Pour le cocommissaire de l’exposition et doctorant en histoire de l’art Daniel Fiset, le projet Faire place est né d’un intérêt pour l’enseignement des arts plastiques au sein des établissements universitaires québécois. « Il y a un certain récit qui a été construit, qui inclut la transition de l’École des Beaux-arts de Montréal à la naissance de l’UQAM, mais auquel l’UdeM, qui avait un programme en arts plastiques, n’était pas nécessairement incluse », expliquetil.
Bien que le volet arts plastiques du Département d’histoire de l’art de l’UdeM ait existé de 1975 à 2002, l’exposition ne se limite pas à ces seules années. Les commissaires souhaitent également traiter de l’histoire de l’ancien pavillon situé au 265, avenue du Mont-Royal Ouest, autrefois le Young Men’s Hebrew Association (YMHA). « On pourrait dire que tout ce qui s’est passé autour du rezonage et de la conversion de ce bâtiment public en immeuble à condos fait partie de la réflexion critique de l’exposition, donc que ça va jusqu’à aujourd’hui », souligne Daniel.
Reliques d’une autre époque
Pendant le quart de siècle d’existence du programme d’arts, celui-ci a accueilli plusieurs artistes dont les œuvres ont parcouru le monde, comme la photographe Ève Cadieux, le sculpteur Jacek Jarnuskiewicz ou encore l’artiste multidisciplinaire Rober Racine. « Ce qu’on voit, c’est surtout l’influence que les arts à l’UdeM ont eu sur les étudiants et sur la manière dont leur œuvre a rayonné, remarque la cocommissaire de l’exposition et doctorante en histoire de l’art Flavie Boucher. C’est sûr que les 27 ans du programme, ça fait une petite période quand on pense à l’influence que ces artistes ont de nos jours. »
Aujourd’hui, il ne reste que deux cours de sigle ARP (Arts plastiques) dans l’offre complète de l’UdeM. Ils sont donnés par le professeur titulaire Peter Krausz, l’un des trois à avoir obtenu un poste à ce département, avec le regretté Pierre Granche [voir encadré] et Serge Tousignant, qui a pris sa retraite lors de la fermeture du programme. « Au départ, il s’agissait de cours d’appoint pour les étudiants en histoire de l’art, et c’est redevenu ça », ironise M. Krausz.
Quoique plusieurs éléments aient mené à la suspension des programmes en arts plastiques, le professeur avance que la fermeture du pavillon 265, Mont-Royal Ouest a eu une incidence significative sur l’opération. Le bâtiment était alors adapté aux cours d’arts plastiques. Il comprenait notamment un laboratoire de vidéo, des chambres noires pour le développement de photos et de grandes salles pour le dessin avec modèles. « Ce n’est pas facile d’avoir un studio d’art, affirme le professeur. Il faut avoir de la bonne ventilation, des lavabos pour laver le matériel. On a pensé à partager la salle au sous-sol du pavillon Lionel-Groulx avec le programme de cinéma, mais ça aurait pu causer des problèmes. Ça prendrait un investissement. » Aujourd’hui, les cours de dessin offerts aux étudiants sont donnés au local 3130 du pavillon de la Faculté de l’aménagement.
L’art étudiant par leurs collègues
En plus de proposer un regard historique sur les pratiques des arts à l’UdeM, l’exposition permet à ses organisateurs d’ajouter un volet pratique à leurs apprentissages. « On réalise que souvent, ce qu’il manque dans le cadre de nos études en histoire de l’art, c’est une manière de lier la pratique à la théorie », avoue Flavie.
Son collègue commissaire est du même avis. « Quand on observe des universités comme l’UQAM ou Concordia, il y a pour les étudiants en histoire de l’art ou en théorie de l’art des occasions de collaborer avec les étudiants en pratique des arts qui ont été mises en place depuis longtemps et qui perdurent », ajoute Daniel. Les deux doctorants remarquent cependant une ouverture certaine de la part du Centre d’exposition de l’UdeM pour leur initiative.
Du corpus riche des anciens étudiants des programmes d’arts plastiques de l’UdeM, le public ne pourra voir qu’une fraction. « La sélection a été difficile parce qu’il y a beaucoup de pratiques dont on n’a pas pu rendre compte à cause de la taille de l’espace qui nous est alloué », rapporte Daniel. Si une suite à ce projet n’a pas encore été envisagée, les commissaires sont curieux de voir les retombées que leur initiative aura suscitées auprès de leurs collègues.