Rouler vers son diplôme

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Par Adil Boukind
mercredi 16 octobre 2013
Rouler vers son diplôme
Clément Badra est tétraplégique, cela ne l'empêche pas de conserver une joie de vivre et un sens de l'humour certain. (Crédit photo: Pascal Dumont)
Clément Badra est tétraplégique, cela ne l'empêche pas de conserver une joie de vivre et un sens de l'humour certain. (Crédit photo: Pascal Dumont)

À l’âge de 20 ans, Clément Badra doit faire face à des défis quotidiens, et ce, même dans les tâches les plus anodines. Même si l’UdeM s’adapte, l’étudiant en biologie doit compter sur les autres pour l’accompagner durant sa journée.

Jeudi matin, 8h45. C’est le début d’une journée chargée pour Clément. L’étudiant en biologie commence sa journée par un cours théorique au pavillon 3200 Jean-Brillant, puis l’après-midi par un cours pratique en laboratoire, précédé d’un test écrit au pavillon Marie-Victorin. Pour Clément, le défi n’est pas de rester attentif en cours, mais plutôt de s’y rendre. En effet, le jeune étudiant est tétraplégique. Malgré son handicap, Clément ne se voit pas comme une victime et accepte sa condition. Son état physique n’empêche pas l’étudiant d’être plein de bonne humeur.

Le simple fait de rentrer dans le pavillon présente un défi pour lui : la porte automatique ne fonctionne pas. «Dans ce cas-ci, je suis obligé d’attendre que quelqu’un passe pour m’aider, explique l’étudiant. Les gens sont quand même compréhensifs et viennent m’aider immédiatement.» Voilà maintenant six ans que l’étudiant en biologie a perdu la mobilité d’une grande partie de son corps. « Suite à un mauvais plongeon dans une piscine avec un sol inégal, ma tête a frappé la première et je me suis cassé deux vertèbres », raconte Clément. Il ne peut bouger que la partie supérieure de son corps, excepté ses mains. La rééducation lui a permis de récupérer une partie de sa mobilité, mais le jeune Français originaire de Lyon ne se rend pas au CEPSUM, bien qu’il paie les frais obligatoires, étant donné que les machines ne sont pas adaptées à sa condition.

Cela fait maintenant plusieurs semaines que le bouton "handicapé" de la porte d'entrée du pavillon 3200 Jean-Brillant est brisé. Clément doit donc attendre que quelqu'un lui ouvre les deux portes pour sortir ou entrer. (Crédit photo: Pascal Dumont)

Cela fait maintenant plusieurs semaines que le bouton « handicapé » de la porte d’entrée du pavillon 3200 Jean-Brillant est brisé. Clément doit donc attendre que quelqu’un lui ouvre les deux portes pour sortir ou entrer. (Crédit photo: Pascal Dumont)

 

Circulation difficile

Son premier cours a lieu au troisième étage du 3200 Jean-Brillant. « La salle est correcte. Je peux m’asseoir où je veux, explique l’étudiant. Cela dit, dans les grands amphithéâtres, je n’ai pas le choix de m’asseoir soit tout devant, soit tout à l’arrière.» Cette situation aurait pu être problématique s’il avait un problème de vue. Pour les toilettes, une autre complication se pose. «C’est impossible pour moi de rentrer dans les toilettes du deuxième étage, raconte Clément. Mais encore là, ça va, parce que le vrai casse-tête pour en trouver des accessibles, c’est à Marie-Victorin. »

Midi, le cours est terminé. Clément doit retrouver le chauffeur du service de transport pour les personnes à mobilité réduite, Pierre Farand. Celui-ci le récupère à la sortie qui se trouve derrière la boutique informatique, au 2e étage du 3200 Jean-Brillant. Pour le rejoindre, Clément doit obligatoirement être accompagné, puisque la porte de secours ne possède pas de système à ouverture automatique. À son arrivée, Clément est chaleureusement accueilli par M. Farand. «Nous sommes devenus amis, depuis le temps que l’on se connaît », explique le chauffeur qui côtoie Clément depuis son arrivée à l’UdeM.

