Volume 23

Le recteur Guy Breton. Crédit Guillaume Villeneuve.

À quelques milliers près

Si les 414 000 $ de salaire annuel du recteur de l’UdeM Guy Breton ne sont pas une révélation  –  le montant est consultable en ligne – son argumentaire pour le « défendre » est intéressant. Questionné dans les médias ces dernières semaines, M. Breton affirme que son salaire  –  sans parler des « à-côtés »  –  n’est pas si élevé qu’il n’y paraît, selon les trois grandes justifications suivantes :  

Une goutte d’eau dans l’océan  

« Même si j’élimine mon salaire, ça n’a pas beaucoup d’impact », assure-t-il en entrevue à Quartier Libre. Il est vrai que sur la dette de l’Université – estimée à 166,4 M$ au terme de l’exercice budgétaire 2015-2016 – les quelque 414 K$ ne représentent, effectivement, pas grand-chose. Mais, est-il juste d’estimer que cette somme n’est qu’une goutte d’eau dans le budget de fonctionnement ?

Breton se prête même à un « petit calcul » dans Le Devoir : en divisant le montant de son salaire par le nombre d’étudiants, il assure que chacun ne paie pas plus de 10 $ pour son recteur. En plus d’être une simplification douteuse, voire abusive, puisqu’aucun étudiant ne paie directement pour le recteur, ce rapprochement laisse entendre que 10 $ ne représente rien. Or, évidemment, tout est question de perspective. À la rédaction. nous nous sommes amusés à faire un autre calcul : sur une base de 365 jours par an, Guy Breton touche… 1 134 $ par jour.  Est-ce que ça ne représente rien ? Question de point de vue, encore une fois.  

Et, par exemple, combien d’internes en psychologie non rémunérés peut-on financer avec 414 000 $? Combien de bourses peut-on distribuer ? Combien de livres peut-on acheter pour remplir les étagères de nos bibliothèques ? Des exemples comme ça, il est possible d’en citer des dizaines. Bon, ne mélangeons pas tout  –  ceci relève d’un tout autre budget  –, mais, c’est Monsieur le recteur qui a commencé à faire des comparaisons…

Pas plus, pas moins non plus

« Au niveau de ma progression salariale, je n’ai pas eu plus que les autres », rétorque le recteur, toujours en entrevue avec nous. Voilà : je ne suis ni le pire, ni le meilleur, donc ne me jugez pas. Un peu comme le salaire des joueurs de hockey de la LNH. À se comparer entre eux, ils n’ont pas l’impression de toucher des sommes extravagantes, puisqu’il y en a toujours un qui gagne plus que l’autre.

S’il est vrai de dire que Guy Breton n’est pas le recteur le mieux payé du Canada, une comparaison entre dirigeants d’universités ne minimise pas l’extravagance de ces sommes. Par contre, cela illustre parfaitement la compétition acharnée que se mènent les campus. Pour avoir les meilleurs, semble-t-il, il faut être les meilleurs payeurs.

 Jugez plutôt ma valeur

« Moi, je livre la marchandise », lance-t-il au Devoir. Une vraie formulation de chef d’entreprise. « On devrait plus m’évaluer en fonction de ce qu’on a fait collectivement que de chiffres qui peuvent exciter le peuple », a-t-il aussi glissé à Quartier Libre. Sans revenir sur le choix du mot « peuple » dans cette phrase, M. Breton demande donc d’établir un lien clair entre rémunération et performance. Ce qui est déjà le cas : « La progression annuelle du recteur est déterminée en fonction de son rendement, par le Comité exécutif sur recommandation du Comité des ressources humaines », dicte le contrat de Guy Breton. Alors, effectivement, nous parlons bien de rendement. Une façon de nous rappeler que les universités se comportent de plus en plus comme des entreprises.

Après cette énumération du plaidoyer de Guy Breton, une petite précision : cet édito n’a pas pour objectif de dire au recteur de renoncer à son salaire. Il met en perspective des arguments énoncés, qui semblent – eux – bien faibles face au montant en question. Car, dans tous les cas, 414 000 $ n’est pas une somme dérisoire.

Mais peut-être est-ce un sacrifice pour M. Breton, qui se prive en fait des quelque 800 000 $ annuel que touche un radiologue.   

 

Partager cet article