Le consentement au masculin

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Par Charlotte Morand
mercredi 13 mars 2019
Le consentement au masculin
Crédit photo : Benjamin Parinaud.
Crédit photo : Benjamin Parinaud.
Le RÉZO, un organisme communautaire montréalais œuvrant pour la santé et le mieux-être des hommes issus de la diversité sexuelle, vient de lancer une campagne sur le consentement entre hommes. Cette initiative cherche à mettre en lumière un enjeu qui reste très peu traité, selon les experts consultés par Quartier Libre.
«Il y a des personnes de notre génération qui ne sont pas conscientes qu’elles font de mauvaises choses.»
Tom Halley - étudiant au baccalauréat en cinéma à l’UdeM

«C’est un sujet qui est un peu évacué », soutient l’étudiant au baccalauréat en cinéma à l’UdeM Tom Halley. Ce dernier témoigne avoir été victime d’un viol en janvier 2017, et ne pas avoir trouvé le soutien extérieur qu’il aurait souhaité. « J’étais un peu seul, car mes proches n’ont pas eu ce genre de problèmes, et j’aurais peut-être aimé qu’il y ait un peu plus de cellules autour de ça pour les hommes à Montréal », confie-t-il.

Depuis, le mouvement #MeToo a permis de mettre l’accent sur un problème de société en ouvrant un espace de parole. Mais selon le codirecteur général du RÉZO, Alexandre Dumont Blais, le consentement entre hommes demeure un tabou au sein de la communauté gaie. C’est pour cette raison que le RÉZO a décidé d’aborder cette problématique. « On a décidé de lancer une campagne pour amorcer une réflexion chez les hommes », explique-t-il.

Une population plus vulnérable aux agressions sexuelles

D’après l’étude sur laquelle le RÉZO appuie sa campagne1, 25 % des hommes adultes gais ont fait l’objet d’une agression sexuelle, alors qu’on estime que les chances d’en être victime chez les hommes hétérosexuels sont de 3 % à 7 %.

Pour les spécialistes, la problématique du consentement est plus importante chez les hommes homosexuels, en raison de caractéristiques propres aux minorités sexuelles. « On sait que les personnes LGBT sont plus à risque, parce qu’elles sont incitées à vivre dans le silence à propos de leur propre sexualité, ce qui peut permettre à des personnes de profiter et d’abuser de ça », explique le professeur à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval Michel Dorais.

« Il est plus probable pour les hommes gais et bisexuels de vivre la victimisation par leurs parents et par leurs pairs », ajoute la professeure au Département de psychoéducation à l’Université de Sherbrooke Alexa Martin-Storey. Elle précise que cela les rend plus vulnérables aux agressions sexuelles.

La banalisation des violences sexuelles

Ces tendances s’expliquent entre autre parce que les violences sexuelles entre hommes sont amplement banalisées, selon le codirecteur général du RÉZO. « On accepte des comportements pour se faire accepter, parce qu’on ne s’accepte pas soi-même, ou parce que l’on pense que c’est comme ça que cela fonctionne, comme c’est notamment le cas chez les jeunes », explique M. Dumont Blais. Il ajoute que les stéréotypes qui entourent la communauté gaie encouragent également ces comportements.

Le professeur M. Dorais donne un exemple d’idée préconçue pouvant affecter négativement la communauté : « Les gais sont supposés aimer la sexualité ». Selon lui, il existe également un facteur historique. « On n’ose pas dire que des relations entre hommes étaient des agressions ou des viols, parce qu’on a tout fait depuis des décennies pour associer l’homosexualité à un crime », note-t-il.

Pour le professeur, cette banalisation s’accompagne d’un blâme à l’égard des victimes qui dénoncent les violences sexuelles qu’elles ont subies, plutôt qu’envers les agresseurs. « Dans notre étude, il y a des hommes qui nous ont dit : « Même quand tu es gai, on te dit que tu portais une jupe trop courte » », explique-t-il, faisant allusion au fait que les femmes sont parfois jugées sur leur habillement lorsqu’elles sont victimes de violences à caractère sexuel. Mme Martin-Storey condamne également la tendance à se concentrer sur l’identité des agresseurs. « On doit sortir des stéréotypes pour comprendre la situation des hommes gais et bisexuels », maintient-elle.

L’éducation au consentement

La professeure de psychoéducation estime que dans le milieu universitaire, cette problématique est de plus en plus prise en compte et que la culture est en train de changer. « Je pense qu’il y a toujours beaucoup de travail à faire, mais qu’on observe d’importantes d’améliorations », soutient-elle.

Pour Mme Martin-Storey, le rôle de l’université est de protéger les membres de sa communauté contre les violences sexuelles, et d’offrir un espace pour parler des enjeux concernant les minorités sexuelles. De manière générale, les étudiants sont également plus conscientisés sur le consentement, selon elle.

« Il y a des personnes de notre génération qui ne sont pas conscientes qu’elles font de mauvaises choses, souligne Tom Halley. Il y a des personnes pour qui sans non, c’est oui. » Pour l’étudiant, la notion de consentement est quelque chose dont il faut parler très tôt et sur une longue période.

1. Clayton M. Bullock et Mace Beckson (2011), « Male Victims of Sexual Assault : Phenomenology, Psychology, Physiologyn », Journal of the American Academy of Psychiatry and the Law.