Le dictionnaire, l’ouvrage de référence par excellence, est-il voué à devenir un objet de collection comme le vinyle? À l’ère du 2.0 et de l’accessibilité sans bornes à l’information en un clic de souris, le dictionnaire sur support papier semble avoir atteint ses limites. Gros plan sur une entité en pleine redéfinition.
Monique Cormier, directrice du département de linguistique et de traduction de l’UdeM, ne s’en cache pas : elle non plus n’ouvre pas toujours son dictionnaire. «Quand j’ai une recherche rapide à faire, je vais tout de suite sur Google, explique-t-elle. Avec le numérique, l’information est souvent plus à jour que dans les ouvrages papier qui, eux, doivent être réédités.» Elle organise d’ailleurs, le 4 octobre, un colloque international dans le cadre de la 4e Journée québécoise des dictionnaires. Pour la linguiste, la révolution ayant lieu dans le monde des dictionnaires est flagrante. «Nous constatons un changement des habitudes, autant chez les professionnels de la langue que chez les gens en général, dit-elle. En fait, nous ne parlons plus de changement, il s’agit d’une façon totalement différente de travailler.»
L’Office québécois de la langue française (OQLF), qui édite Le grand dictionnaire terminologique, a lui aussi emboîté le pas vers le numérique. «Nous ne rééditerons pas ce dictionnaire en version papier, c’est inutile. Le français, en tant que langue vivante, est en constante évolution, et la banque de données en ligne permet une mise à jour régulière », déclare Martin Bergeron, porte-parole de l’OQLF .
Une industrie en réaction
Les éditeurs de dictionnaires en format papier se sont donc mis au numérique. Les Éditions Druide, l’entreprise derrière le programme informatique Antidote, en est un parfait exemple. «Depuis quelques années déjà, on assiste à un phénomène de fragmentation du marché entre le numérique et le papier», affirme le président et chef de direction des Éditions Druide, Luc Roberge. Il vante notamment la vitesse de recherche que permettent les applications en ligne.
Mais est-ce donc la fin du dictionnaire papier ? «Pour l’instant, non, répond M. Roberge. Le numérique va continuer à progresser, mais le support papier ne disparaîtra jamais. » D’ailleurs, les Éditions Druide ont lancé, il y a quelques semaines, Le Grand Druide des cooccurrences, un dictionnaire tiré directement d’Antidote, preuve qu’une demande pour les ouvrages de référence en reliure existe toujours .
Même projection optimiste de la part de Mme Cormier. «Il existe encore une grande habitude au dictionnaire sous sa forme traditionnelle, le numérique ne chassera pas le livre de sitôt.» Comme le vinyle, M. Roberge pense que le dictionnaire traditionnel restera . «Même si c’est marginal, il y aura toujours des maniaques et des collectionneurs.»
Du papier au numérique : la mutation des dictionnaires
C’est le titre d’un colloque international organisé dans le cadre de la 4e Journée québécoise des dictionnaires. Il a lieu le jeudi 4 octobre à la Grande Bibliothèque de Montréal. Ce colloque réunit des spécialistes de l’édition et de la langue française, dont l’écrivain argentino-canadien Alberto Manguel.