Une commission pas rapport ?

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Par Dominique Cambron Goulet
mardi 27 mai 2014
Une commission pas rapport ?
Les opposants à la hausse des frais se sont réunis pendant près de 6 mois dans le centre-ville de Montréal pour protester contre le choix du gouvernement libéral. (Crédit : Pascal Dumont)
Les opposants à la hausse des frais se sont réunis pendant près de 6 mois dans le centre-ville de Montréal pour protester contre le choix du gouvernement libéral. (Crédit : Pascal Dumont)

Depuis son dépôt, le rapport de la Commission spéciale d’examen des événements du printemps 2012 a été démoli, tant par le Parti libéral du Québec que par les policiers et par certains commentateurs de la scène politique. Parmi les reproches adressés au rapport Ménard, plusieurs déplorent le fait que les étudiants sortent de l’exercice blanc comme neige. Pourquoi le rapport Ménard devrait-il nécessairement incriminer les étudiants ?

À quoi sert exactement une commission gouvernementale, si ce n’est qu’à faire des recommandations au gouvernement ? Le rapport présente des faits, les analyse et ensuite effectue ses recommandations au gouvernement en place. La Commission n’a aucun pouvoir sur les agissements des étudiants et ne peut prétendre en avoir.

C’est comme si la Commission Charbonneau recommandait au crime organisé de ne plus faire de crime, plutôt que de proposer de former les fonctionnaires sur l’éthique ou de créer des postes d’inspecteurs.

Le président de la Commission, l’ancien ministre de la Sécurité publique Serge Ménard, s’est dit déçu de voir son rapport aussi vite tabletté. Il a également déploré le fait qu’on le considère comme partisan dès le départ. Ce rapport a-t-il été commandé à des fins partisanes ? Peut-être… mais il n’a pas été rédigé ainsi. Il était évident que le pouvoir en place allait en prendre pour son rhume, puisque, rappelons-le, le but d’une commission est de voir comment le gouvernement peut améliorer ses agissements dans un domaine particulier. Chaque commission part donc inévitablement d’un problème.

Il est évident que les étudiants ont leur part de responsabilité dans la détérioration du climat. Pensons au désaveu unilatéral par les associations d’une entente qu’ils avaient eux-mêmes signée après une nuit de négociations. Par contre, les associations analyseront assez leurs erreurs de leur côté, sans avoir besoin d’une commission gouvernementale pour cela.

Des leçons à tirer

Pour le gouvernement, en revanche, il est primordial de réfléchir sur le printemps érable pour s’orienter en vue des prochaines grèves étudiantes. Historiquement, il y a environ une grève majeure à chaque décennie.[1]

Auparavant, le refus de négocier, couplé au flou juridique de la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves (Loi 32), avait plutôt bien servi le gouvernement.

L’absence de réelle unité au sein du mouvement avait permis aux ministres de l’Éducation Jean-Marc Fournier (2005), Pauline Marois (1996) et Claude Ryan (1990) de regarder le mouvement s’effriter de l’intérieur avant de devoir réellement négocier. La passivité et une ligne dure avaient donc toujours constitué une bonne stratégie. Cela n’a pas été le cas en 2012, quoique les injonctions aient failli jouer le même rôle que les dissensions entre les diverses franges du mouvement étudiant.

C’est pour cela que le rapport Ménard mérite d’être étudié et écouté. Laisser la situation pourrir a forcément des conséquences qui dépassent la victoire ou la défaite d’une grève. Si les étudiants perdent foi envers la négociation, la législation (loi 78), le système juridique (injonctions) et la police, cela aura des répercussions sur le fonctionnement de la société par la suite. Et, puisque chaque génération vit une grève étudiante, la répétition d’un scénario comme celui du printemps 2012 pourrait à long terme sérieusement affaiblir les institutions de la société québécoise.

Plus d’articles sur le rapport Ménard: La FAÉCUM réagit au rapport Ménard et L’ASSÉ critique le rapport Ménard


[1] Benoit Lacoursière, Le Mouvement étudiant au Québec de 1983 à 2006 Montréal, Sabotart Éd., coll. « Mémoire & Luttes », 2007, 179 p.