Tetris à l’université

icone Campus
Par Audrey Larochelle
mercredi 19 octobre 2011
Tetris à l'université
tetris, le jeu vidéo de casse-tête créé en 1984, revient constamment dans les discussions en classe à propos des émotions du joueur. (Crédit photo : limpa-vias.blogspot.com)
tetris, le jeu vidéo de casse-tête créé en 1984, revient constamment dans les discussions en classe à propos des émotions du joueur. (Crédit photo : limpa-vias.blogspot.com)

 

Tetris, le jeu vidéo de casse-tête créé en 1984, revient constamment dans les discussions en classe à propos des émotions du joueur. (Crédit photo : limpa-vias.blogspot.com)

Le jeu vidéo, une discipline universitaire comme le cinéma? À l’UdeM, oui. Une trentaine d’étudiants suivent pour la première fois des cours reliés à la toute nouvelle mineure en études du jeu vidéo. Quelle est la pertinence de ce programme et sa place dans un établissement universitaire? Rencontre avec le directeur du programme et immersion dans un cours.

Le directeur du programme de la mineure en études du jeu vidéo, Bernard Perron, est un homme dans la quarantaine avec une allure entre John Lennon et un chanteur de musique métal. « Je n’aime pas beaucoup les journalistes, mais j’adore mon sujet. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté de vous rencontrer », entame-t-il. Malaise.

Bernard Perron est professeur au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM. En plus du jeu vidéo, il s’intéresse aussi au cinéma d’horreur.

Selon M. Perron, le jeu vidéo est officiellement reconnu en France comme le 10e art depuis 1993. Mais ce n’est vraiment que depuis le début du 21e siècle que l’étude du jeu vidéo est considérée comme une pratique sérieuse.

D’ailleurs, en 2003, M. Perron coécrit The Video Game, un premier livre de théorie du jeu vidéo. Un nouveau champ d’études naît : la ludologie.

Première cohorte

À l’UdeM, la mineure en études du jeu vidéo accueille sa première cohorte cet automne, mais sa conception remonte à plus de deux ans. Bien entendu, l’inauguration de ce programme suscite sa part de préjugés et de clichés.

Pourquoi étudier à l’université un passetemps d’enfants et d’adolescents boutonneux ? « Le jeu vidéo est un phénomène culturel incontournable, répond M. Perron. La mineure n’est que la première étape d’un plan plus large incluant un laboratoire d’enseignement et, éventuellement, de recherche dans le domaine des jeux vidéo.»

Pour l’instant, la mineure peut se combiner à une majeure en littérature, en cinéma ou même en informatique. Cependant, le directeur du programme insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas du tout d’une formation de conception ou design de jeux vidéo, même si Montréal est reconnue mondialement dans ce domaine. «Aujourd’hui, le jeu vidéo s’intègre à un rapport de choix de nos activités quotidiennes avec la télévision, Internet, le cinéma ou la littérature».

Contrairement à la littérature et au cinéma, le jeu vidéo sous-entend tout d’abord un investissement personnel. Les joueurs ne se contentent pas de discuter de la valeur du jeu et de son appréciation. Ils échangent aussi abondamment à propos des différentes manières de vaincre un monstre ou battre un niveau en particulier.

À l’université, les considérations par rapport au jeu vidéo vont au-delà de celles des gamers. Par exemple, il est question de l’implication du joueur, des répercussions cognitives, des rapports de performance, etc.

Le laboratoire (encore naissant) fournit aux étudiants une grande diversité d’objets sources qui les aident dans leurs études pratiques. Toutes les consoles, de l’Atari à la Wii, sont disponibles aux étudiants avec une très grande quantité de jeux.

Après une visite rapide du laboratoire, M. Perron nous suggère fortement d’assister à un cours du programme. « L’atmosphère présente dans les cours est unique, nous pouvons facilement sentir la communauté sous-jacente.»

Atmosphère cordiale

L’atmosphère de fraternité et de communauté évoquée par Bernard Perron est palpable dans la classe de cours d’Esthétique et design vidéoludique (JEU 1002). Tout préjugé mis à part, la salle est bondée de garçons, tous habillés de t-shirts noirs (ou presque) attendant patiemment le début du cours en discutant des derniers jeux vidéo sur le marché. D’ailleurs, seulement quatre filles sont inscrites dans la première cohorte du programme, qui compte une trentaine d’étudiants.

Le cours débute. Le jeune professeur demande à la classe si des personnes ont fait les lectures dans le recueil de textes pour les cours de l’après-midi. Ce recueil, étonnamment épais, démontre sans aucun doute que le jeu vidéo s’inscrit dans une tradition académique.

Pourtant, l’ambiance est légère : seulement la moitié des étudiants avaient fait leurs lectures (et encore) et le professeur en rit un peu avant d’amorcer sa matière.

Le sujet du jour : les émotions dans le jeu vidéo.

Mise à part l’esthétique du PowerPoint qui rappelle celle de Mario Bros, le sujet et le niveau théorique ne sont pas différents des cours de premier cycle. Par contre, ce qui n’est pas coutume, ce sont les échanges entre les étudiants et le professeur qui sont aussi fréquents que les éclats de rire.

Malheureusement pour les préjugés, il n’y a pas de démonstrations ou de travaux pratiques, seulement un cours très théorique avec de nombreux exemples tirés de jeux vidéo.

Tetris, le jeu vidéo de casse-tête créé en 1984, revient constamment dans les discussions. Le cours du jour identifie les types de joueurs et les émotions qui sont reliées à la motivation de chacun des types. Des schémas sont exposés à l’appui.

Bref, après seulement 28 minutes de cours, l’étude du jeu vidéo montre qu’elle a bien sa place à l’université.