Le rythme de vie effréné des étudiants les pousse souvent à se priver d’heures de sommeil essentielles. Toutefois, les recherches scientifiques démontrent les conséquences néfastes de cette privation sur les capacités cognitives.
«Je fais une sieste d’environ deux heures dans l’après-midi, affirme l’étudiante en maîtrise en physiologie à l’UdeM Eva Neff. Je manque quelquefois d’énergie, mais je ne crois pas que cela affecte ma mémoire. » L’étudiante se couche vers trois heures du matin presque tous les soirs et voit ses nuits écourtées lorsqu’elle a cours le matin. Pour se tenir éveillée, elle consomme du café.
«Je trouve ça triste que les jeunes dépassent maintenant les personnes âgées comme groupe souffrant le plus de problèmes de vigilance, annonce la professeure au Départe – ment de psychologie de l’UdeM Julie Carrier. Un jeune de 20 ans ne devrait en aucun cas avoir besoin de boisson énergisante ou de café pour rester vigilant et éveillé.»
Les jeunes jouissent d’un sommeil profond et paradoxal d’une meilleure qualité que leurs aînés. Les deux stades de sommeil s’alternent pendant la nuit, et les chercheurs tentent toujours d’en comprendre toutes les subtilités. «Il semble que le sommeil profond lent soit associé à la mémoire dite déclarative, celle qui permet par exemple de répondre aux questions d’examen, et le sommeil paradoxal davantage à la mémoire procédurale, reliée à l’apprentissage de tâches motrices», explique la professeure au Département de psychologie de l’UdeM Nadia Gosselin.
Selon Mme Carrier, la majorité des étudiants devrait dormir un peu plus de huit heures par nuit. Une règle qui n’est appliquée que par une seule des 12 personnes interrogées sur le campus. Comme Eva Neff, huit de ces 12 personnes consomment du café ou des boissons énergisantes pour rester éveillées. Mme Carrier souligne toutefois que la caféine contenue dans ces boissons diminue la profondeur du sommeil, risquant de créer un cercle vicieux. Elle affecte particulièrement le stade lent profond où sont renforcées les connexions nécessaires à la mémoire déclarative.
Impacts du manque de sommeil
Se priver régulièrement de quelques heures de sommeil a des impacts importants sur les capacités de l’étudiant, en commençant par un manque de concentration et une plus grande fatigue. «Une personne qui a l’habitude de moins dormir sera plus somnolente, moins concentrée et l’information sera alors moins bien enregistrée », précise Mme Gosselin. En effet, le sommeil est essentiel dans le processus de mémorisation. « Il y a des changements de connexions entre les neurones, signale Mme Carrier. Le cerveau modifie sa configuration pour intégrer les nouvelles connaissances, et celles-ci se consolident à ce moment. » Un étudiant ayant étudié toute la nuit la veille d’un examen en se privant de sommeil sera capable de retrouver l’information, mais celle-ci sera plus facilement oubliée. Il est d’ailleurs important que l’heure du coucher soit régulière. « Le sommeil profond lent tend à arriver au moment habituel du sommeil, ajoute Mme Gosselin. Il sera de moins bonne qualité si on se couche plus tard. »
Le manque de sommeil a aussi un impact sur plusieurs autres fonctions physiques, psychologiques ou émotionnelles. Il joue entre autres un rôle sur la régulation du glucose et des hormones associées à la régulation de l’appétit. Une privation de sommeil chronique peut causer un surpoids. Le système immunitaire est également affecté. « Lors d’études, le groupe privé de sommeil à la suite du vaccin de la grippe a développé moins d’anticorps que le groupe-test, précise Mme Carrier. De plus, après une semaine de privation de deux ou trois heures de sommeil par jour, le taux de cortisol, l’hormone du stress, augmente. » Un surplus de cortisol affecte également la régulation du système cardio – vasculaire, sans compter ses effets sur l’anxiété et l’humeur.
Des solutions existent
Pour éviter l’insomnie, la coordonnatrice du secteur Soutien à l’apprentissage du Centre étudiant de soutien à la réussite (CÉSAR), Dania Ramirez, conseille de ne pas faire de longue sieste durant la journée. Si jamais le sommeil ne venait pas après une vingtaine de minutes, il est préférable de se relever et de s’occuper à une activité calme. « La pire chose à faire quand on fait de l’insomnie, c’est de se dire que l’on doit vraiment dormir, observe Mme Ramirez. Cela peut créer un stress qui empêche de dormir.»
La coordonnatrice du CÉSAR reconnaît que rares sont les étudiants qui consultent le Centre directement pour des problèmes de sommeil. «C’est quelque chose qui est très souvent en arrière-plan, assure Mme Ramirez. L’anxiété, une humeur dépressive et les troubles d’adaptation peuvent affecter le sommeil. Il faut intervenir au niveau de la cause.» Des suivis personnalisés sont donc effectués et le Centre peut référer vers des spécialistes s’il y a besoin. Le Service de santé et de consultation psychologique de l’UdeM (CSCP) offre présentement une série de trois ateliers de discussion sur le sommeil.
Une salle de sieste à l’Université ?
Les salles de sieste gagnent en popularité à travers le monde, et sont particulièrement répandues en Asie. En instaurer une sur le campus n’est toutefois pas dans les plans. «Il n’y a pas eu de demande en ce sens, annonce le porte-parole de l’UdeM, Mathieu Filion. Et il faut savoir que nous sommes en situation de pénurie d’espace à l’Université, de l’ordre de 40000 mètres carrés. Ce n’est donc pas un projet présentement. »