La vérité sur les brosses à dents

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Par Andreanne.Milette
mercredi 24 novembre 2010
La vérité sur les brosses à dents

Les pharmacies ! Haut lieu de la consommation où je dois choisir entre une multitude de produits destinés à mon hygiène personnelle. Au rayon des brosses à dents, la libre expression de ma personnalité se résume grossièrement entre Oral-B et Colgate. Pire, existe-t-il une différence significative entre les deux ? Soyons franc : il n’y a rien qui ressemble plus à une brosse à dent qu’une autre brosse à dents !

La forme de la brosse à dents (bàd) a très peu changée depuis son invention. Les historiens situent l’apparition de la première bàd en Chine à la fin du XVe siècle. À l’époque, elle avait pour manche une tige de bambou et la brosse était composée de poils de sanglier. Il y a fort à parier que les Chinois ne se brossaient pas les dents trois fois par jour ! Des poils de sanglier ? Adieu la gingivite, mais aussi adieu les gencives ! À l’époque contemporaine, Oral-B a été la première marque de bàd à être mise en marché. Puis arrivèrent une multitude de concurrents.

Ainsi, lorsque ma bàd se met à loucher des poils, je me précipite à la pharmacie pour en choisir une nouvelle. Cette activité, si simple soit-elle, est un exercice exigeant. Il y a trop de choix! Je peux passer une demi-heure devant la rangée – oui, une rangée – de brosses. À poils souples, mi-souples, durs ; petite tête, grande tête ; manche bleu, orange ; électrique ou avec brosselangue (heu, quoi ?), etc. Tenterait-on de me convaincre de quelque chose ? Se pourrait-il que la technique enseigné par Passe-Partout soit dépassée ? Même si personne ne verra ma bàd, j’affirme inconsciemment ma différence en décidant d’en d’acheter une orange à poils souples. En fait, c’est uniquement la quantité faramineuse de choix qui suggère une différence. Après tout, la bàd reste un dérivé synthétique d’une tige de bambou et de poils de sanglier. Toute autre différence se situe dans le territoire subjectif du goût ; phénomène engendré par nos sociétés occidentales où l’expression de l’individualité fait loi. Je me brosse les dents, donc je suis ?

Marketing, marketing

Procter & Gamble effectuait en mars 2009 une étude démontrant que 62 % des Canadiens considèrent qu’il est plus important d’avoir un sourire en santé qu’une bonne condition physique et que 57 % préfèrent des dents blanches à une belle apparence. Et pour avoir un beau sourire, il faut les bons outils !

De ce fait, l’ajout de nouvelles fonctions à un objet aussi élémentaire que la bàd est-il justifié ? En fait, les « fonctions » de la bàd ne sont qu’un jeu de fumée. Prenons par exemple la brosse-langue : j’ai appris à l’adolescence les avantages de se brosser la langue, avant, la chose n’existait pas. Les poils de la bàd nettoyaient-ils mal la langue ? Un autre phénomène met l’accent sur la diversification ridicule de cet objet : la publicité. Y a-t-il des centres de recherche spécialisés qui dépensent des milliers de dollars pour offrir aux chercheurs des projecteurs holographiques de bàd géante ? Les designers ont-ils des lunettes 3D ?

La propension de la publicité à nous démontrer le caractère hautement scientifique de la bàd apporte une crédibilité pour certains consommateurs. Résultat : je suis debout, devant les cinquante différentes sortes de brosses, et le seul sentiment qui me vient, c’est l’incompétence. Personne ne m’a fourni les outils adéquats pour faire ce choix foncièrement scientifique. Incapable de faire un choix éclairé, je prends simplement la plus belle; décision comparable aux choix d’un rasoir ou d’une carte de fête. Ainsi, j’aurais au moins le plaisir d’utiliser un bel objet !