Pablo Picasso ne s’est pas mélangé les pinceaux lorsqu’il a peint les bombardements de la ville de Guernica en 1937. Il s’est élevé contre la violence du conflit espagnol pour que son tableau devienne, finalement, symbole des atrocités de la guerre puis témoin d’un morceau d’Histoire. « La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre, offensif et défensif, contre l’ennemi », a lancé Picasso dans ses conversation avec Christian Zervos. Les idées de la philosophie des Lumières se sont elles-mêmes répandues à travers la littérature et l’art contre l’obscurantisme religieux du 18e siècle.
Cette conception de l’art au service des idées se transforme ainsi au gré de l’Histoire et aujourd’hui, il prend vie dans le mouvement artistique activiste (artivisme) apparu à la fin des années 1990, qui s’oppose à un système politico-économique jugé belliqueux et injuste. Il diffère des œuvres engagées de jadis en ce sens que la contestation qu’il incarne est multiple et globale. Les artivistes font rayonner leurs jeunes lumières altermondialistes et peignent leurs Guernica à eux dans l’urbanité, à travers des sculptures, des peintures de rue et autres murales.
L’art militant se révèle dans le travail de créateurs comme Banksy directement dans la rue, au plus près du citoyen. Dans cet ordre d’idée, des centaines d’artistes européens ont participé au projet « Brandalism », une révolte artistique et citoyenne contre l’invasion publicitaire dans les rues. Depuis 2012, les créateurs de ce mouvement cousin de l’artivisme ont réuni de nombreux artistes qui remplacent les annonces publicitaires par des œuvres dénonçant la société de consommation, la dette ou encore l’image corporelle véhiculée par la publicité. Ce militantisme fier et tonitruant prend le destin urbain en main, il libère directement le citoyen d’une pollution visuelle exacerbée que l’Homme des villes a trop vite accepté.
De son côté, la jeune artiste Wenqing Yan s’est distinguée en 2011 à travers ses dessins numériques aux allures de manga chaotique. Alors étudiante en Arts à l’Université de Berkeley, elle dénonce la pollution à coups résolus de couleurs résonnantes. Illustrant par exemple une petite fille devant un oiseau mort étouffé par des déchets, le propos des œuvres est d’autant plus fort qu’il contraste avec un style nous replongeant dans l’insouciance de nos années dessin animé. Son art possède cette flamboyante caractéristique de provoquer la réflexion immédiate, de positionner le débat.
Le concert « Paysages sonores pour le temps présent » n’est pas foncièrement activiste mais symbolise une volonté de d’éveiller, de saisir, de conscientiser le public aux problématiques écologiques. Invités par l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), quatre étudiants ont créé des pièces en analysant notamment la structure de chants d’oiseaux pour les mêler à des sonorités d’usines. Le génie de ces compositions engagées réside dans l’idée de désarçonner un public, trop enclin aux douces mélodies d’une classique symphonie, en lui rappelant des sons qui l’entourent au quotidien. La cause environnementale nourrit ainsi la création musicale et vice versa, pour nous amener devant la réalité d’un monde asphyxié au dioxyde de carbone, corrompu par des industries toxiques.
L’art activiste, engagé par nature, n’a pas nécessairement plus de valeur que l’art dit neutre parce qu’il semble plus utile. Toutefois, il nous impose une réalité plus ou moins déformée par le trait et la sensibilité esthétique. Tantôt brutal, tantôt porteur d’espoir et de renouveau, l’artivisme nous invite clandestinement à la pensée critique avant, pour les plus téméraires, de passer à l’action.