Deux sauveteuses auraient invoqué l’existence d’un règlement sur le port obligatoire du haut de bikini pour les petites filles de plus de deux ans pour expulser une mère de famille de la piscine d’Outremont. Celle-ci refusait de faire porter à sa fille de trois ans un haut de bikini. Interrogée sur le sujet, la mairesse d’Outremont, Marie Cinq-Mars, fait valoir qu’elle n’avait pas connaissance d’un règlement imposant des contraintes vestimentaires aux enfants.
Outre l’altercation musclée rapportée par plusieurs dispositifs de presse, et en excluant toute question sur le caractère sexiste d’un tel règlement, l’affaire fait ressortir une question plus large sur la protection des mineurs. En effet, les sauveteuses ont prétexté appliquer un tel règlement pour éviter d’attirer le regard des pédophiles.
Les pouvoirs publics ont pour mission de sensibiliser leurs citoyens. Aussi est-il important pour les parents de comprendre que même s’il n’y a rien de mal à ce qu’une fillette ne porte pas de haut de bikini, cela peut attirer le regard de certaines personnes qui présentent des déviances. « Pour une personne qui a une déviance sexuelle, cette partie du corps représente des seins, une partie excitante, a énoncé le sexologue Mario Larivée-Côté au Journal de Montréal. Il sera plus excité par une fillette à moitié nue que le contraire. »
Une question de société : la protection des mineurs
Pourtant, le règlement des piscines de la ville de Montréal prévoit simplement que chaque enfant de moins de sept ans doit être accompagné d’un « accompagnateur [qui] assume l’entière responsabilité des enfants qu’il accompagne », et impose à toute personne qui se rend dans une piscine publique le respect de la tenue imposée, soit la tenue qui « observe les règles de bonnes mœurs ». Aussi, ce respect apparaît légitime à partir de l’âge de sept ans, âge pour lequel il n’est plus nécessaire pour un enfant de venir avec un accompagnateur. Cette formule relativement vague des « règles de bonnes mœurs » désigne une tenue communément admise comme étant celle qui couvre les parties intimes des individus.
Il existe donc un vide juridique dans ce règlement, qui ne fait aucunement écho à un quelconque devoir de protection des mineurs. La question se pose ainsi de savoir si la mise à disposition d’infrastructures par la ville implique de cette dernière ce devoir de protection des mineurs.
Si cette sensibilisation doit être faite, il s’agit aussi de savoir si elle doit être imposée par un règlement spécifique de la piscine. Et si oui, à partir de quel âge celui-ci doit être imposé.
Néanmoins, un tel règlement engendre la stigmatisation d’un comportement et risque d’avoir un impact sur l’image renvoyée aux parents ne le respectant pas.
Le flou entourant la notion de « règles de bonne mœurs » donne actuellement aux sauveteurs une marge de manœuvre dans la gestion de l’espace de baignade dont ils sont responsables, ce qui peut poser des difficultés quand les règles ne sont pas définies et que les conceptions divergent. Cette question de l’appréciation avait déjà fait débat plus tôt dans l’été quand la question de l’allaitement dans une piscine publique s’était posée.