Écris-moi le futur

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Par Francois.Sabourin
mercredi 13 octobre 2010
Écris-moi le futur
Gracieuseté Alvin Toffler
Gracieuseté Alvin Toffler

Afin de savoir ce que nous réserve l’avenir, Quartier Libre s’est tourné vers Alvin Toffler. Ce dernier a été désigné « futurologue le plus célèbre du monde » par le quotidien Financial Times, rien de moins.

Alvin Toffler et sa femme, Heidi, écrivent sur l’avenir depuis 1970. Cette année-là est paru le livre-phare Le Choc du Futur (Future Shock), qui décrit l’impact sur nos vies de l’accélération des changements technologiques et sociaux. Aujourd’hui, leurs idées sont reconnues à travers le monde, particulièrement en Chine où Alvin Toffler a été désigné comme un des 40 occidentaux les plus influents.

Quartier Libre l’a contacté à Los Angeles, le jour de sa fête.

Gracieuseté Alvin Toffler

Quartier Libre : Qu’est-ce que le futurisme ?

Alvin Toffler : C’est un ensemble d’idées qui encourage à regarder vers le futur. Il ne s’agit pas seulement d’établir des éléments du futur ou de prévoir l’avancement technologique. Bien sûr, la technologie a un impact énorme sur la société et elle est nécessaire. Mais il faut avoir une vision beaucoup plus large sur les changements dans la famille, les communautés et la société.

À l’époque où moi et ma femme avons commencé à écrire sur le sujet, nous étions à peu près les seuls à s’intéresser au futur éloigné. On s’intéressait à l’avenir des produits, des ventes, de l’économie, mais il manquait la compréhension de la direction que prenait la société. Nous avons toujours considéré que l’absence de vision à long terme était dommageable, surtout lorsque tout s’accélère devant nos yeux. Notre contribution a été de dire : « Si vous voulez fonctionner, il faut penser plus loin que la semaine prochaine. » Il y a pas mal de futuristes aujourd’hui et je pense que nous en sommes les précurseurs.

QL : Donc les choses ont changé, on regarde davantage vers le futur ?

AT: Oui. Actuellement, les gens réalisent qu’il y aura des changements importants et qu’il faut les comprendre. C’est une bonne chose pour la société que les gens et les institutions se concentrent sur l’avenir.

Nous sommes dans une génération qui subit des transformations extrêmement rapides. Cette vitesse est une composante majeure des sociétés occidentales, et le devient dans le reste du monde.

QL: Quelles sont les conséquences de cette accélération ?

AT: Si vous êtes dans un pays qui fonctionne de façon traditionnelle, vous ne pensez probablement pas au futur, parce que la prochaine génération sera identique à la précédente. Les religions du monde, cependant, forcent à regarder vers le passé. Elles ne font pas partie des organisations qui mènent les gens vers demain. Elles nient les changements à venir. En cela, elles sont un obstacle pour la vision à long terme. Mais quand des pays entrent dans une meilleure situation économique, cela change. Les gens deviennent conscients du futur. Ils savent qu’il y aura un futur.

Il y a 20 ou 30 ans, très peu de pays étaient tournés vers le futur. Ça a changé. Au niveau mondial, diverses nations prennent conscience de l’importance de réfléchir à long terme et c’est à leur avantage. D’ailleurs, cet éveil met en péril la domination économique et technologique américaine. Regardez la Chine avec ses grands projets. Les leaders chinois ont lu notre livre (Le Choc du Futur) et l’ont fait lire aux étudiants chinois. Alors qu’elle se voit transformée plus radicalement que jamais, penser au futur rapporte à la Chine.

QL: Est-ce que le système d’édu cation nous prépare bien aux changements de demain?

AT: Le système d’éducation, aux États-Unis, au Canada et ailleurs dans le monde, est effroyablement obsolète. Il ne prépare pas les étudiants aux réalités du futur. Pensez-vous que l’éducation devrait se faire dans des systèmes conçus il y a un siècle ? Les étudiants d’aujourd’hui ne vivront pas un siècle dans le passé, ils vivront un siècle dans le futur. Il serait bénéfique pour tous d’inclure du futurisme dans les écoles, pour que les jeunes puissent voir quelles possibilités s’offriront à eux et quels choix ils devront faire demain. Parce que peu im porte ce qu’on étudie maintenant, ce sera probablement différent dans le futur.

QL: Joyeux anniversaire.

AT : Merci, c’est drôle de parler de futur le jour de mon 82e anniversaire. Il y a un futur, mais je ne serai peut-être plus là pour le voir.