Se faire une place

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Par Catherine Poisson
mercredi 9 mars 2016
Se faire une place
L'étudiante au baccalauréat en informatique Corinne Pulgar s'investit au sein de l'association des étudiants du DIRO. Crédit Photo: Sarah Bouchaïb
L'étudiante au baccalauréat en informatique Corinne Pulgar s'investit au sein de l'association des étudiants du DIRO. Crédit Photo: Sarah Bouchaïb
L’informatique est un milieu d’hommes, selon la professeure au Département d’informatique et de recherche opérationnelle (DIRO) Sylvie Hamel. Pourtant, le baccalauréat en informatique de l’UdeM accueille entre 10 et 15 % d’étudiantes chaque année. Quartier Libre a rencontré quelques-unes de ces femmes qui défient les statistiques.
« Il y a une raison sociale en cause. Chez moi, nous étions deux filles et un garçon. Lorsqu’on a eu notre premier ordinateur, mon père l’a tout de suite installé dans la chambre de mon frère. Il ne s’est pas posé de questions. »
Sylvie Hamel - Professeure au DIRO

La présence des femmes en informatique est cruciale, selon Mme Hamel. « Les femmes peuvent apporter une vision différente, et donc concevoir des outils qui visent un public différent, explique la professeure. De nos jours, tout le monde utilise la technologie. Il faut que tout le monde y contribue. »

L’étudiante au baccalauréat en informatique Corinne Pulgar croit également que la société ne peut se passer de la contribution des femmes. « L’informatique touche à tous les aspects de notre vie, on ne peut pas se contenter d’une seule perspective », affirme-t-elle.

Une discipline masculine

Pourtant, être une femme dans cette discipline demande un moment d’adaptation, selon Clothilde*, étudiante au postdoctorat en informatique . « Il y a une période de choc à traverser, dit-elle. Les débuts sont difficiles. C’est très intimidant. » Elle remarque d’ailleurs un manque de confiance généralisé chez les étudiantes. « Dès qu’on rencontre une difficulté, notre premier réflexe est de se dire que c’est nous le problème, énonce-t-elle. Je ne suis pas bonne ! Je l’entends tout le temps celle-là. »

Ce problème s’explique en partie par les clichés associant l’informatique aux hommes, sous prétexte que les filles ne s’y intéressent pas, d’après Clothilde. Elle se rappelle la réaction d’un professeur quand elle a obtenu une mauvaise note durant sa maîtrise. « Il m’a suggéré de changer de domaine, raconte-t-elle. Pour une seule mauvaise note ! »

Pour Corinne, cette pression, ajoutée à l’individualisme qui règne en informatique, pousse les étudiantes à s’isoler. « Tu deviens tributaire de ton sexe au complet, déplore-t-elle. À ma première session, j’étais en détresse, j’avais l’impression de ne pas avoir ma place dans le programme, je voulais juste que quelqu’un me dise : tu as le droit d’être ici. »

Si cette insécurité est plutôt féminine selon Corinne, la solution l’est tout autant. « Le réflexe de demander de l’aide et d’en offrir est beaucoup plus présent chez les filles, affirme l’étudiante. Elles peuvent apporter une dimension plus humaine à l’informatique. »

Vers la parité

Les femmes auraient donc plus à offrir que les hommes à l’informatique ? « Pas plus, rectifie Clothilde. Soyons réalistes. Les femmes apportent autant que les hommes. Il faut seulement qu’elles prennent conscience que c’est possible. »

Quant à savoir ce qui décourage les femmes de se lancer en informatique, Mme Hamel et les deux étudiantes hésitent. Selon elles, le problème dépasse le milieu lui-même. « Il y a une raison sociale en cause, soutient la professeure. Chez moi, nous étions deux filles et un garçon. Lorsqu’on a eu notre premier ordinateur, mon père l’a tout de suite installé dans la chambre de mon frère. Il ne s’est pas posé de questions. »

D’après Clothilde, se poser la question à l’université arrive trop tard. « Il faut regarder en arrière, à l’origine du problème », croit-elle. Toutefois, les obstacles rencontrés par les femmes les incitent à travailler plus fort et à se dépasser selon l’étudiante. « Quand je vois une fille au doctorat en informatique, je sais qu’elle s’est battue pour en arriver là », affirme l’étudiante.

De son côté, Corinne remarque que les étudiantes s’impliquent davantage au sein de l’association des étudiants du DIRO de l’UdeM. « Pourtant, le conseil exécutif de l’association ne compte que des gars et les filles sont moins représentées », observe-t-elle.

Mme Hamel pense quant à elle qu’il est essentiel d’offrir davantage d’exemples de succès aux filles. « Il faut des modèles de femmes qui ont réussi, et des modèles différents, assure-t-elle. L’informatique est tellement plus large que ce qu’on croit, ça mène à plein de choses. » À titre d’exemple, Mme Hamel cite des femmes qui ont fait carrière dans le domaine des mathématiques, de la biologie, des jeux vidéo et même de l’humanitaire, grâce à l’informatique.

5* Prénom fictif, l’étudiante souhaitant restée anonyme.