Logiciels ouverts pour tous

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Par Miriane Demers-Lemay
mercredi 21 septembre 2016
Logiciels ouverts pour tous
Le postdoctorant en physique Alexandre Désilets-Benoît et son installation au pavillon René-J.A.-Lévesque. Crédits photo : Maude Auberson-Lavoie
Le postdoctorant en physique Alexandre Désilets-Benoît et son installation au pavillon René-J.A.-Lévesque. Crédits photo : Maude Auberson-Lavoie
Le chercheur postdoctoral en physique à l’UdeM Alexandre Désilets-Benoît a fait économiser plus de 10 000 $ en équipement de recherche grâce à des options numériques libres. Dans le cadre de la Semaine québécoise sur l’informatique libre, du 17 au 25 septembre, Quartier Libre enquête sur les technologies Open Source utilisées sur le campus.
« L’investissement en temps et en argent est infime comparativement à la valeur de l’ordinateur spécialisé présent sur le marché. » Alexandre Désilets-Benoît, postdoctorant en physique à l’UdeM

Le minuscule boîtier d’un nano-ordinateur Raspberry Pi est relié à un écran plat de la taille d’un livre de poche, où se dessine un nuage de points. Par un réseau inextricable de fils multicolores, le système informatique artisanal recueille en temps réel des données provenant de l’accélérateur de particules du pavillon René-J.A.-Lévesque de l’UdeM.

Le coût approximatif du système informatique, en pièces détachées, est estimé à 230 $. Plus la valeur équivalente des deux semaines de travail qu’Alexandre Désilets-Benoît a investi dans son montage. Le nano-ordinateur fonctionne avec un programme d’analyse libre, transférable gratuitement d’un ordinateur à l’autre. « L’investissement en temps et en argent est infime comparativement à la valeur de l’ordinateur spécialisé présent sur le marché », explique l’étudiant au sujet des 10 000 $ qu’il a fait épargner à son laboratoire.

Des bénéfices pour l’éducation et la recherche

Le système mis au point par l’étudiant n’est pas le seul à faire économiser l’UdeM. Au Département de physique, le logiciel commercial d’analyse de données MATLAB a été troqué pour son équivalent libre Python. « Cela permet au Département d’économiser annuellement plusieurs milliers de dollars, autrement dépensés en licences », estime Alexandre.

Selon l’étudiant au baccalauréat en informatique à l’UdeM Yan Coutu, les logiciels libres sont intégrés à l’enseignement dans son Département. Il commente que tous les ordinateurs du Département fonctionnent avec le système d’exploitation libre Linux.

« Pour un étudiant en informatique, c’est intéressant de comprendre comment un système fonctionne », explique le professeur en informatique de l’UdeM, Jian-Yun Nie. Contrairement aux logiciels commerciaux, qu’il compare à des boîtes noires, les Open Source mettent leur programme à disposition des utilisateurs, permettant leur compréhension et même leur modification.

L’informatique libre permet à la science de progresser plus rapidement, défend de son côté le professeur en informatique à l’UdeM, Yoshua Bengio. « Cela permet aux autres chercheurs de réproduire leurs résultats et de les comparer à ceux obtenus avec de nouveaux algorithmes potentiellement meilleurs », mentionne-t-il.

Avec l’informatique libre, il y a aussi la notion de savoir libre, selon Alexandre Désilets-Benoît. Par exemple, la base de données arXiv offre plus d’un million d’articles scientifiques. « Le site permet de consulter des articles et de publier ses résultats gratuitement », souligne-t-il. Selon lui, si le processus de révision par les pairs est court-circuité, cela peut néanmoins permettre aux jeunes chercheurs de voir leurs travaux publiés immédiatement.

D’un autre côté, le service des bibliothèques de l’UdeM utilise deux plateformes digitales libres. Le logiciel Dspace est le module qui gère les dépôts institutionnels Papyrus depuis 2005, le logiciel Zotero gère les références bibliographiques. L’UdeM est membre de l’association DuraSpace qui chapeaute ces outils. « D’un point de vue financier, il était avantageux pour l’UdeM de choisir ces logiciels Open Source répondant parfaitement aux critères évalués de qualité, de performance, de fonctionnalités et de promesses d’évolution », précise la porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara.

Une technologie méconnue

Si l’informatique libre offre plusieurs promesses pour la communauté étudiante, des obstacles limitent toutefois le nombre d’initiés sur le campus. « Le support informatique de l’UdeM n’est pas au même niveau pour les systèmes d’exploitation libres », opine l’étudiant au baccalauréat en informatique, Alexis Charette. Il explique que certaines versions de Linux doivent passer par plusieurs étapes pour se connecter au Wi-Fi de l’Université.

Alexandre a rencontré un autre problème lorsqu’il a tenté de téléverser son mémoire, réalisé à l’aide du programme libre LaTeX, sur Papyrus. « Le programme existe depuis les années 1970, c’est l’ancêtre de Microsoft Word, précise-t-il en souriant. Tout se fait depuis un terminal de programmation. » LaTeX permet de construire la mise en page, la bibliographie et d’insérer quantité d’hyperliens dans son document. Comme Papyrus ne reconnaît pas cette version libre, il a dû exporter son mémoire dans un format PDF régulier, perdant tous ses hyperliens.

Malgré ces obstacles, le chercheur Jian-Yun Nie croit que l’informatique devient tout de même de plus en plus accessible. « On n’est plus dans les années 1990, on n’a pas besoin d’être informaticien pour utiliser nombre de logiciels », raconte-t-il.

La mission que s’est donnée l’association FACIL, pour l’appropriation collective de l’informatique libre est d’initier le grand public à cette technologie citoyenne. Celle-ci offre conférences, ateliers et activités du 17 au 25 septembre à Montréal et dans le reste de la province dans le cadre de la Semaine québécoise pour l’informatique libre (SQIL).