Volume 19

Crédit Pascal Dumont

Le summum du forum

TED. Trois lettres désormais virales pour Technology, Entertainment and Design (technologie, divertissement et design), une organisation qui tend le micro aux grosses pointures de la recherche pour qu’elles exposent leurs idées à la pointe de l’audace et de l’innovation. La contagion a touché l’Université avec l’événement TEDxUdeM du 11 mars dernier. Véritable marathon du neurone, il donne matière à fantasmer sur le futur.

« X » pour «indépendant», « UdeM » pour « de chez nous ». Ce sont des étudiants de l’Université, Renaud-Philippe Naubert et Carlos Descovich, qui ont préparé l’édition indépendante du programme de conférences TED qui s’est tenue il y a 10 jours à la Société des arts technologiques (SAT). Des 14 conférenciers, 10 font partie de la vie universitaire de l’UdeM. Fidèles à la philosophie TED (voir encadré), ils ont tous cherché à faire exploser les limites du réel lors de présentations courtes, originales et efficaces.

La centaine de participants à TEDxUdeM n’avaient pas l’air ensommeillé typique d’un dimanche matin. Emballés, ils ont suivi le courant, hyperconcentrés. Durant les pauses, on se pinçait, on reprenait conscience du temps et on partageait les vidéos TED préférées. Pour David Oliva, jeune designer montréalais, « un TED par jour éloigne le médecin pour toujours », s’amuse-t-il en déformant le proverbe. La « culture » TED c’est le nouveau, le mieux… et ces mots résonnaient sur la terrasse de la SAT à l’heure du dîner.

 

Trop beau pour être vrai ?

Comme des mantras, les titres des présentations de TEDxUdeM commencent par « Le pouvoir de », « Le secret de », et les conférenciers sont présentés comme des « sommités dans leur domaine », des « celui-qui-révolutionnera ». Car c’est bel et bien la recette TED, annoncer LA révélation et LA nouveauté. Une propension à la bonne nouvelle qui peut sans doute agacer, mais ces assoiffés de progrès et d’optimisme consolent du cynisme ambiant. Carlos Descovich s’y accroche lui aussi : « Quand je crois moins à la civilisation, je vais écouter des vidéos TED », avoue-t-il. D’autres relativisent : il s’agit d’une réunion de passionnés qui font tourner la roue.

Loin de pelleter des nuages, les adeptes, conférenciers comme audience, sont pragmatiques dans leur désir de changer le monde. Échanger des idées dans de tels forums peut permettre de précieuses collaborations. Le 11 mars, beaucoup de cartes de visite se sont échangées au sein de l’armada de l’innovation réunie à la SAT. « Trois projets [comme celui du gant sensoriel développé par l’équipe de PolyProject] se concrétiseront grâce aux rencontres à TEDxUdeM », se réjouit d’ailleurs M. Descovich.

Des idéalistes, peut-être, mais aussi des visionnaires.

 

C’est qui ce TED ?

TED est un organisme à but non lucratif créé en 1984, à l’origine un club de privilégiés du type « réunion annuelle au sommet ». Depuis 1990, le fondateur de Microsoft Bill Gates, l’ex-vice-président américain et militant écologiste Al Gore, le biologiste Richard Dawkins et d’autres personnalités moins publiques se réunissent deux fois l’an en Californie et en Écosse pour échanger sur les innovations qui formeront l’avenir du monde. Chaque exposé de ce cycle de conférences doit durer moins de 18 minutes.

D’expansion en expansion, l’organisation s’est orientée en 2007 vers un modèle ouvert et les thèmes se sont élargis à tous les domaines de la connaissance. Toutes les conférences peuvent maintenant être visionnées gratuitement en ligne sur son portail Web qui propose 1175 conférences éclair filmées. TED compte aujourd’hui deux millions de participants sur Facebook. Son crédo, « des idées à propager », se réalise manifestement.

 

Mohammed Hijri, ou sauver le phosphore à la racine

Crédit Pascal Dumont

Mohammed Hijri, professeur de biologie à l’UdeM, ne jure que par le phosphore, un élément essentiel à la croissance des plantes. Le hic, c’est que les végétaux n’utilisent qu’une infime partie du phosphore contenu dans les engrais. Ce gaspillage biologique contribue à sa rareté. L’impératif est donc de l’économiser tout en diminuant son impact environnemental, « d’autant plus qu’on ne peut pas le remplacer », précise M. Hijri. Le phosphore des engrais non absorbé contribue notamment à la prolifération des algues bleues.

La solution ? Des champignons microscopiques qui pénètrent à l’intérieur des racines des plantes pour les aider à absorber le phosphore, une véritable symbiose qui s’appelle la mycorhize. Tout en réduisant de moitié la quantité de phosphore utilisée pour fertiliser un champ de céréales, la mycorhize permet d’augmenter sa production de 25 %. Si certains pouces verts connaissent déjà la mycorhize, Mohamed Hijri préconise son utilisation dans l’agriculture à grande échelle. Le biologiste rêve même de créer une certification « cultivé avec mycorhize ».

 

Paula Meijerink, ou comment casser la croûte en ville

Crédit Choucri Bechir
Asphalt Tatoos (tatouages sur l'asphalte) dans la rue à New York. Crédit NYCstreets

Paula Meijerink ramène son auditoire sur terre… ou plutôt sur l’asphalte. Elle clame que « l’asphalte, une matière vraiment stupide, a pris le contrôle du monde ». La directrice de l’école d’architecture de paysage de l’UdeM en a contre cette omniprésence « culturelle » de l’asphalte, démodée selon elle. Ce matériau, symbole de la liberté par l’automobile, nous promettait d’accéder plus facilement aux êtres aimés. « La vérité, c’est que l’asphalte nous amène au Wal-Mart le plus souvent », laisse tomber Mme Meijerink. À bas les trous noirs sur les cartes de la ville ! L’automobile « n’est pas le seul habitant sur Terre ». L’architecte suggère de taillader cette écorce stérile et disgracieuse, ce « condom sur la ville » pour y planter des graminées, de la percer pour un meilleur écoulement des eaux, d’y tatouer les ombres des arbres, et même de transformer les stationnements en théâtres.

 

Sylvain Martel, ou le voyage au centre de la tumeur

Crédit Pascal Dumont

« Toutes les quatre secondes, un être humain est tué par le cancer », déplore Sylvain Martel. Ce directeur du laboratoire de nanorobotique de l’école Polytechnique a espoir de pouvoir traiter ce fléau… sans même être médecin. Quand il dit que « les idées peuvent faire du chemin », il veut dire dans des veines, à bord d’un « sous-marin biologique » et à 100 mètres par seconde ! Il développe un traitement ciblé du cancer grâce à une chimiothérapie par vaisseau miniature. Des particules biodégradables développées par son équipe transportent le médicament jusqu’au centre de la tumeur. Des nanoparticules aimantées guident le sous-marin guérisseur grâce à un champ magnétique induit à l’intérieur de la tumeur par un appareil d’imagerie par résonance magnétique. Après des tests sur des cochons, Sylvain Martel espère passer bientôt à l’humain. Il voudrait accélérer la recherche, mais son cancer à lui, « c’est la paperasse ».

 

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