Le génie au féminin

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Par Bénédicte Santoire
vendredi 27 janvier 2017
Le génie au féminin
Deux des membres du comité exécutif de Poly-Phi, Jihane Ajaja et Malika Ouiriemmi. Crédit photo : Mathieu Gauvin.
Deux des membres du comité exécutif de Poly-Phi, Jihane Ajaja et Malika Ouiriemmi. Crédit photo : Mathieu Gauvin.
Les étudiantes ingénieures des cycles supérieurs de l’École polytechnique ont lancé un projet ayant pour objectif de promouvoir le génie auprès des filles et des femmes, de l’école primaire à l’université. Le comité porteur de cette mission, Poly-Phi – femmes ingénieures, a été inauguré le 17 janvier dernier.
« Même avec la progression des droits et de l’égalité entre hommes et femmes, c’est faux qu’il y a égalité. Il n’y a pas assez de filles qui participent en génie. »
Jihane Ajaja, présidente de Poly-Phi et doctorante en génie mécanique.

«C’est une initiative pour les étudiants, par les étudiants », soutient la présidente de Poly-Phi et doctorante en génie mécanique, Jihane Ajaja. En partenariat logistique avec l’Association des étudiants de cycles supérieurs de Polytechnique (AECSP), Poly-Phi demeure cependant indépendant, avec son propre conseil exécutif et sa propre offre d’activités. Les étudiants de tous les cycles sont invités à rejoindre ce groupe mixte.

Le comité cherche à agir auprès des différents paliers d’éducation. Les programmes offerts incluent la « Tournée géniale » qui consiste en des visites et des activités scientifiques dans les écoles primaires de l’Île de Montréal, principalement dans les milieux défavorisés. Selon Jihane, cette initiative aide à offrir un accès aux sciences dans les écoles démunies, à agir en tant que modèle féminin ainsi qu’à déconstruire les préjugés associés au métier d’ingénieur. « Ce que nous essayons de faire, c’est agir là où on peut encore changer quelque chose », affirme la vice-présidente aux communications du comité, Malika Ouiriemmi.

Poly-Phi compte également offrir des ressources aux étudiants de Polytechnique telles que des conférences de professionnels et des visites industrielles afin de se familiariser avec le métier d’ingénieur, ainsi qu’un programme de mentorat à plusieurs niveaux. Ce dernier propose aux étudiantes au niveau collégial, au baccalauréat et aux cycles supérieurs, d’être jumelées avec des femmes provenant de différents cycles en génie. « On essaie de cibler le plus de jeunes filles possible et de répondre à chacun des différents niveaux », affirme Malika.

Vers la parité

L’initiative Poly-Phi provient des chargées de projets associées à la chaire Marianne-Mareschal, qui a dû cesser ses activités en 2016. La professeure en génie des matériaux et cotitulaire de la chaire, Myriam Brochu, explique qu’un manque de fonds sécurisés pour l’année 2016-2017 fait partie des facteurs ayant mené à la fermeture de la Chaire. Elle souligne également un manque de temps de la part des titulaires. « On apprécie quand les gens veulent respecter la parité dans les comités de sélection et dans les discussions, mais dans une école comme Polytechnique où il y a seulement 10 % de femmes professeures, si on veut avoir la parité dans ces réunions, cela fait en sorte que nous sommes sollicitées fréquemment », constate Mme Brochu.

D’après les statistiques institutionnelles de Polytechnique, pour l’année 2015-2016, pour tous domaines et cycles confondus, les femmes représentaient 25 % des diplômés et 26,9 % des étudiants inscrits à l’automne 2016. « Même avec la progression des droits et de l’égalité entre hommes et femmes, c’est faux qu’il y a égalité, déplore Jihane. Il n’y a pas assez de filles qui participent en génie ». Pour pallier ce manque, Ingénieurs Canada a d’ailleurs fixé l’objectif « 30 en 30 », qui vise à ce que la proportion de femmes parmi les nouveaux ingénieurs soit de 30 % d’ici 2030.

Selon elle, ce phénomène serait notamment attribuable à la façon dont les garçons et les filles sont différemment socialisés dès l’enfance ainsi qu’à une méconnaissance du métier d’ingénieur. « Il y a les mêmes problèmes de stéréotypes dans les métiers de l’informatique et de la construction, avance Jihane. Qu’on parle du geek qui est le garçon à lunettes dans son sous-sol ou le travailleur de six pieds cinq avec ses grosses bottes, le problème de perception commence à la maison. » Les représentantes de Poly-Phi considèrent que les enfants devraient avoir accès à une grande diversité de modèles et ainsi avoir le droit de choisir le métier qui les intéresse vraiment.