«Avec cette politique, on essaie de choisir des entreprises qui sont plus conscientes des impacts de leurs travaux, et de faire changer leur angle d’attaque », indique le vice-recteur aux finances et aux infrastructures de l’UdeM, Éric Filteau. Le comité s’occupant du Fonds de dotation s’engage ainsi à respecter les Principes pour l’investissement responsable (PRI) des Nations unies.
Respecter les PRI suppose de considérer des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (facteurs ESG) dans les placements. « Chaque année, nous demanderons aux entreprises leur position vis-à-vis de ces facteurs, indique M. Filteau. Si une entreprise fait travailler des enfants en bas âge pour faire des tapis dans le sous-sol, la nouvelle sort et cela peut avoir des conséquences sur l’entreprise. » La prise en compte de ces facteurs ESG permet donc, avant tout, une meilleure gestion des risques en évitant de telles situations chez les entreprises donatrices.
Énergies fossiles
La prise en compte des facteurs ESG n’induit pas, pour un groupe d’investisseurs, de se débarrasser des énergies fossiles. « S’ils utilisent la politique pour dire que tout va bien, mais qu’ils continuent à investir dans l’armement, les mines d’uranium et les sables bitumineux, c’est plutôt de l’écoblanchiment, estime le doctorant en sociologie et membre du comité Désinvestissons UdeM, Christoph Stamm. Cette politique est plus ou moins calquée sur celle du régime de retraite de l’UdeM [RRUM] qui a été adoptée en 2013 et qui n’a pas changé grand-chose sur le plan environnemental. » Le comité a lancé une pétition en mars dernier pour que l’Université retire ces investissements du Fonds de dotation ainsi que du RRUM.
Christoph prend également l’exemple de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui a été l’un des premiers investisseurs institutionnels au Canada à se conformer aux PRI. Or, dans son portefeuille d’actions, la Caisse détenait encore des actifs fossiles évalués à 8,4 milliards de dollars à la fin de la dernière année financière, selon les calculs établis par l’organisme Recycle ta Caisse. « [Ce calcul a été fait] à partir d’une liste des 200 compagnies ayant les plus grandes réserves carbonnes établies par l’organisation non gouvernementale 350.org », explique le membre fondateur de Recycle ta Caisse, Sébastien Collard. Ce dernier a ensuite épluché tous les investissements de la CDPQ indiqués dans le rapport annuel de celle-ci pour calculer le total des placements qui ont été faits dans ces entreprises et dans d’autres du même secteur.
« Les PRI, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas investir dans les énergies fossiles, on ne prend pas cette position, affirme M. Filteau. Ce n’est pas nous qui décidons, ce sont les courtiers, car la nouvelle politique ne prévoit aucun désinvestissement. » Selon lui, il n’y pas assez d’options viables en opposition aux énergies fossiles pour que l’UdeM change de position dans ce secteur. « La planète fonctionne à 75 % sur le chauffage et à 95 % sur le transport avec les énergies fossiles, ajoute-t-il. Et dans notre portefeuille, les énergies fossiles ne sont pas des gros pourcentages. » L’UdeM a investi près de 13 millions de dollars dans les énergies fossiles l’année passée, soit 4,3 % de son Fonds de dotation, selon les chiffres calculés par ICI Radio-Canada et obtenus par Quartier Libre.
« Il existe plusieurs stratégies d’engagement actionnarial, à savoir le dialogue avec les entreprises, le dépôt de propositions et le droit de vote », précise la spécialiste en investissement responsable et associée au cabinet de conseil en développement durable Ellio, Brenda Plant. Or l’UdeM ne s’engage pas dans le dépôt de propositions. « Les résolutions votées seront proposées par d’autres actionnaires, donc le Fonds de dotation de l’UdeM ne sera pas initiateur de nouvelles solutions », poursuit-elle. Cela limite énormément l’incidence qu’il pourrait avoir et rend la politique peu contraignante, selon Mme Plant.
Si la politique d’investissement responsable ne change rien en termes d’actions dans les énergies fossiles, M. Filteau estime que les actionnaires pourront toutefois inciter les entreprises à de meilleurs comportements. « Nous resterons à l’affût des énergies vertes qui existent au Québec et pousseront la recherche universitaire dans le sens des énergies renouvelables », indique-t-il. Néanmoins, aucun quota ni critère spécifique ne sera demandé aux entreprises.
Brenda Plant rappelle que des outils sont également disponibles auprès des actionnaires pour amorcer des changements dans les entreprises chez qui l’UdeM investit. « Des organismes au Québec dialoguent avec les entreprises, mentionne-t-elle. Le Fonds pourrait payer ces groupes pour qu’ils aident les compagnies à s’engager. »
Le rapport de suivi de la Politique en matière d’investissement responsable qui devra être rédigé annuellement peut représenter un certain gage de transparence, selon Christoph. Un rapport annuel sur l’exercice des droits de vote doit aussi être produit. C’est également l’avis de Brenda Plant, qui croit que le comité devra nécessairement rendre compte de son respect de la nouvelle politique.
« Nous croyons que c’est un pas dans la bonne direction », estime de son côté la secrétaire générale de la FAÉCUM, Andréanne St-Gelais. Selon elle, il reste toutefois du chemin à faire.