Boire un shotgun dans une craque de seins pour trois points, prendre une photo de sein (juste un) pour deux points, frencher une fille pour un point. La liste des « 12 travaux d’Hercule » destinée aux étudiants qui souhaitaient représenter l’Université du Québec en Outaouais (UQO) aux Jeux de la communication* a fait le tour de la toile… Ce bien triste divertissement traduit une réalité : les étudiants ignorent trop souvent lorsque leur comportement est sexiste, discriminatoire, dégradant et/ou incitant à la violence sexuelle.
Comme en témoigne leur lettre « d’excuse », les trois étudiants de l’UQO à l’origine de la liste ne pensaient pas que ce petit jeu était dégradant et incitait à la violence sexuelle. Ils n’avaient pas non plus conscience que, de fait, ils étaient en train de véhiculer des propos sexistes. « Nous sommes des cons », ont-ils – très justement – écrit. Le problème est justement qu’ils n’aient pas vu qu’il y en avait un. Car le harcèlement n’a pas toujours l’apparence que l’on croit. Que quelqu’un prenne une photo d’un sein (deux points) ou d’une brassière (un point), ça ne ressemble peut-être pas à l’image que l’on s’en fait.
La goutte d’eau qui fait déborder le vase
Le recteur de l’UQO, Denis Harrisson, a condamné le comportement des auteurs de la liste et précisé que cela pourrait mener à des sanctions, allant jusqu’à l’expulsion. De son côté, le Département de communication de l’UdeM a lui aussi pris position. Cet événement, loin d’être isolé selon les responsables du Département, a confirmé un doute déjà présent depuis plusieurs mois. Du même souffle, ils ont annoncé le retrait de leur financement et de leur soutien moral. Pas – uniquement – à cause de cette liste mal placée, mais bien parce que des « étudiantes de l’Université de Montréal […] ont été victimes de comportements sexistes dans le cadre d’activités entourant les Jeux de la communication », ont-ils écrit sur Facebook.
Malheureusement, la stratégie du Département est un peu dans le champ. Comme en témoignent les commentaires de dizaines d’étudiants sur leur publication Facebook, beaucoup ne comprennent pas ce choix. Un courriel et un message Facebook pour annoncer une telle décision ne pas suffire à faire comprendre le message. Ceci ne pourra jamais remplacer une vraie discussion, un débat ou encore des rencontres entre étudiants et responsables du programme. Il semble que, dans ce cas-là, l’application du cours « Communication et gestion de crise » aurait être utile. Ironique de voir comment un Département de communication… a mal communiqué.
Briser le silence
Et si cette décision était en fait la bonne? Et si elle venait enfin rompre le statu quo qui existe depuis trop longtemps dans ce genre de situations? Une décision certes radicale, mais qui pourrait permettre de faire comprendre le vrai problème aux étudiants. Faire comprendre que le problème est beaucoup plus grave qu’un jeu, et même que les Jeux. Aucune décision ne sera jamais assez radicale pour arrêter le sexisme, la discrimination et les violences à caractèrere sexuel. Et surtout, la banalisation de ces attitudes.
Puisque la décision du Département de communication de l’UdeM ne remet pas en cause la tenue des Jeux (son soutien financier est de 4%), sa décision a au moins le mérite de montrer qu’il prend le problème au sérieux et que les harcèlements – au pluriel – sont l’affaire de tous. Et peut-être qu’elle pourrait pousser des victimes à sortir de l’ombre, à raconter leur histoire. Car le sexisme et les problèmes liés aux harcèlements sont loin d’être l’affaire d’une seule liste – des travaux d’Hercule.
* Les Jeux de la communication est une olympiade interuniversitaire mettant à l’épreuve des étudiants en communication, relation publique et journalisme.