Sous la direction du professeur à la Faculté de musique de l’UdeM Nicolas Bernier, les dix étudiants s’approprient pour ce concert un outil électronique, l’oscillateur. Son principe est simple : il émet un courant électrique de forme sinusoïdale qui, branché à une enceinte, produit un son. Seuls deux paramètres sont à la disposition des musiciens. « Nous n’avons ici que deux gros boutons qui règlent la fréquence et le volume, explique Nicolas Bernier. Est-il possible de faire de la musique avec ces deux seules options ? En voilà, un défi ! »
« [La démarche du projet] provient d’un désir presque sadomasochiste de travailler avec des moyens rudimentaires », affirme M. Bernier. Une méthode qui, selon lui, mène rapidement, à l’essence d’un travail et qui rappelle les premières heures de la musique électronique, composée avec de vieux objets. « Il y a un plaisir à créer un geste quelque peu imparfait qui doit dialoguer avec l’imperfection de la communication humaine et musicale collective, relève-t-il. Mais il s’agit également d’un regard, d’une sensibilisation au passé de notre histoire musicale. » Le professeur remarque que ce désir de jouer ensemble n’est plus si fréquent, alors qu’on vit dans un monde où chacun travaille souvent de façon solitaire devant son ordinateur.
Deuxième vie
Datant des années 1960, 1970 et 1980, chacun des oscillateurs utilisés par l’ensemble a déjà une vie derrière lui. « Ils n’ont pas été inventés pour faire de la musique, ce sont des instruments de mesure utilisés dans l’industrie des télécommunications, partage l’étudiant à la maîtrise en composition électroacoustique Kevin Gironnay, qui a créé une pièce spécialement pour l’ensemble. Notre professeur, Nicolas Bernier, les a collectionnés, et ils se retrouvent maintenant dans une salle d’étude. » Quelques-uns présentent des bogues dus à l’usure qui les rendent uniques. « Techniquement, ce sont juste dix fréquences qui jouent ensemble, explique-t-il. Mais, en écrivant la pièce, j’ai cherché à exploiter les bogues de chacun, et c’est ce qui rend cet ensemble inédit et unique. »
C’est ce qui a poussé l’étudiant au baccalauréat en musique Hugo Descourvières à rejoindre le groupe. « C’est une première dans le Département et à Montréal », avance-t-il. Selon lui, le principal défi vient de la composition minimaliste de l’ensemble. « Ce n’est pas polyphonique, il y a juste une voix par instrument », ajoute Hugo. Les étudiants se sont rencontrés une fois par semaine durant la session d’automne afin de répéter, procéder par essais et erreurs, et apporter leur expérience personnelle.
Improvisation guidée
L’écoute et la retenue sont les principales qualités à développer pour chaque musicien, selon M. Bernier. « À dix interprètes avec des parties improvisées, chacun doit rapidement comprendre son rôle dans l’écologie sonore du moment présent, croit-il. Dois-je continuer, poursuivre, arrêter, intensifier, diminuer ou faire une réponse à un autre musicien ? »
Écrire une partition pour ce genre d’ensemble est aussi un exercice un peu particulier. « Avec les oscillateurs, le tempo et la mesure perdent leur intérêt, explique Kevin. Je ne pouvais pas écrire comme un 4/4 ou un 2/4 [NDLR: unités de mesure des partitions musicales].» Le compositeur, qui fait aussi sa recherche de maîtrise sur l’improvisation, utilise alors un logiciel qui lui permet de guider les phases improvisées de la partition. « Je voulais faire en sorte que les musiciens puissent se synchroniser sans qu’un chef d’orchestre ait à faire de grand geste pour donner le signal », raconte-t-il. La salle Claude-Champagne, équipée d’un dispositif de 24 haut-parleurs, permet une immersion électroacoustique exceptionnelle pour un concert sans équivalent ailleurs à Montréal.
Ultrasons – La relève électronique : 10 et 11 janvier 2016
Ultrasons – l’élite électronique : 12 janvier
Salle Claude-Champagne | Entrée libre