La vague coréenne atteint l’UdeM

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Par Emmalie Ruest
mardi 14 février 2023
La vague coréenne atteint l'UdeM
Le CÉTASE peine à répondre à la demande des étudiant·e·s qui demandent plus de cours portant sur la culture coréenne. Crédit : Juliette Diallo.
Le CÉTASE peine à répondre à la demande des étudiant·e·s qui demandent plus de cours portant sur la culture coréenne. Crédit : Juliette Diallo.
Depuis quelques années maintenant, la culture coréenne est omniprésente sur les écrans du monde entier. La K-pop, le cinéma, les dramas (séries télévisées coréennes) et d’autres séries traversent les frontières et font rayonner le pays. L’Université de Montréal et ses étudiant·e·s n’ont pas échappé à cette grande séduction.

Selon des données de 2022 publiées par l’Agence de contenu créatif de la Corée (Korea Creative Contents Agency KOCCA), l’industrie culturelle sud-coréenne est la septième plus grande au monde. Cet engouement international croissant porte le nom de hallyu en coréen, de korean wave ou de k-wave en anglais, des expressions qui signifient « vague coréenne ».

L’artiste Mi-Jeong Lee, également chargée de cours au Centre d’études asiatiques (CÉTASE) de l’UdeM, précise que « le mot hallyu a été créé par les médias chinois » lors des premiers grands succès des dramas pendant les années 2000. Cette vague a continué sa progression et a connu une grande impulsion à l’apogée de la pandémie de la COVID-19, alors qu’une grande partie du monde était confinée.

Ce confinement ainsi que l’importance croissante des divertissements en ligne ont permis à la hallyu de sortir de sa niche et de toucher un public plus large. Les exemples de cette ascension sont éloquents : la série Le Jeu du calmar (Squid Game) est à l’heure actuelle la série la plus regardée sur Netflix ; le film Parasite a fait l’histoire en 2020 en étant le premier film étranger à remporter l’Oscar du meilleur film ; le groupe BTS est le premier groupe sud-coréen à avoir sorti un album ayant atteint le sommet du classement états-unien Billboard.

Premiers contacts

Six étudiantes au programme de baccalauréat en études asiatiques de l’UdeM ont accepté de se confier à Quartier Libre. La grande majorité d’entre elles ont connu une adolescence marquée par les dramas et la K-pop. Elles ont découvert ces contenus sur les réseaux sociaux, sur la plate-forme de vidéo en continu offrant des contenus asiatiques Viki ou encore sur YouTube.

L’ancienne présidente de l’association étudiante du CÉTASE et étudiante en deuxième année Lou Judas mentionne sa surprise lorsqu’elle a vu ses premières vidéos de K-pop. Elle n’était pas habituée, à l’époque, à voir des garçons maquillés. L’étudiante de première année Bakhita Kokoume a aussi vécu cette surprise. « J’étais trop choquée, je n’avais jamais vu ça ! », se remémore-t-elle. Elle se souvient avoir été charmée par l’esthétique des vidéoclips, par les paroles passant fluidement de l’anglais au coréen ainsi que par l’utilisation d’instruments traditionnels dans des sonorités pop.

« [La hallyu] a bouleversé le cours de ma vie », révèle Lou, présentement en échange à Séoul. Elle précise que la culture coréenne a été source de réconfort « dans des moments qui [lui] étaient particulièrement stressants » et qu’elle « [lui] a permis de les surmonter ».

La grande majorité des étudiantes interrogées ont également aujourd’hui un regard plus critique sur cette industrie culturelle. À force d’en apprendre plus sur l’histoire du pays et sur la société coréenne dans le cadre de leurs études, elles ont perdu cet émerveillement des débuts. L’étudiante en deuxième année Mathilde Elie donne pour exemple les dramas, qui « projettent une image féérique de la Corée et attirent beaucoup de personnes ». Elle déclare s’intéresser maintenant davantage « au cinéma coréen, qui fait mieux état des réalités de la Corée ».

L’étudiante au baccalauréat en études asiatiques Marjorie Verdon à Séoul, dans le cadre d’un échange étudiant. Courtoisie : Karel Sauvageau.

