Le coût d’un recteur

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Par Enrique Colindres
mercredi 23 mars 2016
Le coût d’un recteur
Avant de devenir recteur, Guy Breton a occupé le poste de vice-recteur exécutif de 2006 à 2010. Crédit: Courtoisie UdeM
Avant de devenir recteur, Guy Breton a occupé le poste de vice-recteur exécutif de 2006 à 2010. Crédit: Courtoisie UdeM
Alors que le salaire et les dépenses de Guy Breton ont suscité la polémique, Quartier Libre a passé au crible ses demandes de remboursement. Portrait de sa rénumération globale et analyse des chiffres au cœur du débat.
« L’inflation des salaires des recteurs est une tendance qui remonte aux années 2000, liée à la compétition internationale. »
Yves Gingras - Professeur au Département d’histoire de l’UQAM

«Je représente, sur le budget de l’Université , […] moins d’un trois millième», lance le recteur de l’UdeM, Guy Breton. Son salaire annuel constitue plus précisément 0,056 % des 745,4 M$ du budget de fonctionnement 2015-2016 de l’Université. Établi par le Conseil de l’UdeM de concert avec le Comité de ressources humaines, le contrat du recteur de l’UdeM est consultable en ligne. Ses augmentations annuelles, elles, sont établies par le conseil exécutif.

À son entrée en poste en 2010, M. Breton touchait un salaire de 365 000 $, soit 796$ de plus que son prédécesseur, Luc Vinet, lors de sa dernière année d’emploi. De 2010 à 2014, la rénumération du recteur de l’UdeM a augmenté de 5.7% en tenant compte de l’inflation.

L’UdeM fait partie du Regroupement des universités de recherche du Canada, l’U15. « Nous nous comparons au U15, des universités avec lesquelles nous sommes en compétition au niveau des grands organismes subventionnaires et sur les grands palmarès internationaux, explique Guy Breton. Notre barème de référence, il n’est pas québécois, il est canadien. »

Toutefois, pour le professeur au Département d’histoire de l’UQAM Yves Gingras, une comparaison pancanadienne n’est pas appropriée car les universités québécoises évoluent dans un marché francophone. « Il y a une mythologie qui circule selon laquelle il existe un marché pancanadien des recteurs ; or, ce n’est pas vrai, estime-t-il. Le seul marché est celui des universités québécoises. » Celui-ci constate par ailleurs une propension chez les universités québécoises à adopter un modèle de gestion inspiré des grandes entreprises privées.

« L’inflation des salaires des recteurs est une tendance qui remonte aux années 2000, liée à la compétition internationale », commente M. Gingras. Pour lui, un modèle où il faudrait limiter le salaire des recteurs à 1,5 fois celui des professeurs les mieux payés serait plus approprié. « En augmentant le salaire des recteurs, on ne fait qu’attirer davantage d’opportunistes du milieu privé plutôt que des universitaires », pense-t-il. Selon lui, un recteur devrait travailler par devoir envers sa communauté et non pour l’attrait financier du poste.

Pour le secrétaire général de la FAÉCUM, Nicolas Lavallée, l’augmentation du salaire du recteur depuis quelques années renforce la nécessité d’un organisme règlementaire représentatif comme le proposait la Fédération étudiante universitaire du Québec dans un rapport en 2013. « Un conseil national des universités pourrait être une bonne façon de mieux gérer le réseau et ses finances », suggère-t-il.

Les avantages du métier

En plus de son salaire, le recteur a droit à plusieurs remboursements. Quartier Libre a obtenu une copie de la demande d’accès à l’information à ce sujet faite par le Journal de Québec à l’automne 2015.

Pour 2014, Guy Breton a cumulé des remboursements de 19 503,02 $. Le principal poste de dépenses concerne les frais de voyage en classe économique et classe affaires, de transport en train et en taxi, de repas et d’hébergement à l’étranger, représentant 13 827,19 $. Des dépenses principalement liées à trois missions de l’Université en France, au Brésil et en Chine, dans le dernier cas à titre de membre de la délégation québécoise accompagnant le premier ministre Philipe Couillard. « Il faut faire preuve de jugement et distinguer les remboursements d’avion liés à une fonction officielle [de ceux liés à une fonction professionnelle]», rappelle M. Gingras.

Guy Breton précise qu’il ne voyage jamais en première classe dans l’exercice de ses fonctions et que les trajets en classe affaires se font seulement à certaines occasions et selon les modalités prévues au règlement. « Je donne l’exemple en faisant attention aux dépenses, en voyageant moins, en mettant une croix sur mon abonnement au club privé et en me limitant dans mes dépenses professionnelles », affirme-t-il. La majorité des autres avantages prévus à son contrat n’ont pas fait l’objet de remboursements.

L’autre poste de dépenses en importance est celui des honoraires pour les différentes associations professionnelles dont Guy Breton est membre, représentant un montant de 2855.40 $ pour 2014. «Les recteurs ont les moyens de payer [les dépenses professionnelles]», affirme M. Gingras. Même si le radiologue de formation n’exerce pas la médecine dans le cadre de son mandat actuel, son contrat prévoit le remboursement des frais pour demeurer membre du Collège des médecins du Québec (1 396,40 $), de l’Association médicale du Québec (311 $), du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (848 $), et du Comité exécutif du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du CHUM (300 $).

« On devrait plus m’évaluer en fonction de ce qu’on a fait collectivement [depuis que je suis en poste] que sur des chiffres qui peuvent exciter le peuple », estime Guy Breton. Il affirme par ailleurs consacrer « 1 440 minutes [NDLR: 24 heures] par jour » à l’UdeM et à sa communauté.

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