La musique visuelle

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Par Edouard Ampuy
jeudi 17 janvier 2019
La musique visuelle
Léa Boudreau a présenté sa pièce « This performance is no longer available due to…. »les 9 et 10 janvier derniers. (Crédits Benjamin Parinaud)
Léa Boudreau a présenté sa pièce « This performance is no longer available due to…. »les 9 et 10 janvier derniers. (Crédits Benjamin Parinaud)
Les étudiants en musiques numériques de l’UdeM ont présenté leurs performances de fin de session lors de la série de concerts Ultrasons début janvier. Si certains considèrent que la musique électronique ne peut se passer de projections visuelles, d’autres ont fait le choix de tout miser sur le son.

L’œuvre de l’étudiante au baccalauréat en musiques numériques Léa Boudreau repose sur le circuit bending (ou « déviation expérimentale de circuits », voir encadré), une technique où le son émane de circuits imprimés. Dans son cas, il provient de peluches Elmo rouges. « Le but est de prendre le son de jouets électroniques et de le traiter ou de créer de nouvelles connexions directement sur le circuit, déclare-t-elle. On cherche d’autres résultats sonores. »

Il est important pour l’étudiante que le visuel ne soit qu’un soutien à la musique. Elle a ainsi choisi, pour sa troisième participation au concert, de ne pas ajouter de projections d’images ou de vidéos. « L’image prend beaucoup le dessus, justifie-t-elle. On est plus facilement influencé par une image que par un son. »

Donner du sens

L’enseignant en musique visuelle de l’UdeM Patrick Saint-Denis tente d’expliquer cette prépondérance de l’image sur le son. « On vit dans un monde dominé par le sens, déclare-t-il. La musique est la discipline artistique la plus abstraite. Le sens lui colle moins, alors qu’il colle aux images. Elles le véhiculent plus facilement que la musique. »

Pour le professeur, l’idée de lier la musique à un support visuel, tel que des lumières, des images ou des vidéos, n’est pas nouvelle. « Ça fait très longtemps qu’en musique, il y a une recherche au niveau de la correspondance des sens entre le son et l’image », note M. Saint-Denis. Il ajoute que si les liens entre le son et la lumière remontent jusqu’aux pythagoriciens (500 av. J.-C.), ce n’est qu’avec l’arrivée de l’électricité qu’une réelle articulation a pu s’expérimenter.

Il indique également qu’à la fin du 19e siècle, le peintre Alexander Rimington a présenté son « Orgue à couleurs », et que dans les années 1940, le réalisateur allemand Oskar Fischinger a inventé le « Lumigraph », deux créations qui ont permis d’accompagner la musique en jouant avec la lumière. « La musique visuelle est une cohabitation entre l’image et le son, mais qui n’est pas au service d’une narration, comme ça peut l’être au cinéma », précise M. Saint-Denis. Cette correspondance de formes musicales et visuelles se nomme isomorphie.

Les Constellations dynamiques

En 2005, l’artiste interdisciplinaire Johnny Ranger a élaboré le projet des Constellations dynamiques. Sa création interdisciplinaire et multimédia a allié danse, musique en direct et vidéo. Le tout devait suivre le rythme narratif non linéaire des images projetées. « La chorégraphie s’adaptait au visuel, les musiciens aussi, se souvient-il. J’apprécie d’avoir une esthétique, un langage [visuel] qui peut se marier à la musique. Je trouve ça très fort. » L’artiste apprécie le mélange de l’abstraction et de la figuration, qui créé pour lui un langage subtil et poétique.

Une nouvelle série de concerts Ultrasons aura lieu à la fin du mois d’avril 2019. « C’est très important, parce que ça nous permet de présenter ce sur quoi nous avons travaillé avec acharnement pendant une session », explique Léa à propos de l’évènement. Une occasion pour les étudiants comme les spectateurs de continuer à explorer les différentes relations entre le son et l’image.

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