Campus

Recteur et engagé

Quartier Libre : Vous considérez-vous comme un militant ?

Guy Breton : Oui, je pense que j’ai toujours milité pour des causes qui me sont chères. Actuellement, je milite pour l’Université, ou plutôt pour le système universitaire en général. Ça me fait sourire, parce que ce n’est pas le descriptif qui me vient à l’esprit d’emblée, mais oui, moi je milite pour l’avancement du savoir.

Q.L. : De quand date votre engagement ?

G.B. : Avant, j’étais médecin et j’étais à la Faculté de médecine. J’ai milité pour l’avancement du savoir, pour de nouvelles technologies, de nouvelles façons de soigner, moins invasives, plus efficaces, moins douloureuses, moins dangereuses. Il y avait un effort à faire pour comprendre, maîtriser, documenter et influencer les autres. Toute ma vie, j’ai fait du militantisme d’une façon ou d’une autre.

Q.L. : La fonction de recteur est-elle compatible avec le militantisme ?

G.B. : Je pense que la fonction de recteur impose une certaine réserve. Je ne peux pas prendre des positions qui ne seraient pas l’opinion de la vaste majorité. Le rôle d’un recteur est à la fois d’être un leader d’opinion, mais aussi un porte-parole sur des sujets nouveaux ou des sujets en évolution. Mais aussi d’écouter, d’échanger avec les différents acteurs et de trouver en fin de compte une position qui reflète l’opinion du plus grand nombre, et en être le porte-parole. Être recteur, ça veut aussi dire avoir de la résilience et être plus ambitieux qu’impatient.

Q.L. : Est-ce que c’est efficace ?

G.B. : Selon les sujets, oui. Sur la francophonie, j’ai insisté depuis que je suis recteur pour dire que c’est dans notre ADN d’être une université francophone, et moi j’en suis fier. On a créé un bureau de la francophonie, et maintenant, il y a des retombées positives. La semaine dernière, il y avait la finale du concours Délie ta langue, par exemple. Ce ne serait pas arrivé si je n’avais pas pris position, si je n’avais pas lancé une consultation, puis mis de l’avant la francophonie, et été un leader d’opinion là-dessus.

Un exemple qui, lui, fonctionne moins bien, ce serait le financement des universités. Le budget provincial, je pense, comme université, nous laisse sur notre appétit. On n’a pas eu de mauvaises nouvelles, mais je me serais attendu à de meilleures nouvelles que celles que nous avons eues.

Lorsque je constate que mon collègue [Santa Jeremy Ono] de Vancouver à l’UBC (Université de la Colombie-Britannique) a 5 000 $ de plus par étudiant et par année à dépenser que moi, ça me chagrine. Et ça m’énerve de voir que nos décideurs publics sont indifférents à cela. Ce n’est pas vrai que nos professeurs, que nos chargés de cours, que les étudiants peuvent arriver au même résultat avec 5 000 $ de moins par année par étudiant.

Q.L. : Comment cela s’explique-t-il, selon vous ?

G.B. : Je pense que c’est en bonne partie le fait qu’on est tenus pour acquis, qu’on s’en contente, qu’on est moins ambitieux et qu’on n’a pas réussi à faire en sorte que l’enseignement universitaire soit une source de fierté. Par exemple, si vous allez à Boston et que vous allez dans un dépanneur, il y a de fortes chances pour que l’employé porte un gilet Harvard, ou pareil si vous allez dans le Quartier latin à Paris, avec des gilets de La Sorbonne. Ce sentiment de fierté là, il n’existe pas au Québec. Alors je pense qu’il faut le construire.

Avoir des établissements universitaires de qualité, c’est garant d’une société qui est meilleure et d’un bien-être pour tous. Ce n’est pas juste accessoire, ce n’est pas juste pour faire plaisir aux professeurs, ou pour les intellos, c’est pour toute la société.

Q.L. : Votre opinion est-elle partagée par d’autres universités québécoises ?

G.B. : Je ne peux pas parler en leur nom, mais je vous dirais que toutes les universités québécoises souffrent d’un sous-financement. Disons que le courage de l’opinion ne semble pas être aussi répandu chez mes collègues que chez moi.

Q.L. : Êtes-vous satisfait de vos neuf années en tant que recteur ?

G.B. : En toute humilité, je pense que oui. Je pense qu’on a fait avancer l’Université. Dans un peu plus d’un an et demi, j’aurai terminé mon mandat. Ce que je vais faire après ? Je ne le sais pas encore, mais il y a fort à parier que je ne serai pas muet.

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