Scénariser une vie

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Par Cédric Thévenin
mercredi 16 janvier 2019
Scénariser une vie
Sarah Jalbert a présenté son mémoire La problématique du réel dans les biographies au cinéma en décembre 2016. (crédit Benjamin Parinaud)
Sarah Jalbert a présenté son mémoire La problématique du réel dans les biographies au cinéma en décembre 2016. (crédit Benjamin Parinaud)
À l’occasion de la diffusion du film Bohemian Rhapsody par Ciné-Campus, la diplômée de la maîtrise en cinéma de l’UdeM Sarah Jalbert et le théoricien de la dramaturgie Jean-Marie Roth expliquent l’attrait pour les films biographiques (biopics) et les défis qu’ils posent aux scénaristes.

Bohemian Rhapsody est le film biographique musical le plus rentable de l’histoire. Il a généré environ 740 millions de dollars de recettes au box-office mondial (1). « Un biopic raconte la vie d’une personne connue ou d’un spécialiste qui a changé quelque chose dans le monde », définit Sarah Jalbert. Elle estime qu’un auteur a plus de chances d’en écrire un de qualité en se concentrant sur une période clé de l’histoire de son personnage principal, plutôt qu’en essayant de couvrir toute sa vie.

« C’est la psychologie, l’aspect humain qui nous intéresse, affirme-t-elle. First Man nous montre comment la mort de son enfant a façonné la vie de Neil Armstrong. » L’important pour un scénariste de film biographique est, selon elle, d’exposer les faiblesses de son personnage principal et les obstacles auxquels il a été confronté, afin de mettre cette figure, souvent héroïque, à la hauteur du spectateur.

Une écriture spécifique

« Un bon auteur de biopic doit raisonner la réalité en termes de fiction », avance le théoricien de la dramaturgie Jean-Marie Roth. Il rappelle que le hasard dans un récit est souvent perçu comme une facilité d’écriture, même s’il existe dans la vie.

« La majorité de ce que vous narrez dans un biopic est déjà connu du spectateur, avertit le professeur d’écriture de scénarios. Lorsque vous regardez Les Heures sombres, vous savez pertinemment que Churchill ne pactisera pas avec les nazis. » Selon lui, les bons films biographiques ne créent pas de mystère quant à leur fin, mais sur la façon dont les personnages y parviennent.

D’après M. Roth, le scénariste de film biographique doit faire attention à la distance qu’il entretient avec son protagoniste, qu’il risque d’aduler ou de ne pas aimer suffisamment. Le théoricien note que le film sur les derniers jours d’Adolf Hitler, La Chute, a posé un problème unique. « Toute la question fut de savoir comment humaniser Hitler sans passer pour un fasciste », explique-t-il.

Apprendre en s’amusant

Sarah voit la transmission d’informations comme l’un des plus grands défis d’un auteur de film biographique. « Prenons par exemple ce fait : Gabrielle Roy (2) a enseigné pendant huit ans ; l’auteur doit le mettre en contexte [dans un film biographique hypothétique] avec un avant, un pendant et un après, et le montrer plutôt que le dire, contrairement à un documentaire, où il peut l’énoncer en voix off », développe-t-elle. La particularité du genre est, selon elle, d’apprendre des choses au spectateur sans qu’il s’en aperçoive.

Elle explique qu’ils existent depuis les débuts du cinéma. Mais elle constate qu’ils connaissent une période florissante depuis les années 1980, et surtout à partir des années 2000 avec des œuvres telles que L’Aviateur (Martin Scorsese, 2004), Du feu dans les veines (James Mangold, 2005) et Victoria – Les jeunes années d’une reine (Jean-Marc Vallée, 2009). « Soit tu connais la personne dont parle le film et tu as envie de l’accompagner, soit tu ne la connais pas et tu t’instruis », avance-t-elle pour expliquer l’attrait du public pour les films biographiques.

Bohemian Rhapsody, qui raconte l’histoire du chanteur du groupe Queen, Freddie Mercury, sera diffusé les 15 et 16 janvier au Ciné-Campus.

1. Selon jpbox-office.com.

2. Romancière franco-canadienne du 20e siècle.

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