Les universités, des machines à sous?

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Par Ludivine Maggi
mercredi 30 octobre 2013
Les universités, des machines à sous?
Le REMDUS et l'ALIES dénoncent l'attitude compétitive des universités entre elles (Crédit photo: flickr.com/Tangi_Bertin)
Le REMDUS et l'ALIES dénoncent l'attitude compétitive des universités entre elles (Crédit photo: flickr.com/Tangi_Bertin)

Les universités québécoises sont financées par le gouvernement selon le nombre d’étudiants à temps plein que comptent leurs programmes académiques. Plus d’étudiants leur assurent un meilleur revenu. Toutefois, cette pratique est dénoncée par les associations étudiantes de Laval et de Sherbrooke. 

Après l’indexation des frais de scolarité, des étudiants remettent en question le système d’attribution des subventions aux universités. Le Regroupement des étudiantes et des étudiants de maîtrise, de diplôme et de doctorat de l’Université de Sherbrooke (REMDUS) et l’Association des étudiantes et étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AÉLIES) dénoncent l’impact direct de la mesure de calcul des Effectifs des étudiants en équivalence à temps plein (EEETP) sur la qualité de l’enseignement offert.

Qualité contre quantité

« La mesure EEETP encourage chez les universités la course à la clientèle plutôt que le désir de mettre de l’avant l’enseignement qui doit être leur mission première », dénonce le porte-parole de l’AÉLIES, Étienne Chabot. 

La grille de financement actuelle, gérée par le Ministère de l’Enseignement supérieur, Recherche, Science et Technologie (MESRST) du Québec, circonscrit la logique économique qui gouverne les universités selon la coalition REMDUS-AÉLIES.

Si l’État venait à changer le critère d’attribution d’une subvention, qui serait non plus basé sur le nombre d’étudiants à temps plein, mais sur la façon d’enseigner, un changement de paradigme favorable pour l’éducation des étudiants pourrait prendre place. 

C’est ce que propose la REMDUS-AÉLIES en exigeant une réforme de la grille de financement. Cette coalition propose une mesure de calcul basée sur les activités d’enseignement. Une mesure qui met l’accent sur « l’enseignement, l’encadrement personnalisé, la recherche libre et voue plus de reconnaissance à l’apport des professeurs », explique le porte-parole de l’AÉLIES. 

La vice-présidente aux affaires externes du REMDUS, Marie-Pier Boisvert, fait remarquer le paradoxe de  « l’écart important entre le taux d’admission et le taux de diplomation », qu’elle considère être l’une des conséquences « de la baisse de la qualité de l’enseignement ». Le revenu de l’UdeM dépend à 70 % des subventions gouvernementales, selon son rapport du budget annuel 2012- 2013.

Grille de financement désuète

Étienne Chabot dénonce une autre faiblesse de la grille. L’année financière à laquelle elle se rapporte pour déterminer la part de subventions accordées à une université remonte à 2002-2003. « Le coût moyen des dépenses des universités de l’époque n’est plus représentatif du coût réel », critique Étienne Chabot. En effet, le coût de la vie a augmenté depuis le temps et les universités peuvent manquer de ressources financières pour couvrir leurs activités devenues dispendieuses aujourd’hui.

Après une brève interaction avec Pierre Duchesne*, Marie-Pierre Boisvert semble constater une certaine réceptivité de la part du ministre. « Il a manifesté de l’intérêt pour les propositions de la coalition et considère la possibilité de modifier l’année de référence de la grille et l’EEETP », soutient-elle.

Pour combler le manque, le REMDUS-AÉLIES signale que les universités s’adonnent de plus en plus à des activités économiques pour renflouer leurs caisses et s’écartent simultanément de leur objectif principal, qui est de dispenser une éducation de qualité. « Les universités cherchent à recruter toujours plus d’étudiants et dans des programmes toujours plus rentables », signale Marie-Pier Boisvert. 

Le système actuel d’attribution des subventions encourage des comportements économiques stratégiques de la part des universités. On note « un recrutement important d’étudiants et un attitude compétitive entre les universités pour agrandir leur clientèle », explique Mme Boisvert.

Opération concurrence

« Les universités dépensent toujours plus en visibilité, afin d’attirer la clientèle estudiantine et de résister aux compétiteurs », suggèrent les porte-paroles du REMDUS et de l’AÉLIES. L’investissement exponentiel dans les campagnes publicitaires est un défaut soulevé par la coalition. Dans un article de La Presse de l’année dernière, l’UdeM était placée en tête de liste parmi les écoles les plus dépensières dans le domaine de la publicité. L’Université aurait consacré un budget de 3,9 M$ en publicité pour l’année 2009-2010. 

Le cas des campus délocalisés qui émergent aux alentours de Montréal est une autre tactique, selon la vice- présidente aux affaires externes du REMDUS. Des campus rivaux se côtoient afin de résister à la concurrence. Souvent, leurs cours se chevauchent également.

À Laval, on peut noter la proximité des campus de l’UQAM et de l’UdeM. Malgré la variété des cours offerts, on remarque sur leurs sites internet que tous deux partagent plusieurs matières d’enseignement sur l’éducation à l’enfance et la psychologie. Marie-Pier Boisvert regrette qu’un besoin plus pressant, comme celui d’aller s’implanter dans des régions plus éloignées du Québec, soit ainsi éclipsé. La prolifération des micro- programmes dans les universités en est un autre exemple. La création de ces programmes courts représente une source de revenus non négligeable, selon Étienne Chabot. 

Le responsable aux affaires externes de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM), Vincent Fournier-Gosselin, signale que la FAÉCUM ne s’est pas encore vraiment penchée sur les propositions de cette coalition. Il réplique toutefois que « le chantier du financement des universités prendra fin à l’hiver 2014. Nous avons donc encore le temps d’évaluer différentes avenues. »

Le REMDUS et l’AÉLIES espèrent mobiliser les syndicats des professeurs et d’autres associations étudiantes postsecondaires à travers le Québec pour renforcer leur rapport de force face au MESRST sur cette problématique. 

 

*Le MESRST n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue. 

Article modifié le 30 octobre 2013.