Prévenir les violences sexuelles

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Par Evens Mensah
mercredi 1 novembre 2017
Prévenir les  violences sexuelles
Illustration : Jèsybèle Cyr
Illustration : Jèsybèle Cyr
Une enquête dévoilée en octobre dernier par la campagne étudiante Notre Tour, affiliée à l’Université Carleton, a évalué 14 universités canadiennes anglophones sur leur façon d’aborder la prévention des violences sexuelles. Quelle est la situation à l’UdeM ?
Lorsqu’une violence sexuelle a lieu, il s’agit en fait d’une personne tentant de prendre l’ascendant sur une autre.
Angelo Dos Santos Soares, Professeur au Département d’organisation et ressources humaines à l’UQAM

Au terme de ses recherches, Notre Tour a accordé les notes respectives de C- et D- aux universités québécoises ciblées, soit McGill et Concordia. Cette dernière se situe d’ailleurs au dernier rang parmi les établissements évalués. L’enquête a pris en compte différents critères tels que la prise de décisions, le processus de plainte et la prévention.

Avec l’avènement des mots-clics comme #MoiAussi ou #BalanceTonPorc dénonçant les violences sexuelles ces dernières semaines, un mouvement collectif est en train de prendre forme sur les réseaux sociaux. La co-porte-parole de L’Intersection, une des associations féministes de l’UdeM, et étudiante à la maîtrise en science politique à l’UdeM, Hanna Krabchi, souligne que cette effervescence sur les réseaux sociaux peut créer des effets positifs. « Elle permet aux victimes de s’exprimer d’une part, mais d’autre part d’être écoutées », déclare-t-elle. 

Cependant, elle précise qu’il faudrait que cette zone de confort transcende le virtuel et atteigne le campus. L’Intersection s’est donnée pour objectif d’écouter et de soutenir les victimes de violences sexuelles. « Il est important d’instaurer sur le campus une culture de l’écoute, explique Hanna. C’est pourquoi nous voulons dire aux victimes que nous sommes là et que nous les croyons. »

« Nous trouvons que l’initiative de Notre Tour est excellente, soutient l’étudiant au baccalauréat en physiothérapie et coordonnateur à L’Intersection, Carl-Vincent Boucher. Nous sommes convaincus que l’UdeM obtiendrait une bien mauvaise cote, elle l’a échappé belle ». Il insiste sur le fait que cela devrait leur servir d’occasion pour rattraper le retard pris sur les autres universités montréalaises.

Une collaboration avec l’Université

L’action de l’Intersection va dans le même sens que celle du Bureau d’intervention en matière de harcèlement (BIMH). Cet organisme affilié à l’UdeM est chargé de prévenir et d’intervenir lors de situations impliquant de la violence sexuelle. « L’UdeM a souvent été citée en exemple pour son BIMH, certifie la porte-parole de l’Université, Geneviève O’Meara. Les victimes peuvent s’y adresser et obtenir de l’aide, de l’écoute, un accompagnement dans le processus de plainte. Le tout reste confidentiel. »

L’Intersection a une vision plus nuancée sur cet organisme. « Les structures mises en place par l’UdeM sont d’une efficacité limitée, regrette Carl-Vincent. On se demande à quel point le BIMH est outillé en matière de personnel et de ressources budgétaires pour couvrir toutes formes de harcèlement. »

L’Organisation mondiale de la santé considère comme violence sexuelle toute action à caractère sexuel impliquant une personne non consentante. Par conséquent, le concept recouvre autant la violence de nature psychologique que celle de nature physique. Le professeur au Département d’organisation et ressources humaines à l’UQAM Angelo Dos Santos Soares critique le manque de sensibilisation auprès des étudiants sur cet aspect. « Il n’y a pas assez d’information sur le harcèlement sexuel, regrette-t-il. Ce type de préventions devrait se faire à tous les niveaux, dès l’enfance. »

Mme O’Meara affirme que l’UdeM a fait ses devoirs à ce chapitre. « Plusieurs initiatives ont été mises en place dans les dernières années pour contrer les violences à caractère sexuel, soutient-elle. Je pense à la campagne Sans oui, c’est non !, qui est une initiative conjointe de la direction de l’UdeM et de la FAÉCUM. Cette campagne est d’ailleurs devenue nationale depuis. »

S’il n’existe pas de profil type de victime, il en va de même pour les agresseurs. Dans bien des cas, les victimes connaissent leurs persécuteurs. « Le problème du harcèlement sexuel se manifeste dans tous les secteurs, dans tout type d’organisme, renchérit M. Dos Santos Soares. Il concerne tout le monde, les professeurs comme les élèves. »

Une tentative de domination

Selon le professeur, les violences sexuelles ont un rapport étroit avec la question du pouvoir. « Lorsqu’une violence sexuelle a lieu, il s’agit en fait d’une personne tentant de prendre l’ascendant sur une autre. » En contraignant la victime à subir des atteintes d’ordre sexuel, l’assaillant tenterait alors d’asseoir sa domination.

Par ailleurs, M. Dos Santos Soares indique que certaines personnes n’hésitent pas à abuser d’une position de pouvoir préétablie dans le but de harceler ou d’agresser sexuellement. « Là où il y a du pouvoir, il peut y avoir des violences sexuelles », affirme-t-il. Le professeur confirme également que les universités sont propices à ce type de débordements à cause du rapport entre professeurs et étudiants qui instaure d’emblée une dynamique d’autorité.


PARTENARIAT

L’UQAM et le Centre d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles (CALACS) Trêve pour Elles ont annoncé le 30 octobre dernier avoir trouvé une entente pour offrir des infrastructures exclusives au étudiants de l’Université. Le CALACS développera des ateliers de sensibilisation et des services de soutien (écoute téléphonique, rencontre individuelle, groupe de soutien). Une intervenante externe spécialisée, rattachée à Trêve pour Elles, sera également présente sur le campus.