Un programme en plein croissance…

Les étudiantes du baccalauréat en études asiatiques à l’UdeM sont ainsi plusieurs à avoir été entraînées dans cette vague sud-coréenne, au point d’en faire leur domaine d’études. Pour Mathilde, qui s’implique également au sein de l’association étudiante du CÉTASE, le désir d’apprendre de nouvelles langues asiatiques était plus fort que tout pendant son adolescence. Fervente admiratrice du groupe rock coréen IZ, elle révèle avoir traduit leurs gazouillis et leurs vidéos, ce qui lui a permis d’améliorer sa maîtrise du coréen.

L’étudiante en troisième année Léa Fortin témoigne avoir également appris l’alphabet à ses heures perdues afin de traduire les paroles des chansons K-pop qu’elle écoutait. Bakhita a fait de même pour comprendre les dramas qu’elle regardait. « J’en avais marre de regarder des émissions et de ne rien comprendre ! » explique-t-elle. Lou évoque quant à elle son coup de foudre avec la langue. « J’ai tout de suite adoré la musicalité de la langue coréenne, précise-t-elle. C’était très fluide, comme de l’eau dans mes oreilles. C’était vraiment un enchantement, j’avais envie d’en apprendre plus. » 

L’UdeM a observé une augmentation de ses inscriptions aux cours de coréen ces cinq dernières années. Alors que pour l’année universitaire 2017-2018, le Centre de langues accueillait 227 étudiants·e·s dans ces cours, il en a accueilli 312 pour l’année 2022-2023. Le plus grand nombre d’inscriptions a été de 367 pour l’année 2020-2021. Les échanges internationaux vers le pays d’Asie de l’Est ont aussi connu une ascension au cours des dix dernières années. Lors de l’année universitaire 2013-2014, seuls quatre étudiants·e·s de l’UdeM avaient fait un échange en Corée du Sud. Le nombre est de 23 cette année.

Cette augmentation des inscriptions se manifeste également dans le nombre de nouveaux de cours de langues offerts. La professeure invitée au Centre d’études asiatiques Jeonghyun Hong mentionne qu’à son arrivée à l’UdeM en 2018, elle enseignait les cours de coréen de niveaux élémentaires 1 à 4, des niveaux définis par le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Depuis, six cours de langues ont été ajoutés au programme et vont désormais jusqu’au niveau intermédiaire 10. L’augmentation de l’offre illustre bien la demande étudiante grandissante pour les cours de coréen.

… Et parfois en manque de moyen

En raison de toute l’effervescence autour de la hallyu, le CÉTASE peine à répondre à la demande des étudiant·e·s. À l’heure actuelle, 4 des 25 cours thématiques qu’il propose et traitant de l’histoire ou de la culture d’un pays abordent la Corée, en plus des 10 cours de langue coréenne qu’offre le Centre de langues. L’étudiante en deuxième année au baccalauréat en échange à Séoul Marjorie Verdon regrette cette situation. « Même si je m’intéresse au Japon, j’aimerais me concentrer directement sur la Corée pendant mon bac, mais je ne suis pas tant en mesure de le faire à l’heure actuelle », déplore-t-elle.

Mme Hong et Mme Lee affirment que leurs étudiant·e·s demandent des cours additionnels portant notamment sur le cinéma ou le phénomène de la hallyu. Mme Lee précise d’ailleurs que l’analyse de celle-ci se fait déjà dans d’autres universités.

La chargée de cours, qui donne le cours Arts visuels et médiatiques en Corée, précise qu’un nouveau cours de cinéma devait être proposé à la session d’hiver 2023, mais qu’il n’a finalement pas pu être offert, faute d’argent.

RECOMMANDATIONS CULTURELLES

  • Lou Judas : l’artiste multidisciplinaire Jaha Koo (arts de la scène).
  • Mathilde Elie : la galerie L’Onyx, à Montréal, dirigée par l’artiste coréenne Jou Lee.
  • Marjorie Verdon : le film Voice of Silence (2022) réalisé par Hong Eui-jeong.
  • Mi-Jeong Lee : le Festival du Film Coréen au Canada.
  • Bakhita Kokoume : les dramas Extraordinary You et The Golden Spoon.
  • Claudelle Boutin : les groupes Jaurim (rock) et  (métal).