema », en reprenant allégrement tout le champ lexical du septième art pour définir leurs œuvres, à l’instar du terme « film », utilisé à tort et à travers au mépris de toute étymologie. Alors, la presse s’est emballée. Le Monde parle de « , Paris Match du « premier cinéma en réalité virtuelle », Télérama d’« immersion dans les films ».

En effet, de Sundance à Cannes en passant par Hollywood, la réalité virtuelle semble avoir conquis tous les temples du cinéma. À Montréal aussi, les RIDM ou encore les Rendez-vous du Cinéma Québécois proposent des « films » en réalité virtuelle. Sans qu’aucune définition particulière ne soit donnée à ces œuvres, elles sont souvent cataloguées comme « films interactifs » ou « expérimentations cinématographiques ». On peut bien sûr y voir une manière d’anoblir cet art nouveau et « bâtard », comparé à la fois au cinéma et au jeu vidéo.

Rappelons que le cinéma lui-même fut bien longtemps considéré comme une forme dérivée du théâtre, avant d’avoir une reconnaissance propre. Considérer une œuvre en réalité virtuelle pour ce qu’elle est, et non comme un dérivé exotique d’une autre forme d’art, ne pourra qu’aider au développement et à la reconnaissance de ces œuvres. En attendant, à défaut d’une place dans la hiérarchie des arts, la réalité virtuelle est du plus en plus présente dans l’économie du numérique, comme en témoigne le récent Marché de la réalité virtuelle qui s’est tenu le 1er juin dernier à Montréal.