Depuis mon arrivée à Montréal en 2011, je renifle l’odeur de pot à chaque coin de rue. Le cannabis est partout chez tous types de gens, et il serait un mensonge éhonté d’affirmer que je ne tire pas une puff de temps à autre. Deux choses sont certaines, l’or vert peut vous donner le cancer tout comme la cigarette et les effets cognitifs néfastes sont prouvés chez les adolescents qui fument dès 14 ans. Or, la littérature demeure floue concernant les troubles mentaux à plus long terme chez les consommateurs non précoces, à l’aube d’une légalisation qui rime avec incitation.
Libre à quiconque de se noyer dans la vodka chaque matin car nous connaissons tous plus ou moins les conséquences physiques qui en découlent. Pour le cannabis, cela devrait être la même chose. Des petites inquiétudes émergent du débat public mais, globalement, tout semble aller bien dans le meilleur des mondes, le joint n’étant qu’une inépuisable source de relaxation et les effets négatifs aussi rares que la chaleur hivernale au Québec.
À l’épreuve de cette béatitude ambiante, je me suis lancée dans une petite expérience empirique qui fera probablement sauter les laborantins au plafond. J’observe que cinq de mes proches (sur une quinzaine) ont intégré le THC à leur quotidien, c’est-à-dire qu’ils consomment du cannabis au moins une fois par jour. L’enquête de l’Institut de la statistique du Québec « […] regard sur le profil de consommation des Québécois » indique que 7.1 % des consommateurs réguliers sont des hommes contre 2.9 % de femmes en 2014-2015. Bingo, cette virilité du weed correspond à la composition 100 % masculine de mon panel, je peux maintenant passer aux choses sérieuses.
Des études associent une certaine détresse psychologique à la consommation régulière de cannabis, sans établir de lien de causalité clair. La plupart des fumeurs vous diront qu’ils vont bien ou que le cannabis n’est pas relié à leur état de santé mentale. Étrangement, mon authentique échantillon comporte deux consommateurs souffrant de dépression chronique, un troisième qui a développé des symptômes après un (mauvais ?) joint tandis que les deux derniers semblent corrects. Coïncidence ? Peut-être. Nul ne sait si mes amis iraient mieux en fumant du persil, mais le questionnement est légitime.
Quant aux effets cognitifs à long terme, ils n’ont pas été clairement démontrés dans la littérature mais une corrélation a été faite entre cannabis, perte de mémoire et baisse du QI verbal à court terme. Quatre de mes « sujets » ont toutefois réussi leurs études universitaires ou sont capables de jongler entre cours et puff sans que dégât académique n’ait lieu. Un seul a décidé d’arrêter lorsque les symptômes de troubles mentaux se sont soudainement déclarés mais a obtenu son diplôme malgré tout. Donc, avec le cannabis, on a des chances d’être dépressif, de parler moins bien et d’oublier la date d’anniversaire de notre mère, mais on peut réussir nos études quand même. Voilà qui est rassurant !
Peut-être alors, que tout se joue au niveau des prédispositions génétiques. C’est l’éternelle question de l’oeuf ou la poule. Des chercheurs en psychiatrie et en neurosciences de l’Université Saint-Louis et du King’s College ont relié le risque de maladies psychiatriques à celui de l’abus de drogues, à savoir qu’une personne disposée à développer une schizophrénie par exemple, serait naturellement poussée à consommer des substances de manière excessive. Bonsoir l’injustice génétique. Je l’avoue, je n’ai pas été en mesure de réaliser un test génomique auprès de mon panel, pardonnez mon manque de rigueur, mais il s’agit d’une piste à explorer dans le futur.
Je conclurai mon irréfutable étude par le constat que 80 % de mon panel est composé de jeunes entre 18 et 30 ans qui ne changeront probablement pas leur manière de consommer après la légalisation. Un seul d’entre eux ne touchera plus l’or vert, car la génétique est inéquitable et le danger ne semble pas palpable pour tout le monde : votre mère vous pardonnera, pas votre cerveau. De plus, aucun médecin ne pourra convaincre son patient du péril de sa routine engourdie tant que les études ne seront pas plus solides.
Finalement, légaliser le weed est, tout comme l’alcool et la cigarette, un argument économique de poids pour les gouvernements. Mais cette mesure devrait, d’abord et avant tout, être un catalyseur pour la recherche scientifique sur les conséquences réelles de la consommation à moyen et long terme. Que chacun puisse agir en connaissance de cause et se référer à davantage de données précises plutôt qu’à ses conclusions personnelles ou à cet éditorial (peu) scientifique. Le reste n’est que logorrhée politique, tentative de contrôle de la criminalité et, je l’espère, campagnes de prévention alors que des milliers de personnes seront davantage incitées à fumer dans les années à venir.