L’excellence d’abord, l’accessibilité ensuite

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Par Christophe Perron-Martel
mardi 12 février 2013
L’excellence d’abord, l’accessibilité ensuite
(Crédit photo : Pascal Dumont)
(Crédit photo : Pascal Dumont)

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, propose des frais de scolarité modulés en fonction du coût de la formation. Quartier Libre s’est entretenu avec lui pour en savoir plus sur cette idée qu’il défendra lors du Sommet sur l’enseignement supérieur.

Quartier Libre : En quoi les étudiants universitaires bénéficieront-ils de la modulation que vous proposez ?

François Legault : Je viens d’un milieu populaire et j’ai eu accès aux prêts et bourses. Je n’avais pas les revenus nécessaires pour payer des frais de scolarité élevés. À la CAQ, nous voulons qu’il y ait deux types d’étudiants. Pas des riches et des pauvres, mais des étudiants ayant une bonne cote R et des étudiants ayant une moins bonne cote R . Je ne veux pas que des étudiants québécois talentueux soient obligés d’aller étudier en Alberta. Je ne veux pas que nous fassions du nivellement par le bas, c’est-à-dire prétendre que toutes les universités sont égales. Je veux que nos meilleurs étudiants puissent étudier au Québec. Et cela prend plus de financement dans certaines facultés universitaires.

Q. L. : Les étudiants en médecine risquent de s’endetter davantage à cause de la modulation et, une fois diplômés, ils finiront par réclamer de meilleurs salaires, sans quoi ils partiront. Quelles seront les conséquences pour le système de santé québécois ?

F. L. : Actuellement, quelqu’un qui sort d’une faculté de médecine gagne en moyenne 200 000 $ par année alors qu’un étudiant qui sort d’une faculté de sciences humaines gagne 40 000 $. Le premier contribue pour 10 % de sa formation alors que le deuxième y contribue pour 40 %. Est-il normal qu’ils paient les mêmes frais de scolarité? Moi, je pense que non. Ce que nous proposons à la CAQ, ce n’est pas d’écraser les étudiants sous les dettes. Avec des prêts et bourses bonifiés, un étudiant pourra emprunter au gouvernement pour payer sa formation. Une fois sur le marché du travail, l’étudiant donnera 5 % de son salaire annuel pour rembourser le coût de sa formation. Au bout de 10 ans, s’il n’a pas payé la totalité de sa dette, le gouvernement québécois paiera le reste de son solde. Par équité, il est normal que ceux qui gagnent un meilleur salaire paient un peu plus que les autres .

Q. L. : Selon le professeur de philosophie de l’UdeM Michel Seymour, il n’y a pas assez d’universités au Québec pour instaurer un système à deux vitesses. Les universités doivent assurer le fonctionnement de la recherche et de l’enseignement. Qu’en pensez-vous ?

F. L. : Il est vrai que les universités font les deux, mais les faits sont têtus : 85 % des fonds subventionnaires du Québec sont attribués à quatre universités. Il est faux de dire qu’elles font toutes autant de recherche. Certaines universités sont excellentes dans certains domaines, et il faut continuer de financer l’excellence. Les facultés de sciences de la vie ou de génie coûtent beaucoup plus cher. Il est donc important de les financer davantage pour garder nos spécialités comme on l’a fait dans le passé. Maintenant, on est rendu au bout du rouleau : les dettes des grandes universités, comme l’UdeM, sont devenues énormes, surtout dans les fonds d’immobilisations. Elles ne peuvent plus continuer à s’endetter.

Q. L. : N’avez-vous pas peur que la modulation que vous proposez cause davantage de compétition entre les facultés d’une même université ?

F. L. : Actuellement, si cette dynamique existe, c’est simplement parce que les fonds manquent. On fait des transferts de fonds créatifs dans nos universités, mais cela ne devrait pas arriver. Nous devrions établir le coût d’un bon enseignement et d’une bonne recherche dans nos facultés et, de là, financer celles-ci en conséquence.

Q. L. : Selon vous, le Québec pourra-t-il être compétitif en matière d’éducation grâce à la modulation des frais de scolarité ?

F. L. : Je pense que oui. Nous comptons déjà l’UdeM et McGill qui sont parmi les meilleures universités du monde. L’idée n’est pas de copier le modèle américain, mais de trouver notre propre modèle. Au Québec, l’État doit contribuer pour beaucoup au financement de l’éducation, et ce, pour des raisons identitaires, entre autres. Mais certains étudiants de certaines facultés dans certaines universités doivent faire leur part.

Q. L. : Avez-vous un message à adresser aux étudiants de l’UdeM?

F. L. : Oui. Au Québec, nous sommes capables d’être les meilleurs. Pensons en termes d’excellence et de qualité et pas qu’en termes d’accessibilité. Alors que la Chine et les États-Unis investissent dans le génie, nous sommes en train d’égorger notre fleuron québécois, l’École polytechnique. Cet établissement a besoin de laboratoires et de chercheurs de classe mondiale. Il y a 80 étudiants par classe. Pourtant, ce sont eux qui vont inventer de nouveaux procédés permettant de stimuler l’innovation et de faire en sorte que le Québec reste créatif. L’UdeM est le vaisseau amiral des francophones au Québec . Donnons-lui les moyens de rester une grande université. Je souhaite donner tous les outils aux jeunes pour être les meilleurs au monde, car je pense qu’ils en sont capables. Nos meilleurs coûtent cher, mais nous avons besoin d’eux. Quels professeurs quittent les universités québécoises en ce moment ? On me dit que ce sont justement les meilleurs d’entre eux.

 

VIDEO – Entrevue Spéciale avec François Legault (CAQ)