«Notre gouvernement s’engage résolument dans un processus visant à doter le Québec de lieux appropriés pour mener les débats de société sur les universités et les collèges québécois et mettre sur pied des mécanismes indépendants d’assurance qualité […] », a déclaré la ministre Hélène David au moment de lancer les consultations. La mission prioritaire de ce conseil sera de permettre une amélioration du système universitaire en assistant la ministre et en la conseillant par des recherches sur les grands enjeux.
Lors de la réunion de la Table des partenaires universitaires (TPU)*, les parties présentes se sont montrées favorables à l’idée de la création, à certaines conditions. Une liste de huit consensus a été établie en réponse au projet ministériel, intitulée « Pour que la création d’un Conseil des universités du Québec ne tourne pas en histoire d’horreur ».
« Le conseil ne doit pas être un outil du gouvernement, nous souhaitons qu’il ait une identité libre et un fonctionnement indépendant », lance le conseiller à l’exécutif de l’Association pour la voix étudiante au Québec (AVEQ), Isaac Stethem. Ce dernier reproche au document annonçant la création du conseil d’être vague, les contours n’étant pas bien définis. Bien que l’association soit favorable à une telle initiative, qui améliorera la qualité du système universitaire, un autre point les inquiète. « Claude Corbo, ancien recteur de l’UQAM qui dirige cette consultation, était déjà présent pour celle de 2013, qui faisait suite au printemps érable, et ses idées allaient à l’encontre de nos intérêts, note Isaac. On se demande s’il va avoir changé de position. »
Pour le vice-président de l’Union étudiante du Québec (UEQ), Guillaume Raymond, la simplification de la reddition des comptes des universités est une problématique que le CUQ doit résoudre. « La situation actuelle ne peut plus perdurer et les mécanismes en place n’assurent pas une reddition des comptes efficace », juge Guillaume Raymond, qui craint que l’instance ne se focalise trop sur l’évaluation du contenu pédagogique, au détriment des problématiques administratives.
L’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) évoque l’absence d’une perspective de plus grande autogestion des institutions universitaires, son principe fondateur, comme rédhibitoire à signer la liste de consensus. « L’ASSÉ fonctionne sur une base de démocratie directe et sonde ses associations étudiantes quand elle doit prendre de grosses décisions, exprime la secrétaire aux affaires internes, Rosalie Rose. En ce qui concerne le Conseil des universités, ces dernières ne se sont pas positionnées pour appuyer ou dénoncer un tel projet. »
Les universités répondent
Du côté des universités, le son de cloche est différent. Le recteur de l’UdeM, Guy Breton, dégage trois points principaux du mémoire rédigé conjointement par l’ensemble des universités du Québec, en réponse au projet du CUQ. « Tout d’abord, le fait que l’ensemble des universités partage une position unique est une rareté, cela donne du poids à notre action », insiste le recteur, qui voit le rôle de contrôle de qualité comme la fonction principale de ce conseil. « Il doit s’agir d’évaluation par des experts qualifiés et objectifs, ce qui bénéficiera à tous », ajoute-t-il. Enfin, la présence d’experts provenant de l’extérieur du Québec est le troisième point que suggère M. Breton dans son discours. « Il faut s’inspirer de ce qui se passe de bien ailleurs et ne pas rester centré sur nous-mêmes », estime-t-il.
M. Breton et les recteurs des autres universités québécoises réclament un conseil indépendant et autonome, comme désiré par l’ensemble des acteurs, mais également flexible, pour ne pas se retrouver avec une structure lourde. Il prend en revanche le contre-pied des associations étudiantes sur la question de la composition du conseil. « Les enjeux touchant l’assurance qualité doivent former la pierre d’assise du conseil, ce que le Conseil supérieur de l’éducation ne fait pas », croit M. Breton, en insistant sur le fait que les universités ne peuvent être juge et partie. « C’était déjà mon principal souci avec la CREPUQ [NDLR : Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, dissoute fin 2013], un manque de distance entre ceux qui évaluent et ceux qui sont évalués », conclut-il.
Des positions attendues
L’expert en administration de l’éducation et professeur adjoint à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM, Alexandre Beaupré-Lavallée, souligne également l’importance de mettre sur pied une entité indépendante. « La position des étudiants et des professeurs est classique, ils désirent plus d’autonomie, mais toutes les parties s’entendent sur les grandes lignes et les points de divergence se font sur des détails », croit-il. Il soulève néanmoins une zone d’ombre concernant le devenir du Conseil supérieur de l’éducation (CSE), qui émet des réserves quant au projet.
Les conclusions de cette consultation définiront les grandes lignes du Conseil des universités du Québec. Malgré une volonté commune manifeste, les désaccords idéologiques qui existent pourraient entraver la réussite de ce projet d’envergure pour l’avenir des universités québécoises.
*La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), l’Association pour la voix étudiante du Québec (AVEQ), la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM), la Fédération des associations étudiantes universitaires québécoises en éducation permanente (FAEUQEP), la Fédération des professionnèles – CSN, la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU), la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), le Regroupement des syndicats universitaires (RSU-CSQ), et l’Union étudiante du Québec (UEQ).