Écouter son corps

icone Culture
Par Thomas Martin
vendredi 24 février 2017
Écouter son corps
Crédit Photo: Marie Isabelle Rochon
Crédit Photo: Marie Isabelle Rochon
La Semaine de la santé des musiciens à l’Université McGill s’est tenue du 13 au 19 février. La Faculté de musique de l’UdeM propose un cours permettant aux étudiants de mieux comprendre les enjeux de santé physique pour la suite de leur carrière d’« athlètes des petits muscles ».
« Les musiciens doivent être conscients de la manière dont ils transportent leurs instruments et ils ne doivent jamais pratiquer sans s’être échauffés physiquement auparavant. »
Vincent Verfaille, chargé de cours à la Faculté de musique.

Jouer d’un instrument comporte plusieurs risques sous-estimés. « Ce sont 47 % à 88 % des musiciens qui sont blessés actuellement ou qui se sont blessés dans la pratique instrumentale », explique le chargé de cours à la Faculté de musique Vincent Verfaille. Des chiffres qui illustrent la problématique posée par la santé des musiciens. Les risques de blessures, comme les contractions musculaires et les tendinites, sont encore trop peu connus auprès de la communauté, d’après l’enseignant.

À l’UdeM, M. Verfaille donne le cours La santé corporelle du musicien, qui sensibilise les étudiants aux complications physiques encourues par leur pratique et qui définit les moyens efficaces de prévenir les problèmes. « La plupart des blessures sont des blessures d’usure, de mouvements répétitifs dans des postures inadéquates, affirme-t-il. Il faut éduquer les musiciens pour qu’ils prennent de bonnes habitudes dans leur pratique. » Selon lui, il s’agit de connaître son corps et ses besoins, car les musiciens ont tendance à s’intéresser principalement à l’état de leurs instruments, alors que leur santé physique devrait passer en premier.

L’échauffement avant tout

« J’ai été blessée lorsque j’étais au cégep, et ça ne fait pas longtemps que je vois la nécessité de m’échauffer avant de jouer, confie l’étudiante au baccalauréat en musique à l’UdeM Catherine Beaudry. Je suis violoniste et Vincent m’a appris plusieurs étirements spécifiques à faire avant chaque répétition. » Depuis que M. Verfaille intervient auprès de l’Orchestre de l’UdeM (OUM), dont Catherine fait partie, la conscientisation aux enjeux de santé s’est accrue.

Pour le finissant au baccalauréat en musique à l’UdeM Julien Deguire, clarinettiste de l’OUM qui participe au cours de M. Verfaille, cet enseignement est tombé à point nommé. « Je me disais que ça ne m’arriverait pas jusqu’à ce que, récemment, j’aie des douleurs musculaires, raconte-t-il. J’ai vraiment eu peur, je suis allé consulter et, grâce au cours, j’effectue maintenant une routine d’échauffement que je ne faisais jamais avant, et la douleur a disparu. »

Il existe certains gestes essentiels à adopter au jour le jour pour minimiser les risques, selon M. Verfaille. « Les musiciens doivent être conscients de la manière dont ils transportent leurs instruments et ils ne doivent jamais pratiquer sans s’être échauffés physiquement auparavant, prévient-il. Ils doivent également boire suffisamment, en ayant toujours une bouteille d’eau sur eux, et faire des pauses dans la pratique. Il est bien sûr essentiel d’avoir une posture idéale selon son instrument. »

Musiciens désinformés

L’étudiant à la maîtrise en interprétation du piano Alex Soucy, qui possède également une formation de pharmacien et agit comme intervenant dans le cours de M. Verfaille, croit qu’il reste encore du chemin à parcourir. « Je me suis rendu compte qu’il y avait pas mal de désinformation par rapport à la santé physique, révèle-t-il. Les étudiants consultent des sources peu fiables et mettent leur santé en jeu, c’est un vrai problème. »

Dans le milieu, la concurrence qui ne cesse de s’intensifier, force les musiciens à oublier la douleur et à performer au-delà de leurs limites, d’après Alex. « Un des conseils que je donne aux étudiants lorsqu’ils rencontrent des problèmes, c’est d’aller voir des professionnels pour leur poser des questions, alors qu’ils ont tendance à rester seuls avec leurs interrogations », explique-t-il. La sensibilisation doit commencer dès l’université pour faire évoluer les consciences et placer ces enjeux au cœur des préoccupations des musiciens en devenir.

Étant un lieu d’apprentissage, l’Université permet aux jeunes musiciens de mieux percevoir leur art et les différentes contraintes qu’il comporte. « Ça fait longtemps que je pratique le violon sans trop prêter attention à ces choses-là, avoue Catherine. Depuis que je suis à l’UdeM, j’ai vraiment plus de connaissances et je me rends compte de l’importance de bien me préparer physiquement. »

La santé physique de ces athlètes de la scène est primordiale, leur corps représentant leur principal outil de travail. M. Verfaille met également ses étudiants en garde contre le manque de vigilance, car les blessures, si elles sont ignorées, peuvent signifier un arrêt définitif de la pratique et la fin d’un rêve pour certains.

16