Arriver à l’Université léger, sans arrière-pensée, sans dégainer son masque de procédure à l’approche d’un pavillon, sans s’inquiéter de sa liberté de débattre avec ses pairs, sans penser au prochain loyer à virer à son propriétaire et au frigo qui a besoin d’être rempli, sans réfléchir aux travaux à finir, aux examens qui s’en viennent… Terminer sa semaine autour d’un verre sans devoir présenter sa preuve d’immunisation contre la COVID-19 assortie d’une pièce d’identité, sans demeurer masqué quand viendra le moment de danser, sans rentrer chez soi transi par le froid… Sans avoir une baisse de moral due aux journées plus courtes et à l’hiver qui cherche tranquillement à s’installer…
Se réveiller et réaliser que tout cela n’était qu’un doux songe vite évaporé par l’éventail de nos tourments.
Crise sanitaire
Être étudiante ou étudiant comporte déjà, en soi, son lot de préoccupations : mon cursus me convient-il ? M’amènera-t-il là où je le souhaite vraiment ? Vais-je survivre à cette fin de session ? Pourrai-je payer mes prochains frais de scolarité dans les temps ? Depuis près de deux ans, à ces préoccupations se sont ajoutées tout un tas de contraintes liées à la pandémie qu’on ne présente plus. Des contraintes qui, certes, se sont allégées au fil des mois. Il n’empêche que la COVID-19 est loin d’être un mauvais souvenir pouvant se comparer à une opération des dents de sagesse : douloureuse, pas très agréable pendant quelques jours, mais finalement très vite oubliée. Les joues de hamster sont chose du passé : le hamster qui tourne dans la roue de notre cerveau pour nous rappeler constamment que nous sommes en crise sanitaire, lui, ne semble pas s’essouffler.
Dans l’imaginaire collectif, la menaçante sphère grise arborant ses pointes rouges, censée représenter le nouveau coronavirus, s’accroche. Difficile de passer une journée sans y faire au
moins une fois référence ou en entendre parler. Si certains membres de la communauté étudiante affirment s’y être désormais largement adaptés, d’autres espèrent un allègement des restrictions sur le campus dans les mois à venir.
Crise du logement
Mais la pandémie est loin de représenter l’unique source d’anxiété des étudiants et des étudiantes, qui doivent faire face à une véritable crise du logement au niveau du marché locatif. Entre manigances de la part de certains propriétaires et « rénovictions », face à des loyers de plus en plus coûteux, certains universitaires sont à bout de souffle. Une situation qui se fait ressentir également, et en particulier, aux abords du campus MIL. Si les élus disent s’engager pour des logements plus abordables, des organismes proposent quant à eux des solutions innovantes pour tenter de répondre aux besoins de tous.
Crise intérieure
Dans ce contexte, et pour couronner le tout, la nuit, comme chaque année à la même période, arrive bien tôt. Avoir l’impression qu’il est déjà 21 heures alors que son cellulaire affiche 17 heures tapantes n’aide pas nécessairement à voir la vie en rose. Certains Udemiens et Udemiennes affirment ainsi souffrir de dépression saisonnière : un impact physique et psychologique dû à la baisse majeure de la période lumineuse quotidienne.
Émancipation
Au regard des témoignages des membres de la communauté étudiante interrogés, l’envie d’un souffle nouveau semble, dans ce climat tendu, émerger. Un besoin de liberté, d’affranchissement, la volonté de tendre vers une session d’hiver beaucoup moins contraignante à bien des égards. Retrouver l’horizon des possibles, recommencer à voir loin – comme le télescope James Webb !
Qu’en est-il d’ailleurs de la liberté universitaire, qui, par exemple, a fait largement débat cette année ? L’importance de pouvoir s’exprimer librement occupait une place majeure dans la déclaration annuelle du recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras, le 1er novembre dernier. Interrogé par Quartier Libre, il estime que la responsabilité des universités d’être « des espaces de débats sociaux » et d’incarner la « conscience sociale » est un premier enjeu, lequel passe par « les plus grandes libertés possibles de conversation, de discussion, de
discours critique par rapport à ce qui nous entoure ».
Pour faire tomber peu à peu les barrières du quotidien (mais attention, pas encore les « gestes barrières » !), de jeunes diplômées de l’UdeM, qui constituent le duo musical Andromède, donnent en tout cas le ton auprès de celles et ceux qui leur succéderont, en parlant de l’écriture de leurs textes : « On n’a pas eu de cours de poésie, on ne sait pas si ça respecte des règles ou pas, mais parfois, il faut juste se laisser aller ».
Se laisser aller, lâcher prise : le mot d’ordre de 2022 ? En attendant, pour relâcher la pression, rien de tel, à l’heure des journées froides, que de faire une pause devant un « film pur bonheur » (Feel-Good Movie). Un « airbag émotionnel » face à une réalité parfois difficile à appréhender.
De toute façon, c’est bien connu, et le hamster logé dans notre cerveau le sait bien : la roue tourne.