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Pauvres postdoctorants !

Le milieu de la recherche universitaire est pantois : les bourses postdoctorales seront maintenant taxées et les postdoctorants désormais imposés comme tous les travailleurs. Cette mesure, qui a été annoncée dans le budget fédéral, le 4 mars dernier, ne plaît pas à tous.

De 2006 jusqu’en mars dernier, les bourses fédérales des postdoctorants n’étaient pas soumises à l’impôt fédéral, au même titre que les bourses accordées au baccalauréat, à la maîtrise et au doctorat. Selon l’Association canadienne des postdoctorants (CAPS), la mesure annoncée réduira de 10 % le revenu des postdoctorants, qui oscille en moyenne entre 36000 $ et 38000 $ par année. Le gouvernement fédéral percevra cet impôt dès cette année, ce qui crée un trou important dans le budget personnel d’un chercheur qui n’avait pas vu venir cet imprévu.

Au Québec, ce débat implique directement 1 800 chercheurs concentrés à l’Université McGill, l’Université Laval et l’Université de Montréal. Au-delà de la fiscalisation des bourses, c’est le statut même des postdoctorants qui est au coeur de la polémique. Dans le milieu, on s’accorde pour dire qu’il s’agit d’un docteur qui poursuit une recherche ne menant pas à l’obtention d’un grade. Mais encore : le postdoctorant est-il un étudiant, un stagiaire ou un travailleur ?

Étudiant, travailleur ou stagiaire ?

Selon Louis-Philippe Savoie, le président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), il ne fait pas de doute qu’un postdoctorant est un étudiant et qu’il doit obtenir les « avantages » qui accompagnent ce statut. Du côté du gouvernement fédéral, dans une lettre adressée à la CAPS, le ministre des Finances soutient que les «stagiaires postdoctorants peuvent être comparés à nombre d’autres professionnels, tels que les avocats, les médecins résidents et les comptables, qui ont une période de stage rémunéré au début de leur carrière». C’est cette comparaison qui aurait servi de motivation à la mesure fiscale.

Pour la FAECUM, il s’agit d’une analogie boiteuse : «C’est très différent, ces professionnels vont dans le privé dans leurs premières années», affirme Delphine Bouilly, coordonnatrice aux affaires académiques de cycles supérieurs de la Fédération. Quant aux postdoctorants, « on parle de gens qui sont encore dans le circuit universitaire », ajoute-t-elle. Ils ne reçoivent pas à proprement parlé un salaire, mais bien des bourses.

Au sein de l’Association canadienne pour les études supérieures, regroupement de divers acteurs qui promeuvent les études supérieures et la recherche, la question n’est pas résolue. «Nos membres sont divisés», affirme Jean- Pierre Gaboury, directeur général de l’organisation. Il explique que le traitement des postdoctorants à travers le Canada est éclaté. Plusieurs provinces imposent leurs postdoctorants ; d’autres non, comme le Québec.

Dans certaines universités, les postdoctorants sont considérés comme des «employés, avec les avantages sociaux qui vont avec»; d’autres fois, on les considère comme des stagiaires. Dans ce dernier cas, les chercheurs ont des contrats à durée limitée et n’ont droit ni à l’assurance-emploi, ni à un fonds de retraite. L’Association n’a pas pris position face à la décision du gouvernement fédéral, mais demande à ce que le statut des postdoctorants soit uniformisé partout au pays.

Les conséquences

Selon la FEUQ, un tel changement causerait la perte de postdoctorants. Pour Mme Bouilly, le tout ne se conjugue plus au conditionnel : «Le problème, c’est que ça se dirige pour rester comme ça, malgré les appels des groupes [pour faire changer la mesure]. » Le fameux «exode des cerveaux» présent sur toutes les lèvres lorsqu’il est question du financement des universités laisse encore ici planer son spectre.

Le gouvernement fédéral ne voit pas les choses de la même manière. Refusant toute entrevue, il n’a daigné répondre aux questions du Quartier Libre que par courriel. Le gouvernement a rappelé qu’il avait accordé 45 millions de dollars supplémentaires aux conseils subventionnaires à la recherche dans son dernier budget, somme dont les postdoctorants vont en partie bénéficier. Une autre façon d’enrichir le sens de l’expression : Donne d’une main pour mieux reprendre de l’autre.

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