Comprendre les sondages

icone Societe
Par Christian AlaKa
mercredi 14 octobre 2015
Comprendre les sondages
Crédit Photo: Melen Joly
Crédit Photo: Melen Joly
En période électorale, de nombreux sondages visant à mesurer l’opinion publique sont publiés. Leur fiabilité et leur vulgarisation dans les médias sont parfois mises en cause. Quartier Libre a cherché à comprendre comment tirer un véritable enseignement de leur lecture.

Pour l’étudiant au baccalauréat en science politique et rédacteur en chef du journal du Département de science politique de l’UdeM Le Polémique, Nicolas Toutant, les sondages sont une approximation grossière de la tendance électorale. « Les maisons de sondage, comme toute entreprise, ont des intérêts, qu’ils soient médiatiques, politiques ou autres, prévient-il. Les sondeurs veulent toujours dire quelque chose avec leurs sondages. »

Le jeune homme assure ainsi que son vote se base sur ses convictions politiques plutôt que sur les résultats des études. « Mais je crois que certaines personnes votent pour le parti en tête des sondages, parce qu’ils pensent que ce parti a une chance de gagner, nuance-t-il. Par exemple, en 2011, un sondage a annoncé que le NPD était en avance et après, on a vu des gens commencer à voter de plus en plus pour eux. »

La professeure titulaire au Département de sociologie de l’UdeM Claire Durand estime quant à elle que les sondages servent surtout au vote calculé [voir article page 11]. « Les sondages sont une des informations considérées par les gens pour voter dépendamment des buts qu’ils recherchent, dit-elle. Ils auront plus d’influence sur ceux qui veulent défaire le gouvernement en place en effectuant un vote stratégique. »

Pourtant, selon la professeure, qui tient un blogue intitulé « Ah ! les sondages », l’interprétation des résultats d’un sondage électoral peut être parfois faussée. D’après elle, l’avance suggérée est souvent mal expliquée. « Quand on dit que tel parti est en avance d’un point sur tel autre, c’est complètement faux, affirme-t-elle. Dans l’univers des sondages, une avance de un ou deux points n’est pas significative. »

Des sondages surinterprétés ?

Le vice-président de la firme de sondage Léger et chargé de cours au Département de science politique à l’UdeM, Christian Bourque, rappelle que les sondages sont commandés par des partis politiques et par des médias. « Les partis vont faire diffuser des sondages qui sembleront être en leur faveur et vont cacher les résultats lorsque ce ne sera pas le cas », croit-il.

M. Bourque croit également que la façon dont les médias présentent les sondages a un impact sur leur réception auprès du public. « Quand on parle aux journalistes, on essaie de faire de l’éducation sur comment interpréter les sondages, mais après ça, j’imagine que le désir d’avoir un titre percutant fait qu’on surinterprète les sondages », assure-t-il.

Selon le reporter à L’Actualité Jonathan Trudel, les médias « demandent de l’aide aux maisons de sondage pour interpréter les résultats, comme avec n’importe quel expert. […] C’est certain également qu’il y a des titres percutants, un titre, c’est accrocheur. L’important est que l’on apporte les nuances nécessaires dans le texte. »

Quoi qu’il en soit, pour Mme Durand, il n’existe pas de sondage parfait. « Pour réaliser un sondage, on essaie de sélectionner un échantillon assez grand et assez représentatif des différents aspects de la population, auquel on fait passer un questionnaire standardisé », souligne-t-elle. La professeure déplore pourtant que le taux de réponse soit parfois très bas et surtout, que certaines catégories de la population soient plus difficiles à rejoindre, comme les jeunes, « qui sont plus occupés ».

 

Méthodes :

Le sondage téléphonique : des interviewers appellent les sondés

Le sondage téléphonique automatisé : les sondeurs reçoivent un appel automatisé et répondent via les touches numériques, les numéros téléphoniques étant choisis au hasard

Le panel internet : les gens ne sont pas choisis au hasard, mais invités à faire partie d’un panel prédéfini qui sera souvent sélectionné pour répondre aux questions.

Selon M. Bourque, quand on lit un sondage, il faut avant tout s’intéresser à la méthode qui a été utilisée pour le réaliser. Selon lui, celle-ci a nécessairement une influence sur la marge d’erreur. « Il y a tout un débat dans l’industrie de la recherche : certains dénoncent les méthodes de type panel Internet, car n’étant pas probabilistes*, elles ne permettent pas de quantifier la marge d’erreur », dit-il.

*Dans le cadre d’un échantillonnage probabiliste, il est possible de calculer

la probabilité d’inclusion de chaque unité dans l’échantillon. Source : Statistique Canada

Quand on lit un sondage :

  • Quel est le préambule de la question ?

Celui-ci peut parfois influencer le résultat.

Exemple : « Sachant que les céréales Kellogs représentent une excellente source de vitamines et de nutriments… Avez-vous l’intention d’augmenter votre consommation de céréales au cours de la prochaine année ? »

Deuxième exemple, plus politique : « Sachant que la question du port du niqab dans des cérémonies de citoyenneté ont entraîné des actes d’islamophobie… Êtes-vous pour ou contre le port du niqab ? »

  • Qui a commandé le sondage ?

Qui a intérêt à ce que les résultats soient diffusés ?

« Un sondage sur l’importance du soutien gouvernemental à la recherche pharmaceutique peut être intéressant, croit M. Trudel. Mais s’il a été commandé par les compagnies pharmaceutiques, il faut prendre les résultats avec précaution. »

Source : Jonathan Trudel, journaliste à L’Actualité