Contrer la dépression saisonnière

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Par Marianne Cornet Allard
lundi 6 décembre 2021
Contrer la dépression saisonnière
Le phénomène de la dépression saisonnière affecte davantage les femmes que les hommes. Crédit photo : Ben Blennerhassett | unsplash.com
Le phénomène de la dépression saisonnière affecte davantage les femmes que les hommes. Crédit photo : Ben Blennerhassett | unsplash.com
Au Québec, l’hiver s’accompagne d’une baisse majeure de la période lumineuse quotidienne. Chez de nombreuses personnes, ce changement a des conséquences physiques et psychologiques importantes: ce phénomène s’appelle la dépression saisonnière.
«Je ne faisais plus rien de mes journées, je me disais que ça n’en valait plus la peine et je me sentais coupable de rester dans mon lit.»
Sofia Dobchies, éÉtudiante en première année au baccalauréat en psychologie

À l’approche de l’hiver, les journées raccourcissent, la lumière se fait plus rare et notre organisme en ressent les effets. Cette période peut être synonyme, par exemple, d’une perte d’intérêt pour des activités qui plaisent habituellement, d’un manque de concentration, d’une impression d’avancer au ralenti, d’une augmentation du temps de sommeil, d’une perte d’attention ou encore d’une augmentation de l’appétit, selon l’associée de recherche au Centre d’études avancées en médecine du sommeil à l’Hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal Véronique Daneault, également chargée de cours au Département de psychologie à l’Université de Montréal.

Des ressources existent à l’UdeM en cas de besoin face à des signes d’anxiété ou de dépression. Crédit photo : K. Mitch Hodge | unsplash.com

Pour certaines personnes, comme l’étudiante en troisième année au baccalauréat en science politique Charline Caro et celle en première année au baccalauréat en psychologie Sofia Dobchies, la dépression saisonnière dure tout l’hiver. Charline Caro témoigne qu’elle est généralement très fatiguée dès le matin, triste sans raison apparente et qu’elle s’isole socialement. En résulte souvent une baisse de l’estime de soi et une hausse des sentiments de culpabilité.

Pour sa part, Sofia Dobchies déclare que son moral a chuté à la fin novembre de l’année dernière et qu’elle a alors commencé à avoir des pensées suicidaires. « Je ne faisais plus rien de mes journées, je me disais que ça n’en valait plus la peine et je me sentais coupable de rester dans mon lit », confie-t-elle. Mme Daneault souligne qu’au Canada, la dépression saisonnière touche environ 2 % de la population, un phénomène qui affecte davantage les femmes que les hommes. « C’est la récurrence de ces effets à l’automne et l’hiver ainsi que la rémission des symptômes au printemps et en été qui fait la différence entre la dépression majeure et la dépression saisonnière », précise-t-elle.

Le corps humain : un système d’engrenages

La chargée de cours explique que le fonctionnement du corps humain est régi par plusieurs horloges biologiques qui assurent sa stabilité. Ainsi, sur une période d’une journée, le sommeil, l’appétit et la température corporelle évoluent de manière cyclique et régulière. Lorsque vient le temps de changer l’heure et que les périodes d’ensoleillement raccourcissent, les horloges internes peuvent se dérégler et engendrer le phénomène de dépression saisonnière. « Au Québec, durant le mois de juin, il est possible de jouir d’une période de 15 heures d’ensoleillement, tandis qu’à la fin du mois de décembre, il ne reste que 8 h 30 de luminosité par jour », détaille-t-elle.

Une bonne « hygiène lumineuse » est importante dans une société où la lumière artificielle est très présente. Crédit photo : Greg Rosenke | unsplash.com

Mme Daneault explique qu’une diminution de la réception des signaux lumineux est liée à une chute de la production de sérotonine, l’hormone du bonheur, et à une augmentation de la production de mélatonine, habituellement sécrétée durant la nuit. Ainsi, cette hormone du sommeil rend le cerveau moins alerte et l’individu est plus fatigué et exposé à un état dépressif. Les personnes souffrant de dépression saisonnière auraient une sensibilité réduite à la lumière au niveau de l’œil, ce qui provoquerait ce dysfonctionnement chimique.

