Vivre avec le streaming

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Par Timothée Beurdeley
mercredi 20 avril 2016
Vivre avec le streaming
Les étudiants en musique bénéficie d'un studio avec du matériel professionnel à l'UdeM, une aide qui profite aux artistes émergents parmi eux. Crédit Photo : Charles-Olivier Bourque
Les étudiants en musique bénéficie d'un studio avec du matériel professionnel à l'UdeM, une aide qui profite aux artistes émergents parmi eux. Crédit Photo : Charles-Olivier Bourque
Les revenus des plateformes de musique en ligne streaming ont augmenté de 45 %*. Si la diffusion en flux offre une nouvelle visibilité aux artistes, notamment émergents, cela soulève aussi un problème de rémunération pour eux.

Avec 30 millions d’abonnés en mars 2016, le leader du marché de la musique en ligne est sans conteste Spotify. Mais il y a aussi Deezer, Soundcloud et plus de 400 autres sites de streaming. L’étudiant au certificat en musiques numériques Mathieu Lefèbvre pense que ces plateformes peuvent être utiles pour les artistes émergents qui cherchent plus de visibilité. « C’est un excellent outil pour rejoindre des gens partout dans le monde, estime-t-il. Le faible coût ou la gratuité encourage le public à découvrir de nouveaux artistes dans les catalogues de musique infinis de ces plateformes. »

L’étudiante au baccalauréat en musiques numériques Barbara Finck-Beccafico a cofondé l’étiquette indépendante Poulet Neige et fait partie du duo électro about : qu’on retrouve sur plusieurs plateformes de streaming. « Quand tu es un artiste émergent, tu veux que ta musique soit accessible dans le plus d’endroits possible, souligne-t-elle. Ton objectif premier n’est pas de faire de l’argent, mais de créer une base de fans, qui elle, te permettra de vivre de ta musique en achetant des disques ou en allant à tes concerts. »

Barbara pense par contre qu’il est difficile de sortir du lot sur les plateformes de streaming. « Il y a quelques initiatives comme les Nouveautés du vendredi sur Spotify qui peuvent donner un peu de visibilité aux artistes émergents, explique-t-elle. Mais c’est important d’avoir une stratégie pour se créer un public, en proposant des playlists [NDLR : listes de lecture] de qualité par exemple, ce qui prend du temps à faire. »

Le nerf de la guerre

Après le vinyle puis le CD, le streaming est une nouvelle évolution du mode de diffusion de la musique. « On est confrontés à un nouveau modèle qui n’a pas beaucoup été appréhendé et qui va exiger qu’on revoie le fonctionnement et les modes de financement de l’industrie musicale », relève le professeur titulaire à la Faculté de musique et directeur de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique, Michel Duchesneau.

Bien que le nombre d’abonnés payant augmente sur les plateformes de streaming, une majorité d’internautes ne paient pas pour consommer de la musique en ligne. Ils sont plus de 100 millions à utiliser les services de streaming gratuits, contre 41 millions d’abonnés payant, selon le document sur l’état des lieux de l’industrie québécoise d’août 2015 de l’ADISQ. « Le streaming encourage les gens à payer moins pour écouter de la musique, pense Mathieu Lefèbvre. Les artistes bien établis perdent probablement beaucoup d’argent depuis l’arrivée du streaming. »

Des artistes de renom comme Jean Leloup ou Taylor Swift déplorent le faible niveau de rémunération du streaming. Au Canada, la Commission des droits d’auteurs a fixé en mai 2015 à 10,2 cents la redevance pour 1 000 écoutes. « C’est un chiffre dérisoire, souligne le professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval Georges Azzaria. Les artistes continuent toutefois de percevoir les recettes liées à la radiodiffusion, aux ventes physiques ou encore aux concerts. Le problème est que la consommation se déplace vers un support qui rémunère mal les artistes. »

L’écoute de la musique en flux a progressé de 45,2 % entre 2014 et 2015*. « On peut penser que les tarifs vont finir par augmenter, relève M. Azzaria. Il est maintenant possible de démontrer que le streaming devient une part importante de la rémunération des auteurs. » Le professeur estime que le lobby de l’industrie musicale est très actif et parviendra sans doute à hausser le seuil des redevances.

Barbara, qui n’a jamais touché d’argent grâce à ce mode de diffusion, pense aussi que le streaming finira par rémunérer les artistes à leur juste valeur. Michel Duchesneau note par ailleurs que l’État pourrait intervenir pour mettre en place des mécanismes de rétribution afin d’impliquer des entreprises comme Apple et Google qui profitent largement du système.

*Chiffres de la Fédération internationale de l’industrie phonographique parus le 12 avril 2016

 

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