L comme Lolita 

icone Debats
mercredi 9 novembre 2016
L comme Lolita 
Dans ce roman culte de quelque 500 pages, c’est sans fard que Vladimir Nabokov aborde la pédophilie. Photo : Sarah Marchand.
Dans ce roman culte de quelque 500 pages, c’est sans fard que Vladimir Nabokov aborde la pédophilie. Photo : Sarah Marchand.
La littérature a parfois mauvais genre, tout comme le très célèbre et controversé Lolita de Nabokov Vladimir, paru en 1955. Lolita a d’ailleurs failli ne jamais voir le jour, censuré pour son caractère licencieux et pédophile. Aujourd’hui, la protection de l’enfant est plus que jamais au cœur de l’actualité et fait écho à ce livre qui attire encore les foudres de certains critiques. Retour sur l’un des chefs-d’œuvre les plus virulents du XXe siècle.

« Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-lii-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais pour taper, à trois reprises, contre les dents. Lo. Lii. Ta. » Ces premiers mots de l’auteur, en apparence ordinaires et inoffensifs, sont en fait l’aveu d’un homme corrompu. Dans ce roman culte de quelque 500 pages, c’est sans fard que Vladimir Nabokov aborde la pédophilie, un thème pour le moins épineux et qui a réveillé, à la sortie de son livre, les plumes incendiaires de la presse.

Chef-d’oeuvre de la littérature, Lolita lève le voile sur un sujet sensible. Il raconte l’histoire d’Humbert, un quadragénaire venu séjourner aux États-Unis. Sa rencontre avec Dolorès Haze, surnommée Lolita, va très vite prendre une tournure funeste puisque le protagoniste, fasciné par les « nymphettes », va s’éprendre de cette petite de 12 ans et demi. Sous couvert de mots tendres et de manipulations affectives, Humbert passera à l’acte et changera à jamais le destin de l’enfant.

Quand l’éthique s’efface derrière la littérature

« Le matin, elle était Lo, simplement Lo […]. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l’école. Elle était Dolorès sur les pointillés. Mais dans mes bras, elle était toujours Lolita. » Le ton est fluide, le talent de Nabokov incontestable et l’amour décrit par le narrateur d’une rare beauté. Mais voilà, la perversité de cet amour, enrobée de mots doux et sucrés, plane comme une ombre sur le lecteur. Et c’est justement ça qui dérange, car on se laisse facilement berner par ce personnage à la prose sentimentale, avant d’être rappelés violemment à l’ordre des mœurs et de la moralité.

Dans Lolita, la question de l’éthique est donc au cœur du débat. Devons-nous accepter, même plus de 50 ans après sa parution, la diffusion d’une œuvre qui parle avec autant de volupté de la pédophilie ? Plusieurs affirment que le roman n’aurait jamais été publié aujourd’hui. D’autant plus que celui-ci a été classé comme « histoire d’amour », une aberration si l’on s’en tient à la nature de cet « amour » dont s’épanche si joyeusement Humbert.

Le plus déroutant reste sans doute l’attitude de Dolorès, pour qui la séduction n’est qu’un jeu. Ici, rien n’est tout blanc ou tout noir, l’enfant provoque le quadragénaire en battant des cils et en l’embrassant à pleine bouche, comme une maîtresse son amant. Que faut-il penser, donc ? Rien, si ce n’est qu’il s’agit d’un homme mûr et d’une jeune impubère. Et pour ça, pas d’excuse. Vladimir Nabokov rappelle toutefois dans sa préface qu’il s’agit là d’une simple fiction, sans la moindre visée morale.

Peut-être devrions-nous apprécier le livre pour ses qualités littéraires et aborder l’histoire avec détachement. Une note d’avertissement — à but préventif — ou une analyse poussée du livre, adressée au lecteur serait aussi de circonstance. Elle permettrait d’éclairer les plus jeunes sur la pédophilie et d’éviter toute ambiguïté de sens et d’interprétation.