Des pistes de solutions

Mme Daneault encourage les étudiants et étudiantes à modifier leur routine quotidienne afin d’aider leur horloge biologique à s’adapter. Elle souligne d’abord l’importance d’une bonne « hygiène lumineuse » dans une société où la lumière artificielle est très présente. « Dans la journée, on s’expose à la lumière naturelle et artificielle, mais en soirée, on doit essayer de minimiser et de réduire le plus possible la lumière riche en ce qu’on appelle la lumière « bleue », parce qu’elle nuira à notre sommeil en diminuant la sécrétion de mélatonine », insiste-t-elle. D’après la chargée de cours, réduire le temps sur les écrans avant d’aller se coucher est primordial pour ne pas repousser l’endormissement.

Mme Daneault signale que manger à des heures fixes, en quantité suffisante, et limiter la consommation de liquides avant d’aller se coucher serait idéal. Elle ajoute que les activités physiques et sociales sont très importantes, mais que les pratiquer en journée plutôt qu’en soirée serait préférable. La chargée de cours indique qu’adopter une routine d’activités de relaxation et de détente avant le sommeil est également très utile, puisqu’elle dicte au cerveau que l’heure du coucher approche.

Tester la luminothérapie ?

Installation de luminothérapie à la Bibliothèque des lettres

et sciences humaines. Crédit photo : Marianne Cornet Allard

Des lampes de luminothérapie installées sur le campus de l’UdeM sont mises à la disposition des membres de la communauté étudiante souffrant de dépression saisonnière. Elles ont été installées dans les bibliothèques de droit, de la santé, de mathématiques et informatique, de médecine vétérinaire et dans celle des lettres et sciences humaines. Ces installations sont gratuites d’accès et un guide d’utilisation les accompagne.

« Les lampes m’ont beaucoup aidée, j’ai vu les effets tout de suite, se réjouit Charline Caro. J’ai plus d’énergie dès le matin, alors qu’avant, j’étais fatiguée. En cours, je suis beaucoup plus concentrée : je faisais pas mal de somnolence, donc ça m’a beaucoup aidée par rapport à cela. »

Les lampes de luminothérapie produisent une lumière artificielle qui imite celle, naturelle, du soleil. « L’exposition à cette lumière permet de prévenir l’apparition des symptômes sur le long terme », explique Mme Daneault. Petit bonus : pas besoin d’appliquer de la crème solaire, puisqu’il n’y a pas de rayons ultraviolets. La chargée de cours rappelle toutefois que certaines contre-indications à l’utilisation de ces lampes existent, comme dans le cas d’une personne qui aurait un trouble bipolaire et pour qui l’exposition à la lumière pourrait induire des épisodes de manies. Elle recommande ainsi de demander l’avis d’un professionnel de la santé quant à la durée d’exposition et l’intensité de lumière avant de faire l’achat d’une lampe de luminothérapie.

Favoriser le lien social

Charline Caro estime que si une personne vit un épisode de dépression saisonnière, elle ne doit surtout pas s’éloigner des autres. « Même si c’est compliqué, il faut garder un contact social, essayer de ne pas s’isoler des autres, de ne pas rester dans sa chambre, dans son lit toute la journée, garder ses activités et essayer de se stimuler, car c’est vraiment un cercle vicieux, conseille-t-elle. Plus on s’isole, plus on déprime, et plus on déprime, plus on s’isole. »

L’étudiante suggère également à ses pairs de parler de son état à ses proches ou à des spécialistes. Les membres de la communauté étudiante qui ressentent un besoin de soutien psychologique afin de lutter contre des phénomènes comme l’anxiété ou la dépression peuvent se tourner vers des ressources telles que le Centre de santé et de consultation psychologique (CSCP) de l’UdeM, mais aussi demander au Centre étudiant de soutien à la réussite (CÉSAR) des accommodements pour les examens, les évaluations et les stages en fonction de certaines situations de santé physique et psychologique.