Cinéma, monde philosophique

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Par Celine Mimault
vendredi 1 février 2019
Cinéma, monde philosophique
Pierre-Alexandre Fradet évoque dans son livre les thèmes du réel, du sens commun et de l'intensité. (Crédit Benjamin Parinaud)
Pierre-Alexandre Fradet évoque dans son livre les thèmes du réel, du sens commun et de l'intensité. (Crédit Benjamin Parinaud)
Le postdoctorant en philosophie à l’UdeM Pierre-Alexandre Fradet a fait le pari de montrer que la fiction permet d’atteindre le réel. Dans son livre Philosopher à travers le cinéma québécois, paru en décembre, il entremêle théories et 7e art pour mettre en lumière la dimension philosophique des œuvres québécoises.

Quartier Libre : Quelles notions philosophiques abordez-vous dans votre ouvrage ?

Pierre-Alexandre Fradet : Dans mon livre, je soutiens que le cinéma nous permet d’accéder à la réalité. Le pari que j’ai relevé, c’est de montrer comment la scène cinématographique peut nous connecter à ce que j’appelle le réel extra-mental.

Je m’inspire d’un courant philosophique appelé le réalisme spéculatif, qui dit que l’on peut créer la réalité. Pour moi, tous les choix artistiques peuvent révéler des parts du réel. J’ai essayé de concilier l’image, le sens commun et la question du réel. Je traite de la question du sens commun, car il constitue une sorte de courroie de transmission entre l’image et le réel lui-même.

Q. L. : Les œuvres cinématographiques ont-elles toutes une portée philosophique ?

P-A. F. : Oui, il y a une philosophie propre aux œuvres cinématographiques. Le cinéma pense par lui-même, il est capable de développer des réflexions tout aussi étonnantes que la philosophie écrite. L’œuvre en elle-même peut révéler plusieurs choses à la fois, y compris des choses dont les réalisateurs ne sont pas conscients. Aucune n’en serait exclue, mais même au-delà des œuvres, je dirais que tout objet peut être abordé d’un point de vue philosophique. Aller au cinéma, c’est philosopher.

Q.L. : Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la question du réel dans le cinéma ?

P-A. F. : Je vais souvent au cinéma, qui est un tremplin vers la réflexion philosophique. C’est un complément à la fois divertissant et stimulant à la philosophie. J’avais déjà écrit un livre, mais sur le cinéma documentaire, notamment avec le travail de Pierre Perrault. Je me suis dit que la fiction pouvait tout autant permettre un accès au réel. C’est ce qui m’a amené à écrire ce livre.

On ne parle jamais du réel en soi dans les études cinématographiques, car c’est un terme cru. Dans le cinéma, il est devenu courant de dire qu’on ne peut pas atteindre le réel avec les images, parce que certains choix artistiques corrompraient notre accès au réel.

Q. L. : Quels films vous ont particulièrement marqué dans vos recherches ?

P-A. F. : L’œuvre de Pierre Perrault permet de penser philosophiquement le rapport au réel. Aussi, Nuit #1, d’Anne Emond, qui porte sur l’essoufflement de la culture de l’intensité dans le sexe. Elle fait état de personnes essoufflées qui ne font que chercher une nouvelle dynamique à leur routine, mais qui finissent par se vider de tout espoir. Ce film permet de prendre du recul par rapport à la recherche de l’intensité.

Sinon, les cinq premiers films de Xavier Dolan, et notamment Mommy, qui parle du traitement enthousiaste de la culture populaire. D’un point de vue plus personnel, la série Contes pour tous nous révèle certaines convictions de ce que l’on considère comme le réel lui-même.