 

Clément ne peut se servir de ses mains, il se fait donc aider par des bénévoles pour rédiger ses travaux et ses examens. (Crédit photo: Pascal Dumont)

Clément ne peut se servir de ses mains, il se fait donc aider par des bénévoles pour rédiger ses travaux et ses examens. (Crédit photo: Pascal Dumont)

Jamais seul

Arrivés à Marie-Victorin, Clément et ses amis se rendent au café de biologie. Clément connaît beaucoup de personnes dans le bâtiment. Il est rarement seul. Pour son deuxième cours, Clément a un atelier de physiologie nerveuse et musculaire. Le cours commence par un test. Étant donné qu’il ne peut pas écrire lui-même, une des chargés de laboratoire l’accompagne dans une seconde salle afin de compléter l’examen pour lui. Pour les examens intras et finaux, une personne est officiellement assignée, et ce bénévolement, afin de l’aider. Une fois le test terminé, l’étudiant doit se rendre dans sa salle de travaux pratiques au sous-sol de Marie- Victorin. Sur le chemin, plusieurs pentes légères rendent le parcours plus difficile.

Dans la salle de travaux, les tables sont plus hautes que la normale et requièrent donc des tabourets hauts. La tête de Clément dépasse à peine de sa table. « Quand les salles sont grandes, on fait généralement venir une table normale pour moi, raconte l’étudiant. Je suis quand même content que l’Université me laisse assister à autant d’ateliers que jeveux.» Le biologiste en devenir énonce aussi la flexibilité de ses enseignants. « Les professeurs adaptent sans problème leur système de notation, explique Clément. Je ne suis pas évalué sur les manipulations : mes rapports comptent pour plus de points.»

Depuis son entrée à l'UdeM, l'employé Pierre Farrand l'aide à se déplacer sur le campus grâce au bus spécial. (Crédit photo: Pascal Dumont)

Depuis son entrée à l’UdeM, l’employé Pierre Farrand l’aide à se déplacer sur le campus grâce au bus spécial. (Crédit photo: Pascal Dumont)

Depuis son entrée à l’UdeM, l’étudiant a été incapable, à trois reprises, de se rendre en cours. Deux fois sur trois, il a réussi à se faire porter dans la salle de cours. Même si sa chaise n’est pas électrique, il faut au minimum trois personnes pour soulever l’étudiant qui pèse alors environ 200 livres, chaise comprise. À la suite de ces incidents, l’Université a fait changer de salle le cours au complet afin que l’étudiant puisse y assister normalement.

Dans chaque pavillon où Clément a cours, il y a toujours au moins un ascenseur en service. Il peut arriver, comme à Marie-Victorin, que ses amis aient à le porter lui et sa chaise pour accéder à certaines salles de classe. (Crédit photo : Pascal Dumont)

Dans chaque pavillon où Clément a cours, il y a toujours au moins un ascenseur en service. Il peut arriver, comme à Marie-Victorin, que ses amis aient à les porter lui et sa chaise pour accéder à certaines salles de classe. (Crédit photo : Pascal Dumont)

 

La réaction de l’UdeM

Responsable du Service aux étudiants en situation d’handicap (SESH), Nicolas Fortin explique la mission de ce service : « le but de cette organisation est de révéler les irrégularités et faire des recommandations aux groupes responsables et capables de régler ces problèmes. » Le SESH touche 1% de la situation étudiante. En 2012, 650 étudiants étaient considérés en situation d’handicap. Dans le cas de la porte automatique ne fonctionnant pas à Jean-Brillant, le porte-parole de l’UdeM, Mathieu Filion, explique que la situation n’est pas dépendante de la volonté de l’Université. Normalement, un problème de ce genre est réglé le plus rapidement possible. « Malheureusement, cet exemple représente des délais hors de notre ressort: la Division des opérations a réagi dès que le problème a été constaté mais il y a un délai pour recevoir les pièces qui doivent être remplacées », explique-t-il.