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Se relever après un « burnout » étudiant

Le terme « burnout » est très répandu depuis plusieurs années. Traduit en français par « syndrome d’épuisement professionnel », ce phénomène n’apparaît toutefois pas que dans les environnements de travail. Il concerne également les étudiant·e·s et se traduit alors par « épuisement étudiant ».

L’étudiant de troisième année au baccalauréat en cinéma Cal Gutierez a connu une période d’épuisement lors de sa deuxième année de DEC en techniques de l’informatique, pendant laquelle il suivait également des cours préuniversitaires. « J’ai continué à aller à l’école, mais j’ai arrêté de faire tout ce que je devais faire à côté », explique-t-il. La dépression et l’anxiété l’ayant empêché de poursuivre son cheminement comme il l’aurait souhaité, il s’est finalement réorienté vers un programme en arts, lettres et communication.

L’étudiante en deuxième année à l’UdeM Léonie* a pour sa part également connu une période d’épuisement lors de ses études collégiales. Elle effectuait alors un DEC en danse-interprétation contemporaine, qui comptait 52 heures de formation par semaine, et cumulait un emploi à temps partiel pendant les fins de semaine afin de couvrir ses frais de scolarité et ses dépenses personnelles.

À cet emploi du temps déjà chargé s’ajoutaient quatre heures de transport quotidien, qu’elle devait effectuer entre son domicile de la Rive-Nord de Montréal et son école située en plein centre-ville. « J’ai associé la danse à un trauma, donc j’ai complètement arrêté [à la sortie de l’école] », confie-t-elle, bien qu’elle ait obtenu son diplôme à l’issue de quatre ans intenses de formation.

Deuil et guérison

Trois spécialistes de l’accompagnement des étudiant·e·s, qui œuvrent au sein du Centre étudiant de soutien à la réussite (CÉSAR) de l’UdeM, apportent également leur expertise quant à ces expériences.

Selon la psychologue Josée Sabourin, une personne est sortie de son épuisement professionnel ou étudiant « dès qu’elle recommence à pouvoir étudier, à être en partie fonctionnelle ». Léonie et Cal affirment toutefois garder des séquelles de cette période. « Je ne me considère plus en burnout, mais le TDAH, l’anxiété et la dépression restent », précise Cal. Léonie, quant à elle, a constaté que la fatigue revenait plus facilement qu’avant. L’orthopédagogue Joëlle Varin confirme que plusieurs étudiant·e·s rapportent rencontrer des problèmes de mémorisation après avoir vécu un épuisement, et craignent souvent de vivre à nouveau cette épreuve.

« On peut être inquiet, se demander si ça va rester, mais les gens ont beaucoup de ressources, assure Mme Sabourin. Faire des démarches, c’est être en train de s’aider. Ils vont construire des outils, être mieux équipés pour faire face. » Elle mentionne que comprendre les facteurs qui ont mené à l’épuisement est très important, afin de ne pas les revivre. Cette démarche peut toutefois entraîner une période de deuil, comme le fait d’accepter de ne pas avoir « l’énergie qu’on aimerait avoir pour faire face aux tâches demandées ».

« L’orthopédagogie peut être une ressource qui va aider pour tout ce qui concerne la mémorisation ou la fatigue », poursuit Mme Varin. Elle ajoute d’ailleurs que mettre en place des stratégies d’études et revoir leur mode de fonctionnement contribue à diminuer les risques de revivre de l’épuisement, notamment en travaillant sur la gestion de l’anxiété ou sur les troubles de l’attention. « L’enjeu, c’est d’apprendre à mieux se connaître maintenant », indique-t-elle. Par exemple, l’orthopédagogue aide souvent les étudiant·e·s qu’elle rencontre à travailler sur l’identification et la reproduction des conditions dans lesquelles ils sont le plus productifs pour étudier.

Nouvelles perspectives

« Souvent, on a appris des choses, une nouvelle conception du rapport à l’échec », confirme Mme Sabourin. Cal mentionne avoir notamment beaucoup travaillé sur son anxiété de performance. « Je ne veux pas me contenter du médiocre si je suis capable de mieux, mais je me dis qu’il faut 60 % pour avoir le diplôme », relativise-t-il.

« Le burn-out entraîne de grandes remises en question », souligne la conseillère d’orientation Angélique Desgroseillers, qui accompagne parfois des étudiant·e·s exprimant des doutes relatifs à leur choix d’études à la suite d’une période d’épuisement. Elle ajoute que les accompagner peut cependant être difficile, car leur état les amène à « douter de qui ils sont réellement ».

Léonie, par exemple, avoue avoir fait l’expérience d’un véritable « creux identitaire » à l’arrêt de la danse. Elle rapporte aussi avoir eu le sentiment d’avoir « perdu [s]on identité civile » tant sa vie se résumait auparavant à sa pratique artistique.

« Ça a pris du temps, mais ça m’a permis de prendre du recul et de voir d’autres possibilités », admet Cal, qui envisageait initialement de se tourner vers des études en génie informatique ou logiciel. « Je pense quand même que mes études en cinéma ne sont pas une perte de temps, estime-t-il. Je pense que je peux faire mon propre chemin avec mon expérience. »

Il envisage notamment de s’orienter dans le domaine du jeu vidéo, où il pourrait à la fois mettre à profit ses compétences en cinéma et en informatique. « Le DESS en arts, création et technologies [à l’UdeM] m’intéresse vraiment », précise celui qui souhaite d’abord retourner au cégep pour terminer sa formation en informatique.

« Parfois, on pense que c’est un sprint et qu’il faut commencer à travailler le plus vite possible, explique Cal. Mais si tu ne crash pas tout de suite, tu vas crasher plus tard. » Il conseille notamment de ne pas hésiter à rallonger la durée de ses études sans culpabilité : « tu n’es pas un raté parce que tu as pris un an de plus [pour obtenir ton diplôme] ».

Vers l’épanouissement

Cal a vécu sa période d’épuisement entre ses 18 et ses 20 ans, puis il a continué à éprouver des troubles dépressifs pendant la pandémie. « Je n’avais pas autant de responsabilités [que les personnes plus âgées] à cet âge-là, je vivais chez mes parents, concède-t-il. Au moins, je n’étais pas à un âge où j’avais un loyer, des enfants. » Il avoue se sentir parfois en retard par rapport aux personnes qui l’entourent à l’Université, mais se rappelle que « c’est correct, chacun fait son propre chemin ».

« Autant c’est désolant et difficile de traverser ça, autant ça te forge, pense Léonie. Je suis passée d’une jeune naïve à quelqu’un qui sait se faire sa place. » L’étudiante est d’ailleurs aujourd’hui présidente de l’association des étudiant·e·s de son baccalauréat. Alors qu’elle ne pensait initialement pas s’investir dans la vie associative en reprenant ses études, elle a fait la rencontre d’une étudiante qui l’a encouragée dans cette voie. « Ça faisait super longtemps que je ne m’étais pas sentie faire partie de quelque chose, avoue Léonie. Je me suis construit une nouvelle identité d’étudiante qui m’a redonné confiance en moi. » 

*Afin de ne pas pouvoir être retrouvée lors de recherches sur Internet, l’étudiante a préféré utiliser un pseudonyme.

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