Par Marianne Castelan et Édouard Ampuy
«Je ne trouve pas les évaluations efficaces, assène l’étudiante au certificat en relations industrielles Carolane Perreault. J’ai l’impression que les évaluations ne servent pas à grand-chose, puisqu’elles ne semblent pas être lues par la Faculté. » L’étudiante précise ne pas répondre systématiquement aux évaluations de cours.
Elle ajoute se concentrer sur les cours qu’elle a vraiment appréciés, et ceux qu’elle n’a pas aimés. « Ceux pour lesquels je suis neutre, je ne perds pas mon temps à les remplir, ajoute Carolane. Pour moi, les évaluations me servent de défouloir contre certains profs dont l’enseignement n’était pas à la hauteur. » Carolane souligne que lors de ses études à l’Université de Sherbrooke, elle remplissait systématiquement les évaluations de cours, car le fait de ne pas les remplir retardait de deux semaines l’accès aux notes finales.
L’étudiante au certificat en santé mentale Jessica Thiffault doute de l’efficacité des évaluations de cours. Pourtant, elle les remplit à chaque fois. « Je ne pense pas qu’elles servent vraiment en réalité, indique-t-elle. Je vais continuer à les faire, et qui sait… Je me trompe peut-être, mais je n’ai pas vu d’amélioration. »
Des professeurs mitigés
Le professeur titulaire au Département de physique de l’UdeM Normand Mousseau l’assure, l’appréciation est prise très au sérieux. Elle joue un rôle dans l’évolution professionnelle des professeurs. « À toutes les étapes de promotion, qu’on passe de professeur permanent à agrégé ou à titulaire, l’évaluation est importante, surtout dans les comités d’évaluation des professeurs », insiste-t-il.
Pour M. Mousseau, les étudiants ont une légitimité à évaluer les cours. « Ils sont dans le cours pendant 45 heures et ont quand même une vision pour juger de ce qu’il s’y passe », précise-t-il. Le professeur soutient qu’il lit avec intérêt les commentaires et qu’il les considère souvent comme un critère plus pertinent que les notes pour l’appréciation du cours.
Cet aspect positif peut rapidement tourner à l’abus, selon le professeur titulaire au Département de didactique de l’UdeM Philippe Richard, qui indique que les commentaires ne sont pas modérés. « On a beaucoup d’étudiants qui, à cause de faiblesses, reportent leurs problèmes du côté du professeur, déclare-t-il. Il y a des attaques personnelles et même blessantes que l’on retrouve directement dans les appréciations. »
Un outil efficace ?
Pour M. Richard, les appréciations étudiantes sont mal construites. « On essaye de faire croire qu’il y a quelque chose de scientifique dans quelque chose qui est purement administratif », estime-t-il. Le professeur souligne qu’il est nécessaire d’avoir un outil qui fasse preuve de souplesse, qui s’adapte à la taille de la classe, au type de programme ou à la particularité de certaines formes d’enseignement.
Il rappelle qu’une université n’est pas une entreprise privée, et que les professeurs ne doivent pas être traités comme des employés, tout comme les étudiants ne doivent pas être vus comme des clients.
M. Richard indique que les avis des étudiants sont importants, mais dénonce la forme actuelle des appréciations. « La première question parle du plan de cours, je n’ai jamais eu la note maximale et je n’ai jamais compris pourquoi, illustre-t-il. C’est comme si j’étais taré dans ma façon de présenter le plan de cours. » Pour M. Richard, le principal problème du formulaire actuel est son universalité.
Évaluations encadrées
« Une erreur qu’on fait souvent, c’est de parler de l’évaluation de l’enseignement comme d’une chose homogène, explique le secrétaire général de la FAÉCUM, Matis Allali. Ce n’est pas vrai. » Il précise qu’à l’UdeM, les évaluations sont encadrées par un comité qui vérifie la pertinence du contenu des questionnaires des différents départements et facultés.
« À l’UdeM, il y a un comité permanent, qui évalue de façon récurrente l’ensemble des questionnaires pour l’ensemble des catégories de cours, et c’est cette évaluation récurrente qui garantit la qualité des questions qui sont posées », explique le coordonnateur aux affaires académiques de premier cycle, Antoine Bertrand-Huneault. Il précise que la FAÉCUM possède deux sièges au comité, occupés par les coordonnateurs aux affaires académiques de premier et de deuxième cycles.
Donner son avis
« On pense que les étudiants ont une position privilégiée pour donner leur avis sur le cours qui est donné, précise Matis. Ça vient jouer sur la confiance qu’on a dans les profs, la confiance qu’on a dans les cours, et la confiance qu’on peut améliorer les choses, autant pour nos cours que pour les cohortes qui s’en viennent. » Le secrétaire général ajoute que si les évaluations d’enseignement sont efficaces, elles ne doivent pas être utilisées comme seules sources d’appréciation des qualités d’un professeur.
> Quand les étudiants notent des étudiants
À l’UdeM, les auxiliaires d’enseignement, qui sont souvent des étudiants inscrits à temps plein3, ne sont pas systématiquement évalués par leurs étudiants. Parmi les tâches qui leur sont confiées se trouvent la prestation d’enseignement, la correction d’examens ou encore l’encadrement de travaux pratiques. Cela dépend du département dans lequel ils enseignent. Lorsqu’elles ont lieu, ces évaluations peuvent se dérouler de manières différentes. « Pour certains, c’est très uniforme, c’est dans Omnivox, au même titre que les évaluations des professeurs, détaille le coordonnateur aux affaires académiques de premier cycle, Antoine Bertrand-Huneault. Il ajoute que dans d’autres cas, il peut s’agir de questionnaires papier, distribués dans les salles de classe.
« Cela peut toujours aider d’avoir un retour sur notre travail, explique l’étudiante à la maîtrise en communication et auxiliaire d’enseignement depuis septembre 2017 Solène Doutrelant. Ça permet aussi de se remettre en question, de mieux gérer pour les prochaines fois. Personnellement, je vois beaucoup de positif dans les évaluations. »
Pour Solène, les auxiliaires d’enseignement devraient être évalués, mais pas dans toutes les situations. « Parfois, je suis auxiliaire, mais je ne fais que corriger les copies, explique-t-elle. J’ai peu, voire aucune interaction avec les étudiants et étudiantes. » Dans ce cas-ci, l’étudiante ne voit pas la pertinence d’une quelconque évaluation par les étudiants, au contraire de ses activités d’enseignement.
Solène ne craint pas le point de vue des étudiants qui répondent aux évaluations. « Je pense que si l’on est à l’université, on est capable de prendre la critique de manière constructive et de laisser de côté les commentaires juste biaisés, positivement ou négativement, détaille-t-elle. Et même si la personne est biaisée, cela renseigne sur comment on est perçu. »
Matis explique que la FAÉCUM conseille aux associations étudiantes d’être prudentes lorsqu’il s’agit de ce type d’évaluation. « Il ne faudrait pas pénaliser les étudiantes et les étudiants qui essayent de travailler, en leur faisant perdre leur travail étudiant en donnant de mauvaises évaluations, précise-t-il. Ça doit être utilisé pour améliorer le travail de la personne qui est auxiliaire, et pas pour la sanctionner. »