Dans l’immeuble d’Outremont où habite Philippe Poullaouec-Gonidec, architecte et directeur de la seule chaire de recherche de l’UNESCO à l’UdeM, il y a un ascenseur mythique. Une sorte de cadran solaire aide à repérer l’étage où il se trouve. Son intérieur est matelassé et la porte, capricieuse, ne s’ouvre qu’avec la main. Une première touche de poésie intemporelle, avant de s’arrêter au quatrième étage et de rencontrer chez lui l’architecte paysager, professeur de la Faculté d’aménagement de l’UdeM.
L’architecte a une vision poétique de la conception des villes. Il n’hésite pas à critiquer le campus de l’UdeM et il travaille avec les autorités municipales pour mieux aménager les transports urbains [voir entrevue plus bas].
Sur les murs de l’appartement de Philippe Poullaouec-Gonidec reposent de grands tableaux, des photos de bateaux et des peintures signées P.P.G, comme des témoins de l’artiste derrière l’architecte. Il est vrai qu’il a fait les beaux-arts en France, avant de se tourner vers l’aménagement. Le chercheur d’origine bretonne est un passionné, surtout lorsqu’il parle de sa découverte des villes, devenues aujourd’hui son principal sujet d’étude.
C’est grâce à son père, capitaine de bateau, que Philippe Poullaouec- Gonidec a pu, dès l’enfance, aiguiser son regard sur la beauté des paysages et des cités côtières. Sa sensibilité artistique s’est développée au fil de l’eau. Aujourd’hui, il parle de la « lenteur fascinante qui se dégage lorsqu’on aborde le paysage à partir de la mer, lenteur qui crée toute une expérience de l’imaginaire avant de découvrir la côte et le port qui nous accueille ». C’est encore la mer qui a poussé le Breton à venir s’installer au Québec. La traversée, il l’a effectuée depuis maintenant plus de trente ans. D’abord étudiant en architecture au Québec, il s’est rapidement spécialisé dans l’étude des paysages. Cela fait plus de 15 ans maintenant qu’il enseigne à l’UdeM.
Il aime voir les villes croître, évoluer, se transformer, toujours grâce à la main de l’homme et à sa capacité à «conceptualiser son milieu de vie». La ville, selon lui, porte en elle plusieurs récits qui sont des narrations sociales et culturelles qu’il s’emploie à déchiffrer.
Entrevue
Quartier Libre : Vous travaillez présentement à faire de la recherche à la Chaire en paysage et environnement de l’UdeM. Concrètement, quelle est l’utilité de cette dernière ?
Philippe Poullaouec-Gonidec : Nous nous intéressons à la question du cadre de vie des Québécois, ainsi qu’aux paysages, ruraux comme urbains. Nos travaux alimentent surtout des politiques gouvernementales. Par exemple, le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire nous a demandé de réfléchir sur les enjeux du paysage urbain métropolitain. L’un de nos conseils les plus pressants concerne les entrées de ville. Pour Montréal, nous avons préconisé une réorganisation des ponts afin de désengorger la ville. Hydro-Québec nous a également demandé de réfléchir à mieux intégrer en milieu urbain les réseaux des dispositifs de distribution, comme les poteaux hydroélectriques, les grands pylônes et les éoliennes. Notre réflexion est en cours à ce sujet.
Q.L. : Vous dirigez aussi la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’UdeM. C’est la seule chaire de recherche de l’UdeM liée à l’UNESCO. Quel est son objectif ?
P.P.G. : Cette chaire soutient l’enseignement et la recherche pour le développement des villes sur les six continents. Pour l’UNESCO, lorsque l’on parle de paysages, on parle de cultures : les espaces d’études et les zones protégées sont très souvent en milieux habités. Il faut protéger la diversité culturelle dans le développement urbain. J’ai notamment créé un projet appelé Workshop-Atelier-Terrain. Chaque année, des étudiants et des experts du monde entier réfléchissent sur le développement d’une ville confrontée à des problèmes de développement urbain. C’est à la fois une opération pédagogique et utile aux villes. Le premier atelier s’est déroulé en 2003 à Reggio Calabria, dans le sud de l’Italie, et celui de l’année dernière s’est tenu à Kobe, au Japon.
Q.L. : Quels aménagements envisageriez-vous pour le campus de l’UdeM si vous aviez carte blanche pour le faire ?
P.P.G. : Le campus de l’UdeM est le seul campus montréalais qui est à ce point coupé d’une vie de quartier. Il lui manque une ambiance urbaine. Pour remédier à cela, il faudrait planter des arbres, des allées piétonnes végétalisées. Pourquoi ne pas ouvrir des terrasses aménagées pour l’été en annexe des cafés étudiants intérieurs, afin que les gens puissent être dehors et respirer le grand air ? Le campus doit être plus agréable comme milieu de vie. Rien, pour l’instant, n’amène le plaisir de marcher. Toutefois, le sommet Outremont, au-dessus du CEPSUM, devrait devenir sous peu un parc public. C’est un projet très intéressant que de mettre en valeur cet espace. C’est un des seuls points de vue sur la partie nord de la ville jusqu’aux Laurentides. De là, on peut admirer de magnifiques soleils couchants.