Décrochage : encadrer pour réussir

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Par Patrick.Georges
mardi 12 mars 2013
Décrochage : encadrer pour réussir
Le président du Conseil supérieur de l’éducation, Claude Lessard, croit qu’un meilleur encadrement est essentiel pour éviter le décrochage universitaire. (Crédit : Courtoisie MESRST)
Le président du Conseil supérieur de l’éducation, Claude Lessard, croit qu’un meilleur encadrement est essentiel pour éviter le décrochage universitaire. (Crédit : Courtoisie MESRST)

Les étudiants de l’UdeM en difficulté doivent attendre jusqu’à un mois et demi pour bénéficier de l’aide du Centre étudiant de soutien à la réussite (CÉSAR). Cette situation ne touche pas seulement l’UdeM. Il est donc nécessaire de trouver des solutions globales pour prévenir le décrochage universitaire.

Pour prévenir le décrochage universitaire, le CÉSAR offre des ateliers gratuits aux étudiants de l’UdeM en difficulté. La gestion du temps, les stratégies d’apprentissage ou encore les remèdes à la procrastination figurent parmi les thèmes abordés. Les professionnels du CÉSAR interviennent également de manière individualisée en effectuant des entrevues d’évaluation pour pallier directement les lacunes des étudiants.

Les résultats des efforts des spécialistes du CÉSAR sont difficiles à mesurer. «Nous osons espérer que nous avons une influence positive sur la persévérance, mais c’est dur de déterminer si ce sont nos services qui leur ont permis de continuer leurs études, regrette la coordonnatrice et psychologue au CÉSAR, Dania Ramirez. C’est impossible de faire un suivi auprès des étudiants. Nous en voyons trop.»

En février seulement, le Centre a reçu 45 nouvelles demandes d’intervention. « L’an dernier, nous arrivions à répondre à la demande, mais cette année est beaucoup plus mouvementée que les autres, reconnaît Mme Ramirez. Nous avons été surpris par le tsunami de la grève étudiante. » Réfléchir à d’autres solutions s’impose donc.

Un meilleur encadrement

Une transition difficile entre le cégep et l’université est souvent à l’origine du décrochage. La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) souhaite donc voir l’encadrement des étudiants être renforcé. Selon sa présidente, Martine Desjardins, décerner des bourses d’études aux plus talentueux s’avère insuffisant.« Il faut être disponible pour les étudiants et assurer un suivi, affirme-t-elle. L’étudiant doit comprendre quels services sont mis à sa disposition.»

Le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) abonde dans le même sens.« Il ne suffit pas d’admettre de bons étudiants pour que la persévérance soit au rendez-vous, précise son président, Claude Lessard. L’étudiant doit bénéficier d’échanges réguliers avec une équipe professorale disponible. » Le CSE considère que les étudiants doivent avoir une bonne idée de ce que l’université peut leur offrir en matière d’aide à la réussite, et ce, dès leur admission.

Pour améliorer l’encadrement des étudiants, la FEUQ a élaboré une politique nationale qui sera mise en oeuvre prochainement pour faire le suivi des dossiers scolaires des étudiants jusqu’à l’université. Grâce à ces dossiers qui contiennent tous les renseignements personnels et scolaires des étudiants, les universités seront mieux outillées pour comprendre le cheminement de ceux qui sont en difficulté. La FEUQ croit aussi qu’il faut s’assurer que les étudiants obtiennent leurs diplômes dans les temps requis. « Plus l’étudiant repousse la date d’obtention de son baccalauréat, plus il risque de décrocher », explique Mme Desjardins.

Par ailleurs, le Conseil supérieur de l’éducation estime que les professeurs devraient s’impliquer davantage dans le projet de carrière des étudiants. «Beaucoup d’étudiants entrent dans des programmes non contingentés avec une curiosité intellectuelle, mais leur projet n’est pas clair, soutient M. Lessard. L’université devrait se reconnaître une responsabilité dans le processus de clarification professionnelle de l’étudiant.»

Le professeur de sciences économiques à l’UQAM Pierre Fortin s’est inquiété à plusieurs reprises dans les médias du décrochage à l’université. Pour tenter de trouver une solution, il pense qu’il est nécessaire de s’interroger sur les conséquences de la formule de financement des universités mise en place au début des années 2000. Une formule qui incite les universités à accueillir le plus d’étudiants possibles car plus ils en acceptent et plus ils reçoivent de l’argent du gouvernement.

« Il faut être politiquement incorrect et se demander si les universités n’admettent pas trop d’étudiants qui n’ont pas les aptitudes pour réussir à l’université, propose M. Fortin. J’espère que la réponse est non mais il faut être assez honnête pour se poser la question».

Réduire l’endettement pour freiner

Si le CSE met l’accent sur le fait que les réponses au problème du décrochage se trouvent du côté des universités, la FEUQ souligne la responsabilité du gouvernement, notamment en ce qui concerne la situation financière des étudiants. «Selon les études à notre disposition, la première source de décrochage provient de raisons financières», insiste Mme Desjardins .

Il est donc essentiel, selon elle, de réduire l’endettement. «Nous avons cherché à obtenir le gel des frais de scolarité, déclare sèchement Mme Desjardins. De toute évidence, il nous reste encore un bout de chemin à faire là-dessus.»

De son côté, M. Lessard prend également en considération les contraintes financières qui pèsent sur les étudiants. « Avant tout, il faut mieux connaître les conditions financières des étudiants, indiquet- il. Nous ne savons pas grand-chose à ce sujet.» La FEUQ ajoute qu’elle souhaite voir adopter des règles restreignant le nombre d’heures de travail de ceux qui fréquentent les universités québécoises. Elle se base notamment sur un projet mené à l’Université de Sherbrooke qui prévoit un seuil maximal de 20 heures de travail hebdomadaires pour les étudiants.

M. Lessard et Mme Desjardins s’accordent sur un point : il est grand temps de reconnaître qu’étudier est un travail qui se doit d’être valorisé.

 

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La technologie pour contrer le décrochage

Pour encourager la persévérance aux études universitaires, des chercheurs, dont la professeure en technologie éducative à la Télé-université Louise Sauvé, ont conçu en 2005 SAMI-persévérance, un système d’aide multimédia et interactif. Grâce à ce programme, les étudiants peuvent à tout moment avoir accès à 600 ressources en ligne. Des capsules vidéo sur la motivation ou sur la procrastination et des conseils pour appliquer des stratégies de lecture ou de prise de note de cours efficaces figurent sur son site internet.

Un module permet aussi d’apprendre à dresser le bilan de ses finances et à bien gérer ses dépenses, une ressource particulièrement utile vu que de nombreux étudiants abandonnent leurs études pour des raisons financières. Enfin, un forum permet également aux membres de communiquer entre eux.

Actuellement, le système SAMI-persévérance est notamment offert aux étudiants de la Télé-université, de l’UQAM, de l’Université de Sherbrooke et de l’Université de Québec à Rimouski.