S’il y a un monde où on ne s’attend pas à beaucoup d’intérêt pour l’art contemporain, c’est bien dans le monde de la science. Comme en témoignent les vox-pop réalisés à proximité de deux œuvres situées dans les nouveaux pavillons de la Faculté des arts et des sciences de l’UdeM, les étudiants y sont sensibles. Comme s’ils s’étaient mis d’accord, ils voudraient eux-mêmes ajouter de la couleur à la grisaille bétonnée de leurs bâtiments… et ils ont même des idées pour améliorer les œuvres présentes !
«C’est beau»
La sculpture Parallélépipède (2004) de Yves Gendreau, qui se trouve à l’extérieur du pavillon J.-Armand-Bombardier, est impossible à manquer (et difficile à prononcer). Elle est énorme, colorée et penche volontairement d’un côté. «C’est beau», confirme un petit groupe d’étudiants en génie civil qui dîne sur une table tout près. L’un d’eux ajoute : «C’est structurel, c’est réfléchi et décoratif en même temps.»
Ce n’est pas étonnant qu’elle plaise à des étudiants en génie civil : Yves Gendreau a choisi des couleurs qui rappellent celles des panneaux de signalisation utilisés en construction. L’artiste a même voulu faire le lien entre son travail d’artiste et celui d’un scientifique, car selon lui, les deux disciplines tentent de créer de l’ordre à partir du chaos.
L’utilité de cette œuvre? Elle sert de sujet aux travaux pratiques d’étudiants de la Polytechnique! Puisqu’elle fait partie du terrain de l’immeuble, sa structure est incluse dans la modélisation 3D du bâtiment à l’ordinateur, qui sert souvent d’exemple aux étudiants.
Se fondre au paysage
Micro paysages (2006) de Jean Lantier est située au centre d’une petite place en face de la grande verrière de l’atrium du pavillon Jean- Coutu. Les commentaires des étudiants à son égard sont moins élogieux : «C’est pratique, on peut s’asseoir dessus et ça coupe l’espace, mais c’est dommage qu’elle n’ait pas plus de caractère», dit Aïda, une étudiante en génie industriel. Cette œuvre se compose de deux parties de structure semblable, mais de grandeurs différentes. Il s’agit de plusieurs blocs d’aluminium taillés par l’artiste et posés sur des socles de granit. Tout est gris. Francis, qui étudie en mathématiques, perçoit l’oeuvre comme des rochers : «Je les vois, mais je ne me pose pas de question. Au moins, ça rend la place moins banale.»
«On a assez de béton!»
Avec Micro paysages, Jean Lantier a voulu faire une sculpture qui s’imbrique parfaitement dans son milieu. Elle est discrète et ne perturbe en rien le paysage, contrairement à celle d’Yves Gendreau. L’oeuvre ne fait référence à rien, sauf peut-être aux grosses pierres grises tout près, au grand dam des étudiants. «On a assez de béton!» déplore Octavian, un étudiant en pharmacie. «J’aurais préféré des arbres ou une statue à la place, comme un dauphin qui saute !» Son amie Maria, aussi étudiante en pharmacie, ajoute à la blague : «Une statue de Jean Coutu aurait été bien. Sinon, juste ajouter de la couleur.»
Les plans d’origine de la cour intérieure incluaient des arbres aux endroits exacts où se trouvent les deux sculptures de Jean Lantier. L’avantage de l’œuvre, c’est qu’on peut s’asseoir dessus. Des arbres auraient ajouté verdure et ombrage à l’extérieur, mais ils auraient aussi empêché les rayons du soleil de pénétrer dans l’atrium immense du pavillon Jean-Coutu, derrière lequel se trouve la magnifique forêt du Mont-Royal.
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Contrairement au stéréotype de l’étudiant en science qui n’a d’yeux que pour les ordinateurs et autres jouets technologiques, nos scientifiques en herbe portent un regard à la fois pratique et contemplatif sur l’art contemporain: l’œuvre doit être utile et belle à la fois.