«Tu te sens comme un animal », lance l’étudiant au baccalauréat en droit à l’UdeM et cofondateur de VoxPluma Jorge Alejandro Torres Gomez. Celui-ci s’est rendu en étude clinique deux nuits pour tester un dérivé du viagra. Il y a subi des prises de sang toutes les 30 minutes jusqu’à en avoir les deux bras rougis. « À l’intérieur, c’était surréaliste, c’est comme une sorte de prison, commente Jorge. Les lits sont vraiment inconfortables, les horaires très fixes où ils peuvent te réveiller à 6 heures pour des prises de sang, on t’appelle par ton numéro plutôt que ton nom, la nourriture n’est pas bonne, ce n’est pas agréable. » Il a tout de même participé à des études cliniques à trois occasions.
Lors de sa deuxième participation à une étude, Jorge Alejandro raconte aussi avoir subi des symptômes d’effets secondaires. « J’ai eu de la nausée, des maux de tête, je ne me sentais pas très bien, raconte-t-il. Ça a duré une journée. » Les effets se sont estompés par la suite, avec un peu de repos.
Risques et précautions
« En règle générale, les études précliniques sur l’animal permettent de déterminer les doses qui ne devraient pas produire de la toxicité ou des effets indésirables chez l’humain », indique le professeur émérite au Département de pharmacologie à l’UdeM Patrick du Souich. Selon lui, des complications peuvent toutefois survenir en de rares occasions lors d’un manque de rigueur ou d’attention des chercheurs aux détails. Le professeur explique aussi que certains pourraient avoir des conflits d’intérêts qu’ils ne déclarent pas, omettant certaines informations dans leur rapport, pour ne pas nuire au développement du médicament. M. Du Souich souligne toutefois que le gouvernement ne permettrait pas la tenue de telles études si elles étaient vraiment dangereuses.
« Pour les médicaments en développement avec lesquels on a moins d’expériences, il peut y avoir des effets secondaires inattendus qui n’ont pas été identifiés parce qu’il n’y a pas eu suffisamment d’individus qui ont été exposés à ces médicaments », informe le professeur à la Faculté de médecine à l’UdeM François Madore. Il indique que dans des cas extrêmement rares, certaines personnes peuvent avoir un infarctus. Cependant, de nombreux mécanismes existent pour minimiser les risques tels que des prises de sang régulières, des examens cardiaques, ou encore un suivi par un médecin.
Appât du gain
« Pour moi, c’est vraiment une façon de me faire de l’argent facilement, et je suis à l’aise avec ça », expose l’étudiant en complément de formation à l’UdeM, Hugo Mayland, qui a également participé à trois études. Les deux étudiants s’entendent pour affirmer que leur principale motivation à participer à ces études est d’ordre financier. Ils ont chacun été rémunérés à hauteur d’environ 1 500 $ pour chaque étude. La durée de l’expérience, la nécessité d’un suivi, le type de médicaments ou encore les conditions particulières demandées sont autant de facteurs qui peuvent influencer la rémunération.
Jorge Alejandro recommande toutefois de faire attention au médicament utilisé lors de l’étude. « Tu es prévenu du médicament testé et des risques, mais je ne toucherais à rien qui puisse affecter le système nerveux », s’exclame-t-il.
Nécessaire pour la recherche
Ces études cliniques sont toutefois essentielles à la recherche médicale selon François Madore, puisque plusieurs phases sont nécessaires avant de commercialiser un médicament. La première étudie les effets chez des volontaires sains, puis sur des petits groupes de volontaires malades, et enfin auprès d’un plus grand nombre de patients. « C’est probablement le meilleur outil qu’on a actuellement pour développer de nouveaux médicaments, affirme-t-il. Ce n’est peut-être pas l’outil parfait : c’est un processus très coûteux et il y a effectivement des risques, même s’ils sont minimisés le plus possible, mais ça demeure la meilleure façon de faire. »
De son côté, Hugo a testé un médicament pour guérir la maladie de Crohn puis un autre qui traite la haute pression, et n’a jamais eu de problèmes. « Je peux tout à fait comprendre qu’une personne ait vécu ce sentiment d’être en prison, mais ils ne te forcent pas à y rester, indique-t-il. Il y a le Wi-Fi et tu peux amener des notes de cours ou même un portable pour écouter des films et de la musique. » Pour chaque étude, l’étudiant est resté deux fins de semaine complètes en clinique. S’il admet que cela peut être une expérience chronophage et ennuyante, l’étudiant se montre tout de même ouvert à l’idée d’y retourner un jour.