Campus

plusieurs conflits d’intérêts sont

«Pas de chasse aux sorcières »

Les employés de l’UdeM devaient remplir leur déclaration annuelle de conflits d’intérêts avant le 4 avril dernier. Cette mesure est une exigence des organismes subventionnaires qui financent de nombreuses recherches. Toutefois, il n’est pas question de sanctionner le personnel de l’Université qui se trouve en situation ou en apparence de conflit d’intérêts.

«Les risques sont présents, il ne faut pas se fermer les yeux», juge la vice-rectrice aux ressources humaines et à la planification, Anne-Marie Boisvert. Si les conflits d’intérêts sont inévitables sur le campus, selon elle, l’important est de les gérer pour en diminuer les conséquences.

Tous les employés sont visés par le formulaire, mais aussi tous les étudiants de 2e et 3e cycle qui suivent un programme de recherche et tous ceux de 1er cycle qui sont auxiliaire de recherche.

La vice-rectrice juge qu’il y a actuellement une certaine incompréhension de ce sujet. «À une époque où on parle beaucoup de corruption, il y a une confusion entre un conflit d’intérêts et des choses qui sont carrément de la fraude, croit-elle. Beaucoup de gens croyaient qu’en voulant réguler les conflits d’intérêts, on allait effectuer une chasse aux sorcières, mais ce n’est pas ça du tout.»

D’ailleurs, aucune sanction ne peut être prise à l’égard d’un employé sur ce motif, il s’agit plutôt de solutions qui sont proposées. «Ce n’est pas coercitif, comme mesure, rappelle le président du comité d’appel en matière de conflit d’intérêts et professeur retraité, Vincent Castellucci. Les situations ne sont pas nécessairement mauvaises.»

Un formulaire contesté

La politique sur les conflits d’intérêts date de 1993. «Elle n’était pas appliquée avec beaucoup d’entrain, remarque Mme Boisvert. Quand je suis arrivée en poste, j’ai découvert des boîtes remplies de déclarations non traitées. J’ai jugé qu’il fallait corriger la situation.». L’UdeM a donc décidé de revoir son application l’an dernier.

C’est à cause des pressions de différents organismes subventionnaires, en particulier ceux du gouvernement, que l’UdeM se voit obligée de resserrer ses mesures. «Ils nous réclament des déclarations de conflits et veulent savoir que l’on a des procédures pour les régler, souligne M. Castellucci. Ce sont des questions d’éthique de la recherche fondamentale.»

Cette année, un nouveau formulaire a été instauré par le vice-rectorat. Toutefois, plusieurs professeurs le juge trop invasif. «Les questions sont beaucoup plus personnelles, condamne le président du syndicat général des professeurs de l’UdeM (SGPUM), Jean Portugais. Certains points relèvent de la vie privée des professeurs et on estime qu’on n’a pas à répondre à cela.»

Le syndicat conteste d’ailleurs le formulaire de l’an dernier en cour puisqu’il n’a pas été négocié avec les employés. M. Portugais a donc conseillé à ses membres de remplir une ancienne version, antérieure à mai 2013. «Ceux qui signent le nouveau devraient être prudents, car ça a beaucoup de conséquences», juge-t-il. De son côté, la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM), n’a pas donné de directive aux étudiants visés par le formulaire.

Une vision décentralisée

Une fois que l’employé ou l’étudiant a rempli sa déclaration de conflit d’intérêts, il la transmet à son unité. Dans le cas des professeurs et des chercheurs, ce sont les départements qui s’occupent de trouver des solutions. Pour les employés, c’est le gestionnaire de leur direction.

Les solutions viennent au cas par cas, assure la vice-rectrice. « Des fois, le simple fait de déclarer est suffisant, car il invite à la vigilance, juge-t-elle. Mais dans certains cas, ce n’est pas satisfaisant.» Elle cite l’exemple d’une étudiante qui est dirigée par son mari au doctorat. « Puisque c’était déjà enclenché, nous nous sommes assurés qu’il y ait un deuxième directeur, justifie Mme Boisvert. C’était aussi pour protéger l’étudiante à qui on aurait pu dire que son diplôme ne valait rien. »

Si la solution est jugée insuffisante ou trop sévère, c’est à ce moment que le comité d’appel intervient. «Si le comité local et l’employé ne sont pas d’accord, nous faisons office d’arbitres», explique M. Castelluci. Pour l’instant, son comité formé l’an dernier n’a pas encore eu à traiter de cas brûlant.

 Des cas concrets

En 2012, la Faculté de médecine a nommé Hugues Cormier, le mari de la doyenne Hélène Boisjoly, à un nouveau poste de vice-doyen associé à la vie étudiante et facultaire. Puisque les statuts de l’UdeM prévoient que les vice-doyens sont nommés à la demande du doyen, cette situation constituerait un conflit d’intérêts au sens de l’article 3.1 i) du règlement sur les conflits d’intérêts de l’Université. « Constituent un conflit d’intérêts un membre du personnel […] qui participe à l’embauche ou à la promotion, à l’Université, d’un membre de sa famille et d’autres personnes avec qui il est lié», peut-on lire dans le document.

Étant donné cette situation délicate, Mme Boisjoly a dû prendre des précautions, surtout au niveau monétaire. «C’est certain que nous avons hésité avant la nomination, relate-t-elle. En tant que doyenne, je dois être un modèle pour le reste de la communauté. C’est pour cela que Dr Cormier n’a pas de compensation financière pour effectuer son travail de vice-doyen associé. »

La doyenne assure ne pas avoir reçu de critiques directes de la part de collègues sur ce sujet. «Lorsque l’on est en poste d’autorité, nous sommes sous observation et c’est sain que la communauté se questionne là-dessus », estime-t-elle.

Au moment de la nomination, le diplômé de la Faculté de médecine Karim Bouayad-Gervais était représentant des étudiants sur le Conseil de la Faculté. Il avoue que l’apparence de conflit d’intérêts n’a pas été soulevée. «Quand les choses arrivent au Conseil, cela a été largement discuté dans les couloirs et dans les sous-comités, dit-il. Tout le monde était au courant de la situation, et je ne pense pas que ça aurait nécessairement été une meilleure démarche de ne pas le nommer.» Le Dr Cormier a d’ailleurs été nommé à l’unanimité.

Afin de ne pas avoir à diriger directement son mari, Mme Boisjoly s’est assurée que le travail de Dr Cormier soit supervisé directement par le vice-doyen aux études de premier cycle. « L’approbation de ses budgets relève du vice-doyen exécutif, plutôt que de moi», précise la doyenne.

Une situation analogue à celle qu’a vécue la vice-rectrice Anne-Marie Boisvert au moment où elle était doyenne de la Faculté de droit. «Mon mari était provost [NDLR: titre donné à un vice-recteur] de l’Université, relate-telle. Lorsque je faisais approuver mes dépenses, ce n’était pas fait par lui. Plusieurs décisions importantes pour la Faculté sont passées par d’autres instances. La solution au conflit d’intérêts n’a pas été le divorce.»

Mme Boisjoly croit que ce type de situation sera de plus en plus fréquent dans la société. «Dans ma faculté, il y a d’autres personnes dans cette situation, explique-t-elle. Le mari d’une vice-doyenne est directeur de département. Il faut être plus vigilant et prendre des dispositions adéquates.» Selon, elle ce code de conduite est essentiel pour assurer le bon fonctionnement de sa faculté.

 

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